Un an plus tard, la douleur est toujours vive pour Marie Boucher

Presqu’un an jour pour jour après la mort tragique du policier Vincent Roy, à Bromont, la conjointe du disparu reste forte devant le destin qui a emporté trop vite «l’amour de sa vie». En entrevue au GranbyExpress.com, Marie Boucher a confié qu’elle donnerait tout pour oublier ce fatidique 1er décembre 2011.

«Le 30 novembre est très symbolique. C’est la dernière journée de vie de Vincent. Je me souviens de chaque geste, de chaque parole. C’est comme si c’était hier. Ce n’est pas sain, mais je me rappelle de la suite aussi, de tout. Je n’ai pas eu de black out. Si je pouvais m’endormir le 30 et me réveiller le 2 décembre, ce serait super», avoue la dame de 36 ans.

Marie Boucher n’est pas la seule pour qui le 1er décembre 2011 est lourd de souvenirs. Ce jeudi, les policiers de Bromont iront se recueillir (voir autre texte) sur les lieux de l’accident afin de commémorer le décès leur collègue.

Entourée de ses proches, la conjointe du policier mort en service se recueillera à son tour au même endroit samedi. «J’y suis allée deux fois. Une fois pour aller porter des fleurs, l’autre fois pour faire le ménage. J’ai tellement la chienne quand je vais là. C’est dangereux. Je me dis ça serais-tu laid de la vie de me faire tuer-là», dit-elle.

Au cours des semaines qui ont suivi ce tragique accident, Marie Boucher ne cache pas qu’elle a multiplié les détours pour éviter de passer sur ce tronçon de la route 139. «Je trouve ça affreux d’aller là», lâche-t-elle.

Un homme de parole

Lorsqu’elle parle de son grand amour qu’elle surnommait Einstein, les yeux verts de Marie Boucher s’illuminent et sa bouche s’enflamme.

«J’ai été complètement charmée par lui. C’est une personne qui ne m’a pas déçue. À nos débuts, quand il disait qu’il allait m’appeler, il m’appelait. Quand il disait qu’il allait venir me voir, il venait, même s’il était aux États-Unis. Il n’y a pas une occasion où j’ai pu dire que Vincent a manqué à sa parole… à part lorsqu’il est mort», confie-t-elle.

«Vincent a les qualités des grands hommes de ce monde. Il avait une intelligence tellement fine. J’ai été totalement charmée par la façon qu’il voyait le monde. C’était aussi quelqu’un de confiant qui prenait soin des autres et de lui.»

«C’était un papa hyper présent et il n’y avait pas de mesquinerie dans cet homme. On s’apportait beaucoup même s’il n’y avait rien sur terre qui nous prédestinait à être ensemble. Il est blanc, je suis noire, lui la force, moi la faiblesse, lui le chêne et moi le roseau», souffle Mme Boucher.

C’est dans la quotidienneté que Marie Boucher s’ennuie le plus de son homme. «Juste d’être assise à côté de lui… ça me donne envie de pleurer tellement j’étais bien avec lui.»

Malgré les évènements tragiques d’il y a un an, Marie Boucher fait preuve d’une force intérieure impressionnante.

«Qu’est-ce que je veux pour mes enfants, demande-t-elle. Une mère roulée en boule qui pleure et qui n’a pas une cenne? Non.»

Cette dernière n’est toutefois pas seule pour passer à travers cette épreuve. Sa «brigade de survie», composée de sa famille, sa belle-famille, de ses amis et de ceux de Vincent l’entoure solidement. «Mais malgré tout l’aide, le support et l’amour que j’ai pu recevoir, j’ai des moments de grande solitude. Je me sens infiniment seule parce qu’il ne reviendra pas. C’est aspect de non-retour me sape beaucoup d’énergie», laisse tomber Marie Boucher.

Ses enfants, Ève et Raphaël, respectivement âgés de neuf et onze ans, vivent la situation avec sagesse. «Ils ont eu de la bonne génétique. Ils tiennent de papa. Ils sont équilibrés. J’ai eu plus d’inquiétude que dans les faits. Ça me bouleverse de voir que ça semble plus harmonieux que ce que je croyais.»

De nombreux hommages

Depuis la mort de son conjoint, Marie Boucher a vu le nom de Vincent Roy être gravé à jamais sur les cénotaphes de l’École nationale de police du Québec à Nicolet et sur la colline du Parlement à Ottawa au cours de deux cérémonies chargées d’émotion où la résidente de Shefford a pu voir le travail de son amoureux être souligné.

«Ces fois-là, j’ai vécu des sentiments partagés. Ça me rappelle son œuvre inachevée. Il a fait tellement d’efforts pour être policier et il a à peine travaillé deux ans. Il a incarné ce rêve-là, mais pas assez longtemps pour moi. La joie qu’il avait pour ce métier-là, c’est une joie pure. C’était un cadeau pour lui d’être policier. Il aurait eu tellement à donner», soutient-elle.

Après avoir passé près de 16 ans en compagnie de Vincent Roy, Marie Boucher ne pense pas retrouver un amour aussi fort un jour. «Je n’ai pas beaucoup d’espoir. Je ne cherche pas ça. Si la vie me fait ce cadeau, on verra à ce moment, mais je préfère mettre ce qui me reste d’énergie pour mes enfants et les élèves à qui j’enseigne. Je préfère concevoir une vie seule que d’imaginer quelqu’un qui ne viendra jamais, qu’IL ne reviendra jamais.»

Un décès aux nombreuses répercussions

1er décembre 2011: Vers 11h30, Vincent Roy est mortellement happé par un camion cube sur la route 139, entre les chemins Magenta et Grégoire.

8 décembre 2011: La dépouille du policier Roy est exposée en chapelle ardente à l’aréna de Bromont.

9 décembre 2011: Les funérailles de Vincent Roy sont célébrées à l’église Saint-François-Xavier. Un millier de policiers venant des quatre coins du Canada forment une haie d’honneur.

5 mars 2012: À sa séance mensuelle régulière, la Ville de Bromont adopte à l’unanimité une résolution demandant à Québec l’instauration de la Move Over Law.

23 mars 2012: À partir de cette date, les Québécois ont été invités à signer une pétition demandant l’instauration de la Move Over Law au Québec. Cette pétition est l’initiative d’un paramédic de Chambly, Patrick Dufresne.

14 mai 2012: Le nom de Vincent Roy est gravé sur l’un des cénotaphes de l’École nationale de police du Québec à Nicolet dans le cadre de la Journée de reconnaissance policière.

30 mai 2012: Le député de Chambly, Bertrand St-Arnaud dépose la pétition de 9 429 noms instaurée par le paramédic Patrick Dufresne.

31 mai 2012: Au lendemain du dépôt de la pétition, le gouvernement du Québec adopte la Loi du Move Over, maintenant connue comme étant la Loi sur le corridor de sécurité.

14 juin 2012: La CSST publie son rapport d’enquête portant sur la mort du policier Roy. Le document de 45 pages ne blâme aucunement le défunt et le Service de police de Bromont.

5 août 2012: La Loi sur le corridor de sécurité devient une infraction au Code de la sécurité routière si elle n’est pas respectée. Les contrevenants s’exposent à une amende de 277$ assortie de quatre points d’inaptitude.

30 septembre 2012: La mémoire de Vincent Roy est soulignée sur la colline du Parlement à Ottawa lors du Jour commémoratif national des policiers et agents de la paix.