Décès d’un poupon à Farnham: le partage du lit montré du doigt

RECOMMANDATION. Le décès d’un poupon de 35 jours, survenu le 15 juillet 2011 à Farnham, serait attribuable au partage du lit avec ses parents, conclut le coroner Alexandre Crich, chargé de faire la lumière sur ces tristes événements. Le spécialiste émet une recommandation au Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de la Haute-Yamaska, où a été suivi le nouveau-né, afin de prévenir les décès par asphyxie positionnelle.

Né à terme le 10 juin 2011 à l’Hôpital de Granby, le poupon a rapidement souffert de coliques et de régurgitations gastro-œsophagiennes. Selon le rapport du coroner Alexandre Crich, les parents du nourrisson ont consulté à quelques reprises des professionnels de la santé pour ces problèmes de santé.

Entre 1h15 et 1h30, le 15 juillet 2011, le bébé, alors âgé de 35 jours, est allaité dans le lit des parents. Les deux adultes sont couchés parallèlement sur son côté se faisant face l’un à l’autre. «Le proche s’endort dans cette position en allaitant. Vers 2h13, le proche se réveille et constate que [le bébé] est toujours dans la même position, sauf que sa tête est plus droite. Comme il ne l’entend pas respirer, il demande à un autre proche, qui se trouve également dans le lit, s’il l’entend respirer. L’autre proche constate que [le bébé] ne respire pas», rapporte le coroner Alexandre Crich, dans son rapport de cinq pages.

Le 9-1-1 est alors composé et des manœuvres de réanimation sont entreprises. À l’arrivée des ambulanciers, le poupon est en arrêt cardiaque et est conduit à l’urgence de l’hôpital Brome-Missisquoi-Perkins. Les manœuvres seront cessées à 3h58 et son décès est constaté par le médecin de garde.

Asphyxie positionnelle

L’autopsie du nouveau-né n’a révélé aucun signe particulier et le médecin légiste exclut la thèse que le bébé soit décédé des suites d’un syndrome de mort subite du nourrisson «puisqu’il s’agit d’une cause de décès, lorsque toutes autres causes sont exclues.»

Dr Crich rappelle que le poupon partageait le lit de ses parents et note qu’il y a trois facteurs de risque associés à cette pratique controversée.

Un lit d’adulte n’est pas un endroit sécuritaire pour le repos d’un bébé, souligne Alexandre Crich, puisque la surface n’est pas ferme. «Les irrégularités mêmes subtiles du matelas peuvent provoquer un mauvais positionnement du corps, qui, même léger, peut provoquer une obstruction des voies respiratoires. Ceci est exacerbé par la présence d’un adulte dans le lit, qui par son poids déforme la surface de repos», note le coroner. Enfin, le positionnement sur le côté du poupon constitue un autre risque pouvant mener à l’obstruction des voies respiratoires. Le coroner Crich conclut que le nourrisson est décédé d’asphyxie positionnelle associée au partage du lit

Recommandation

Dans son rapport, le coroner rappelle que cette cause de décès est bien documentée dans la littérature scientifique. À la suite d’autres décès du genre survenus au Québec, l’Institut national de santé publique du Québec, qui publie le guide «Mieux vivre avec notre enfant de 0 à 2 ans», un ouvrage remis systématiquement (et gratuitement) aux nouveaux parents, a modifié son édition en 2009 pour parler des dangers du partage du lit. Des communiqués de presse ont aussi été émis par le Bureau du coroner et des coroners sont intervenus dans les médias pour parler des dangers du partage du lit avec des adultes.

En réponse à un rapport du coroner Jacques Robinson, rédigé en mai 2012, qui invitait l’Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux à s’assurer que ces membres véhiculaient un bon message, le Coordonnateur à la qualité et à la gestion des risques du CSSS de la Haute-Yamaska avait écrit au coroner en chef du Québec afin de lui faire part des procédures de l’établissement.

Ce dernier confirmait que le guide est remis à toutes les femmes enceintes et qu’une rencontre prénatale traite des positionnements et lieux sécuritaires de sommeil des nouveaux nés. Une feuille de suivi portant sur les sièges d’auto et lieux et positions sécuritaires de sommeil a aussi été ajoutée pour les visites à domicile.

Malgré ces procédures, le coroner Alexandre Crich a émis une recommandation au CSSS de la Haute-Yamaska. «Afin que les intervenants travaillant en périnatalité au CSSS Haute-Yamaska persévèrent dans leur travail de prévention des décès par asphyxie positionnelle, je recommande au CSSS Haute-Yamaska qu’il fasse prendre connaissance du présent rapport à ses intervenants en périnatalité pour leur rappeler l’importance de leur travail en prévention des asphyxies positionnelles.»

Le CSSS de la Haute-Yamaska indique la recommandation ne vise pas l’organisation. «Les cours pré-nataux et post-nataux doivent être suivis dans le CSSS de résidence. Comme la mère habitait Farnham, les rencontres courantes n’ont pas eu lieu au CSSS de la Haute-Yamaska même si elle a accouché à l’Hôpital de Granby», précise Denis Dubé, directeur des communications au CSSS de la Haute-Yamaska. «Va-t-il y avoir un correctif de demander au coroner? Je ne peux pas répondre, mais ça fait partie des avenues envisagées», ajoute M. Dubé en précisant que le CSSS est interpellé par cette triste mort. Il souligne également que l’organisation met déjà en pratique les éléments soulevés par le coroner.