Plus de personnes en situation précaire à Granby

DIFFICULTÉS. Si elle n’y est pas aussi visible et beaucoup moins percutante que dans la Métropole, l’itinérance n’en demeure pas moins une problématique bien présente à Granby. Une situation qui, de surcroît, tend à s’accentuer si on en croit les taux croissants de fréquentation des maisons d’hébergement temporaire du territoire.

Le Passant, ayant pignon sur Horner a, entre le 1er avril et le 1er décembre dernier, dispensé 352 séjours à 242 hommes dans le besoin. La hausse est significative, car à pareille date en 2016, on parlait plutôt de 261 séjours et de 194 personnes différentes.

Si cette augmentation s’explique d’abord par le fait que moins de lits ont été rendus disponibles l’an dernier en raison de la perte d’une subvention fédérale (18 au lieu de 28), les besoins sont également plus criants. À preuve, on avait enregistré 311 séjours en 2011, une année où tous les lits étaient accessibles. «On le sent. Il y a de plus en plus de personnes qui se retrouvent dans une situation précaire et temporairement en difficulté […] Ça ne date pas de cette année. On voit que la courbe est à la hausse depuis sept ou huit ans», précise le directeur, Steve Bouthillier.

Le constat est relativement similaire du côté de l’Auberge sous mon toit (ASMT), un organisme de la rue Chapais mettant 20 lits à la disposition des hommes de 18 à 35 ans. Durant sa dernière année financière complète, soit du  1er avril 2016 au 31 mars 2017, 295 demandes de services ont été logées. Le 30 novembre dernier, 237 demandes avaient déjà été comptabilisées.

«[…] on peut voir qu’il y aura une hausse des demandes de services et du taux d’hébergement en 2017-2018 puisqu’il reste encore quatre mois à comptabiliser (décembre à mars)», prévoit la directrice générale de l’organisme, Marie-Ève Théberge. Il y a fort à parier que les hommes seront  aussi plus nombreux à bénéficier de cette aide cette année ; on en compte déjà 81, contre 84 au total en 2016-2017.

Itinérance «situationnelle»

Nicolas Luppens est coordonnateur du Groupe actions solutions pauvreté (GASP), une table de concertation intersectorielle en matière de lutte à la pauvreté et d’exclusion sociale en Haute-Yamaska. Il explique que l’itinérance situationnelle est la forme la plus constatée en région.


Oubliez le stéréotype du «barbu qui quête et dort sur un banc de parc», prévient le coordonnateur du Groupe actions solutions pauvreté (GASP), Nicolas Luppens. L’itinérance, chez nous, est davantage situationnelle que chronique. Les cas les plus lourds se déplaçant pour la plupart à Montréal où les services sont plus nombreux, les citoyens vivant sans domicile fixe, en Haute-Yamaska, le sont généralement suite à un coup dur.

«Ce n’est pas qu’un problème de pauvreté, mais c’est toujours un problème de pauvreté. Quand des personnes qui vivent avec très peu de revenus font face à une bad luck, une perte d’emploi, une séparation ou une autre situation qui se dégrade, c’est là qu’elles vont avoir besoin des services. C’est surtout le cas si elles n’ont pas un grand réseau social», explique M. Luppens.

À preuve, environ 70 % des gens utilisant les ressources en hébergement de notre région en sont à leur tout premier séjour, selon le GASP. Dans la grande majorité des cas, les personnes soutenues ne vivent qu’un seul épisode d’itinérance.

Depuis quelques années, la situation des personnes aux prises avec l’itinérance cyclique ou chronique se complexifie toutefois avec des cas plus compliqués de toxicomanie et de santé mentale. C’est notamment ce que constate M. Luppens, qui précise que celles-ci ont toutefois moins tendance à fréquenter les ressources en place.

Pas strictement masculine

Si elle se manifeste bien différemment au sein de cette portion de la population, l’itinérance n’épargne pas pour autant les femmes. À preuve, 120 visites ont été enregistrées depuis le premier avril au Passant, où quatre lits de crise sont à la disposition des femmes via le Centre de femmes Entr’elles. «On dit qu’elles sont sans domicile fixe, parce qu’elles ne vivent pas à un endroit plus de deux à trois mois», explique Sophia Cotton, coordonnatrice de l’organisme.

Selon elle, de nombreuses de ces femmes développent des relations «amoureuses», dans certains cas inégalitaires, pour conserver un logis. Sans endroit où aller lorsqu’elles tentent d’en sortir, elles cognent à la porte de la maison d’hébergement. Leur séjour dure, dans la majorité des cas, au plus 48 heures.
Elles viennent puiser un temps d’arrêt, prendre une douche, se reposer et manger quelques repas avant de se trouver un autre lieu où résider. «Ce sont des femmes qui ont eu un parcours de vie difficile, ponctué de violence et d’abus.

La plupart ont fait beaucoup de démarches et ont tenté beaucoup de choses pour s’en sortir», ajoute la coordonnatrice. Le phénomène de l’itinérance au féminin est de plus en plus constaté, selon celle qui œuvre chez Entr’elles depuis 25 ans.

Monsieur et Madame Tout-le-monde

Quant aux différentes ressources qui viennent en aide aux personnes en difficultés du territoire, elles sont de plus en plus l’affaire de Monsieur et Madame Tout-le-Monde. «Ce qu’on remarque de plus en plus, dans les ressources, ce sont des travailleurs, des personnes des milieux ruraux, des femmes, voire de plus en plus de familles», constate M. Luppens.

Le mois dernier, à l’occasion du lancement de sa guignolée annuelle, SOS Dépannage-Moisson Granby avait dressé un constat similaire, précisant que les demandes d’aide alimentaire reçues sont de plus en plus l’affaire de familles au sein de laquelle les parents travaillent sans parvenir à joindre les deux bouts. Dans d’autres cas, on parle de maladie. Les demandes sont bien  loin de s’essouffler. Selon le GASP, elles ont augmenté de 15 à 20 % dans les ressources comme le Partage Notre-Dame et SOS Dépannage entre 2010 à 2015.