Carol Doucet: orpailleuse du talent acadien

CHANSON. Lisa Leblanc, les Hay Babies, Caroline Savoie, Joey Robin Haché… La nouvelle génération d’auteurs-compositeurs-interprètes acadiens déferle sur l’industrie de la chanson. Une vague de talent que l’on doit en partie à une femme de l’ombre nommée Carol Doucet.

À l’instar de l’orpailleur qui écume les ruisseaux à la recherche de pépites d’or, Carol Doucet tamise le talent acadien pour en dénicher les perles. Quand on lui demande d’où arrivent tous ces jeunes artistes de la chanson, elle cite l’une des filles des Hay Babies: «Il y a toujours eu du talent en Acadie, c’est juste que le Québec vient de le découvrir».

Si l’on vient juste de s’ouvrir les yeux et de tendre l’oreille vers les maritimes, c’est un peu beaucoup grâce à Carol Doucet. Ex-professeure de journalisme à l’Université de Moncton, elle a tout abandonné pour lancer sa boîte de communications après un mandat au Sommet de la Francophonie en 1999.

«Après avoir vécu un aussi gros buzz, il n’était pas question que je retourne à l’université, confie-t-elle. Il fallait que je sois sur le terrain.» Elle se met donc à organiser des événements culturels pour divers artistes jusqu’à ce que l’auteur-compositeur-interprète Pascal Lejeune lui fasse la grande demande.

«Il voulait que je sois son agente, mais je ne voulais rien savoir. Finalement, je me suis laissée convaincre», raconte la femme d’affaires rencontrée en marge des vitrines musicales du Festival international de la chanson de Granby.

De fil en aiguille, elle participera ensuite à l’éclosion de Lisa Leblanc – «c’est elle qui m’a mis sur la map», insiste Mme Doucet – au succès des Hay Babies, ainsi qu’à l’arrivée de la relève en Caroline Savoie et Joey Robin Haché.

Aujourd’hui, son écurie Le grenier musique compte plus d’une dizaine d’artistes. Selon les besoins, la boîte peut offrir une intégration verticale complète de la gérance à la programmation de spectacles et jusqu’à la production d’albums.

C’est là où l’impact de Carol Doucet est majeur. Un marché prolifique s’est enfin trouvé un cadre pour propulser les artistes à l’intérieur de l’industrie.

Passionnée par sa nouvelle carrière, celle qui travaille dans son grenier (d’où le nom de sa boîte) n’a pas hésité à se déplacer en Europe pour étudier les rouages de l’industrie musicale.

Solidarité et ouverture

En plus de miser sur une industrie de la chanson structurée, les jeunes artistes doivent leur éclosion actuelle à deux autres facteurs de l’avis de Carol Doucet. D’abord une solidarité du milieu culturel au Nouveau-Brunswick et ensuite une plus grande ouverture chez les voisins du Québec.

«Chez nous, tous les festivals, tous les événements, les salles de spectacles programment des artistes acadiens. Ils sont tous là!», énumère-t-elle. Le rendez-vous annuel de la FrancoFête en Acadie demeure l’exemple par excellence.

Dans une province de moins de 800 000 têtes, pas évident de vivre de son art. C’est là où le voisin québécois devient incontournable et l’ouverture nouvelle du public n’est pas étrangère au succès des Acadiens.

«Lisa a ouvert la voie à tout le monde. Il y a aussi une volonté d’aider à la découverte de nouveaux artistes. Aux Francofolies, par exemple, je peux placer tous mes artistes et ils bénéficient d’une belle scène», souligne Mme Doucet.

Granby a aussi fait sa part avec le couronnement de Lisa Leblanc en 2010. Et si la tendance se maintient, on pourrait bien couronner une nouvelle lauréate acadienne ce vendredi soir.