Criminaliser le tabac de contrebande

Trafic d’armes, drogue, prostitution. Acheter des cigarettes de contrebande, c’est bien plus que faire une économie. «C’est donner de l’argent au crime organisé», dit Michel Rouillard, porte-parole de la Coalition nationale contre le tabac de contrebande qui était de passage à Granby, vendredi, dans le cadre d’une tournée. Le gouvernement Harper travaille d’ailleurs à criminaliser ce fléau.

«La tournée a deux objectifs. Le premier est de sensibiliser la population qui achète du tabac de contrebande. Cet argent-là est donné au crime organisé et sert pour le trafic d’armes, de stupéfiants, la prostitution… La GRC estime que plus de 175 groupes criminels organisés tirent profit de la contrebande de tabac», indique Michel Rouillard, en entrevue téléphonique avec le GranbyExpress.com, en fin d’avant-midi, vendredi.

Au Canada, les taxes perdues par la contrebande de tabac sont évaluées à 2,4 milliards de dollars et au Québec, ce chiffre est estimé entre 300 et 500 millions de dollars. «C’est très difficile d’avoir des données précises puisque c’est ce qu’on appelle de l’économie sous-terraine. Ces gens-là ne font pas de rapport d’impôts !», ajoute cet ancien sergent de la Sûreté du Québec.

Dans un second temps, Michel Rouillard rencontre la direction des services de police ainsi que les élus municipaux et provinciaux. En début d’après-midi, vendredi, il a d’ailleurs fait un arrêt au poste de police de la rue Simonds Sud pour y rencontrer le directeur Marco Beauregard. «J’ai déjà fait de la patrouille avec Marco, se souvient Michel Rouillard. Ma rencontre me permettra de connaître sa perception et de connaître la situation à Granby.»

25% du prix

«Ce qu’on reproche aux vendeurs de cigarettes de contrebande, c’est qu’ils ne respectent pas les règles. Ils vendent dans des cours d’école. En tant que père et grand-père, je ne veux pas que ma petite fille qui va à JH-Leclerc se fasse offrir ce tabac-là», dit M. Rouillard qui demeure à Bromont.

À titre d’exemple, il précise qu’un carton de 200 cigarettes se vend environ 20$ dans les cours d’école. «C’est pratiquement le prix d’un billet de cinéma», dit-il. En dépanneur, ce même carton se détaille à 80$.

Même si le nombre de fumeurs a largement diminué au cours des dernières années (70% de la population fumait il y a 35 ans contre 30% en 2013), beaucoup de travail reste à faire. «Il y a plus de gens qui sont sensibilisés. Comme citoyen, on a le devoir de respecter la règlementation», ajoute Michel Rouillard.

Plus de saisies

Le retraité de la Sûreté du Québec remarque aussi que le nombre de saisies est de plus en plus élevé dans la province. Dans la région immédiate, le projet Tabac, mené par les policiers de Granby, l’ERM-drogue et la GRC, du 4 février au 18 avril 2013, a permis de saisir 110 000 cigarettes de contrebande, 5 000 cigarillos, 10 000$ en argent, 2 500 grammes de cannabis, huit véhicules et six armes à feu. Dix personnes âgées entre 18 et 65 ans ont aussi été arrêtées lors de cette opération. Elles seront accusées en vertu de la Loi concernant l’impôt sur le tabac de possession, de vente, de transport et d’entreposage illégal de produits du tabac.

Le 15 mars dernier, le Granbyen Roger Beaudry s’est aussi vu imposer une amende de 15 000$. L’homme s’était fait arrêter par des policiers de la SQ de la Haute-Yamaska le 25 mai 2010 et 14 800 cigarettes de contrebande avaient été saisies.

De pénal à criminel ?

Actuellement, les infractions reliées au tabac de contrebande sont jugées au pénal. La règlementation en vigueur interdit la vente, la livraison et la possession du tabac destiné à la vente au détail dont le paquet n’est pas identifié selon les règles. «De plus, une personne qui est prise à posséder du tabac de contrebande pour sa consommation personnelle est passible d’une amende de 350$», précise Michel Rouillard.

Or, le gouvernement Harper souhaite que les infractions pénales reliées au tabac deviennent criminelles. La plus récente version du projet de loi S-16 (Loi visant à combattre la contrebande de tabac), présenté en mars dernier, prévoit notamment une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans pour quiconque se retrouve avec plus de 10 000 cigarettes de contrebande en sa possession. Un emprisonnement minimal serait aussi prévu dans le cas de récidive. «J’ai eu à témoigner devant une quinzaine de sénateurs à ce sujet», indique M. Rouillard. Ce dernier ne cache pas que la Coalition suit de très près les travaux et espère que le gouvernement ira de l’avant.