«La deuxième chance» du lac Bromont est prometteuse

ENVIRONNEMENT. La première utilisation du Phoslock dans les eaux québécoises semble a priori tenir ses promesses. Bien que la lutte contre les cyanobactéries y soit bien loin d’être achevée, les résultats préliminaires de l’application du produit australien réalisé l’automne dernier dans le lac Bromont, présentés samedi matin au grand public, s’avèrent très positifs.

Le projet de restauration du cours d’eau a pris son envol, du 26 octobre au 4 novembre, avec l’application de 174 tonnes de cette substance. Cette solution a été préconisée au terme de plusieurs années de recherche menées par le Service aux collectivités de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM).

Les experts avaient alors établi que ce sont principalement les sédiments accumulés au fond du lac qui étaient les principaux responsables de sa haute concentration en phosphore, à l’origine des efflorescences des algues bleu-vert.
Alors qu’une concentration de 122 microgrammes de phosphore par litre y a été détectée lors des analyses effectuées en juin 2017, c’est-à-dire au plus fort de l’efflorescence de cyanobactéries, un échantillonnage effectué le 16 mai dernier chiffre désormais sa teneur à environ 25. Les résultats les plus déterminants ne pourront toutefois être récoltés que plus tard, en temps de canicule.

«Au mois de septembre ou d’octobre, on pourra donner une réponse plus précise, mais pour le moment, il semble que le phosphore soit retenu […] C’est extraordinaire, mais ça ne fait que six mois et c’est très récent», explique Dolors Planas, professeure émérite du Département des sciences biologiques. Celle-ci rappelle qu’on ne peut s’attendre à ce que «la propreté du lac soit parfaite», des sédiments y ayant été accumulés pendant des décennies.

Les travaux réalisés par l’Association de conservation du bassin versant du lac Bromont  (ACBVLB) démontrent aussi que le cours d’eau réagit bien à son traitement, sa clarté étant actuellement établie à 2,8 mètres. Aucune efflorescence de cyanobactérie n’a été détectée lors des vérifications quotidiennes réalisées par l’organisme. «Si on compare aux autres années, il y en avait déjà qui commençaient (à apparaître) dès le mois de juin. Ça s’annonce déjà très bien», se réjouit la chargée de projet Élisabeth Groulx-Tellier.

«Ce qu’on a jusqu’à présent, c’est très encourageant, d’autant plus qu’il n’y a pas de toxines ou très, très peu de toxines dans le lac», ajoute pour sa part Philippe Juneau, qui œuvre à l’UQÀM à titre de professeur au département des sciences biologiques.

Précisons que le Phoslock est une substance formée de granules d’une argile, la bentonite, à laquelle est chimiquement fixé du lanthane. Lorsqu’appliqué dans les eaux, ce métal non toxique se dépose au fond à la manière d’une couverture; il peut ainsi non seulement capter de façon permanente le phosphore se trouvant dans la colonne d’eau, mais trappe également celui libéré par les sédiments lorsqu’un largage s’opère.

Les premiers résultats sont perceptibles dans les 24 à 48 heures suivant son application, qui se veut permanente. Le coût de cette opération Phoslock, estimé à 650 000 $, a entièrement été assumé par la Ville de Bromont.

Le lac «sous la loupe»

Comme le produit est importé et utilisé pour la toute première fois en sol québécois, un rigoureux suivi quant à la qualité de l’eau sera effectué sur cinq ans pour répondre aux exigences du ministère de l’Environnement. En plus de la vigile assurée par la ACBVLB, les spécialistes de l’UQÀM se déplaceront chaque mois pour procéder à des analyses physico-chimiques. «Le lac va vraiment être sous la loupe cet été», explique Mme Groulx-Tellier.

Si les apports externes de phosphore, en provenance, par exemple, des cours d’eau tributaires, ne constituent pas le problème central, ceux-ci seront également suivis de près. Différentes actions seront d’ailleurs mises en branle chaque année dans le cadre d’un plan directeur 2017-2027. «Là-dessus, il faut que tous les citoyens fassent un effort, parce que […] c’est vraiment une seconde chance que le lac Bromont a eue. C’est important de le réaliser», explique Élisabeth Groulx-Tellier.

Les activités agricoles, l’érosion, les fosses septiques ou le déboisement peuvent être des sources externes contribuant à amener du phosphore dans les eaux d’un lac. Ces apports pourraient contribuer à l’apparition de cyanobactéries, et ce, indépendamment de l’utilisation du Phoslock.

Accès autorisé

Les cinq échantillonnages réglementaires recueillis à ce jour en ce qui a trait à la quantité de lanthane dans le lac Bromont étant sous la barre des exigences imposées par Environnement et Santé Canada, les restrictions reliées à l’accès au cours d’eau ont été levées. La consommation de poissons en provenance de ce dernier est désormais également permise.

La Ville de Bromont procèdera à l’ouverture de sa plage municipale que le 23 juin prochain. Rappelons qu’au cours des dernières années, l’accès au lac avait dû être interdit à de nombreuses reprises en raison de l’apparition d’algues bleu-vert, devenues un véritable problème en 2006.