Bertrand Derome: de la rue… aux grands honneurs

ACCOMPLISSEMENT. Signe qu’il n’est jamais trop tard pour recoller les pots cassés, le camelot de l’Itinéraire Bertrand Derome s’est vu décerner la médaille de l’Assemblée nationale. Alors que sa vie rimait à une certaine époque avec itinérance, dépendance et criminalité, c’est un quinquagénaire souriant, ému et surtout rempli de fierté qui a accepté cette importante distinction lundi après-midi.

Le député de Granby François Bonnardel, qui le connait bien, a tenu à rendre hommage à cet homme «bien peu ordinaire, qui ne l’a pas eu facile, mais qui a fait preuve d’un courage extraordinaire pour s’en sortir». S’il est surnommé «Monsieur Sutton» puisqu’il y vit et y distribue des copies du mensuel depuis 2010, le récipiendaire est aussi, désormais, bien connu des Granbyens.

Voilà environ trois ans que les clients du Métro Plouffe, rue Principale, le croisent aussi régulièrement et l’entendent multiplier avec enthousiasme les «Bonjour, l’Itinéraire!». Il est d’ailleurs le premier camelot (et le seul, encore à ce jour) à fièrement porter le dossard de l’organisme sans but lucratif à l’extérieur de la Métropole.

Raconter malgré la douleur

M. Bonnardel a souligné, lors de la cérémonie, l’incroyable chemin parcouru par l’ex-itinérant depuis le moment précis où il a pris la décision de se prendre en main. L’élu a aussi mentionné l’apport considérable du Sutonnais dans la lutte contre le fléau qu’est l’itinérance. Acceptant de livrer en toute transparence même ses plus grandes erreurs et épreuves, l’homme au visage désormais bien connu en région ne décline jamais une invitation lancée par un média. Il se fait d’ailleurs un point d’honneur de livrer son histoire «sans retenue, malgré la douleur», afin d’ouvrir les esprits, a souligné le député.

«Bertrand, ça fera bientôt dix ans que tu es sobre, dix ans que tu as quitté la grande ville pour Sutton, dix ans que tu travailles sur ta réhabilitation et sur toi-même. C’est à mon tour et au tour de tous ceux qui t’aiment, aujourd’hui, de reconnaître tout ce que tu as fait pour devenir un citoyen hors de l’ordinaire […]. On est fiers de toi», lui a lancé François Bonnardel, déclenchant un tonnerre d’applaudissements.

En plus de sa fréquente présence dans les médias locaux, Bertrand Derome a, entre autres, participé à la série télévisée Face à la rue de Jean-Marie Lapointe. Son histoire est également relatée dans le roman en découlant, lancé l’automne dernier. C’est sans parler du fait qu’il a touché des milliers de téléspectateurs de Deux filles le matin en octobre dernier en y racontant, sans aucun tabou, le passé tortueux auquel il a tourné le dos.

Un nouvel homme

Aujourd’hui, M. Derome est un nouvel homme dont le quotidien, grâce à sa volonté inébranlable, est complètement métamorphosé. Sa présence dans le paysage granbyen constitue à elle seule  un atout considérable pour la population, selon le conseiller municipal Robert Riel. «Votre façon de voir la vie nous permet de réfléchir et de prendre conscience qu’il y a des personnes pour qui le chemin est plus difficile. Vous savez nous éclairer et nous faire voir qu’on peut toujours apporter notre aide et nos encouragements, peu importe ce que l’on vit», a fait savoir l’élu.

Surpris de recevoir de tels honneurs et heureux de voir réunis pour l’occasion des gens qui l’ont aidé à saisir cette deuxième chance, le principal intéressé était on ne peut plus heureux. Pour lui, vendre l’Itinéraire est réellement «une thérapie» qui lui permet de mener une vie dans le droit chemin tout en côtoyant le public. «Je reçois beaucoup d’amour. À Sutton, c’est pareil. C’est merveilleux ce qui m’arrive», a-t-il lancé, tout sourire. Admettant que ça n’a pas toujours été le cas, ce dernier a expliqué s’évertuer désormais à faire «de belles choses», «une journée à la fois et un petit pas tous les jours».

Ses parents, qui ont assisté aussi bien à ses plus grands déboires qu’à se renaissance, étaient présents lors de la remise de la médaille. «Ce que Bertrand reçoit, pour moi, c’est le fruit de toutes les fois où l’on n’a pas dormi, où on était inquiets quand il faisait moins vingt et qu’il était dans la rue le soir», a fait remarquer sa mère, Colette Derome, qui n’a évidemment pas oublié l’époque où son fils avait la rue pour seul refuge.

En entrevue avec le GranbyExpress en décembre dernier, Bertrand Derome relatait avoir dû traverser 17 thérapies, 25 séjours en désintoxication, un long passage derrière les barreaux ainsi qu’une retraite spirituelle pour se sortir de la rue… et sortir la rue de ce qu’il est. Demeurant à l’écart des tentations et de ses démons, il a désormais une médaille en main pour lui rappeler qui il est vraiment: une personne qui fait la différence.