Troisième demi-finale du FICG: de bonnes notes… sans tambour ni trompette

CRITIQUE. Si la troisième demi-finale du Festival international de la chanson de Granby (FICG), vendredi soir, avait été un examen, les candidats l’auraient probablement tous passé haut la main; il y a toutefois lieu de se questionner à savoir à qui la maîtresse (et dans ce cas-ci, les membres du jury) aurait donné la meilleure note…

Il y a des soirées de festival desquelles dégage un constat clair, d’où ressort un nom, presque écrit dans le ciel à la sortie du Palace. Des étoiles semblent, à ce moment, déjà incrustées au trottoir de la Principale. Disons-nous les vraies choses: la soirée de vendredi n’est pas une de celles-là. Cela ne signifie en rien un manque de talent, mais certainement une absence marquée d’éclat.

Elie Dupuis a mis la table à une soirée durant laquelle les spectateurs étaient assis au bout de leur siège sans être renversés. L’auteur-compositeur-interprète et pianiste semble effectivement, tel que le laissait présager son texte d’introduction, «né avec de l’expérience». Déjà acteur et lauréat des concours de Saint-Ambroise et de Dégelis, l’enfant prodige de 23 ans qui a longtemps interprété les chansons des autres a d’emblée mis la barre haute pour ceux qui suivraient.

Le Montréalais a offert un numéro sans faille porté par des textes à la force de frappe indéniable. C’est à un premier de classe, à un habitué, qu’ont eu affaire les festivaliers. D’ailleurs, peut-être aurez-vous eu vous aussi, chers spectateurs, cette impression d’avoir davantage assisté à un spectacle solo qu’à une bribe de concours.

Ceux et celles en quête de ce  »je-ne-sais-quoi » d’unique, d’original, de pimenté, seront néanmoins restés sur leur faim. Si Élie Dupuis laisse définitivement planer l’impression qu’un laissez-passer en vue de la finale pourrait lui être réservé, il le décrocherait avec un très bon A, et non pas avec un excellent A+.

Désirée possède une voix à laquelle on ne peut que difficilement accoler une étiquette.

S’il y avait un seul univers duquel la foule s’est réellement retrouvée captive, c’est celui de Désirée. Celle qui a pris part à La Voix il y a deux ans (les habitués du rendez-vous dominical se souviendront d’elle) a entre les mains une arme vocale redoutable. La pianiste n’avait véritablement l’air de ne fournir aucun effort significatif en rugissant ses notes; on en vient d’ailleurs à se demander jusqu’où elle peut ainsi aller…

Si elle semblait à certains moments sur un fil duquel elle aurait pu chuter au moindre petit soubresaut, l’artiste aux balades poignantes et versant dans la mélancolie est brillamment parvenue à rester en équilibre le temps de ses trois titres. Ses chansons marquent peu la mémoire, mais la voix hors norme et le style de la Montréalaise, eux, valent définitivement le détour; il faudra certainement tendre l’oreille à son premier album, à paraître plus tard cette année sous la toute nouvelle étiquette Rosemoarie Records.

Simon Elliot a lui aussi ouvert une porte sur un monde à part, alimenté par de multiples influences. Le diplômé de l’École nationale de la chanson de 2017 a pris le public par la main le temps d’une marche sous les étoiles. Si la voix du jeune homme de Boisbriand a quelque chose de commun (à la Jérôme Couture, peut-être?), son folk planant aux touches d’électro (et de rap!) a le mérite d’avoir su créer une ambiance différente.

Seule ombre au tableau: l’attention des spectateurs, qu’il a su capter dès les premières notes en début de course, a semblé s’étioler en chemin, en même temps que se répétaient les thèmes. Dommage que son élan de départ se soit en quelque sorte essoufflé.

Reney Ray aborde pour sa part, de sa voix rauque, le quotidien et le tourne en de véritables vers d’oreille. L’auteure-compositrice-interprète de Kapuskasing, dont le tube Le monde est con tourne déjà la radio, questionne en douceur la société et l’époque dans laquelle elle évolue. Celle qui a déjà deux albums en anglais derrière la cravate n’avait  pas, en tout temps, la voix la plus juste, mais son hommage aux mamans de ce monde (La reine des guerres) en aura certainement touché plusieurs.

C’est toutefois lorsqu’elle a conclu sa prestation en entonnant Amazing Grace à capella, en hommage à la grande Aretha Franklin décédée plus tôt cette semaine, qu’elle s’est le plus démarquée.

Les Monsieurs chantent autant les ruptures amoureuses qu’ils servent des réflexions politiques et sociales sur le monde dans lesquels ils vivent. Mais qu’importe le thème, une chose ressort de leur passage sur les planches: ils s’amusent sur scène comme des petits garçons et c’est sans doute ce que le public en aura retenu. Un bref problème technique n’a qu’à peine freiné le quatuor de Joliette, qui a surpris la foule à quelques reprises avec des envolées rock et joyeuses ainsi que des décibels pour le moins haut perchés. N’écoutez pas  »Moé je l’sais tu? » si vous détestez avoir une chanson coincée en tête.

Dépeint d’emblée comme un poète (et pour cause, il cumule les prix littéraires), Daniel Groleau Landry avait le public accroché à ses lèvres bien avant même qu’il ne les remue. C’est sans doute ce qui lui a fait le plus mal, les attentes étant immenses envers le parolier d’Ottawa à la voix rocailleuse. Celui-ci s’est défendu en livrant un hommage à l’astre lunaire qui, malheureusement, n’a pas fait le poids.

Le FICG a réellement fait un coup de maître en réquisitionnant les services d’anciens lauréats à l’animation des demi-finales; après Mathieu Lippé et Cynthia Veilleux, Michel Robichaud en a encore une fois fait la preuve, vendredi. N’hésitant pas à décocher quelques flèches au passage en direction de ses collègues du milieu musical, notamment à Pierre Guitard, le gagnant de l’édition 2014 est parvenu à susciter des rires francs, tant lors de la présentation des membres du jury que de l’énumération des commanditaires. Voilà qui en dit long sur les capacités de l’artiste à divertir ses invités…

À bien y penser, c’est peut-être un peu de Michel Robichaud que l’on aurait dû saupoudrer sur les demi-finalistes avant leur passage sur scène…

Coup de cœur du jour 3: Pour la technique et l’art de l’impeccable, Élie Dupuis. Pour la sensibilité et la voix qui prend au ventre, Désirée.

Les demi-finalistes de samedi soir:

Les Bémoles (Mandeville, Québec)
Marie-Clo (Lefaivre, Ontario)
Lord Byrun (Régina, Saskatchewan)
Shiraz Adham (Montréal, Québec)
Alex Burger (Montréal, Québec)
Julien Déry (Québec, Québec)