Chiens dangereux: une nouvelle loi qui a plus de mordant

SOCIÉTÉ. Depuis la semaine dernière, les propriétaires de chiens doivent montrer patte blanche vis-à-vis leur municipalité avec l’entrée en vigueur du règlement sur l’encadrement des canidés: enregistrement de leur animal, dénonciation des cas de blessures par morsure au gouvernement. À cette nouvelle législation s’ajoute le mandat confié aux vétérinaires d’évaluer les bêtes fautives et leur habileté d’invoquer le retrait d’un chien appartenant à un propriétaire. Si certains intervenants l’applaudissent, d’autres le dénoncent.

Appelé à côtoyer les chiens, le directeur de la SPA des Cantons, Carl Girard, se montre très sceptique quant à l’application de cette loi sur une base quotidienne. Pour le spécialiste en contrôle animalier, Québec est carrément passé à côté des vrais objectifs en matière d’encadrement des chiens.

«C’est l’une des plus mauvaises lois sur les chiens que j’ai vus.» «En partant, le port du harnais, je ne comprends pas. Qui a eu cette idée? C’est certainement pas une personne qui connaît les chiens. Quelqu’un qui connaît les chiens va te dire que c’est la dernière affaire (le harnais) que tu veux avoir pour contrôler l’animal», prétend M. Girard.

Même constat pour le port du licou, soutient le représentant de la SPA. «Tu fais quoi avec un chien qui n’a pas de nez comme un Dogue de Bordeaux? Ce chien-là peut peser jusqu’à 150 livres. Même avec un harnais, c’est pas simple à contrôler ce type de chien.»

Dans sa pratique, la docteure Valérie Dessureault , de la Clinique Vétérinaire Principale, reçoit annuellement entre trois et cinq cas de chiens agressifs. Et la plupart du temps, le verdict final est déjà pris par le propriétaire de la bête, mentionne la professionnelle en santé animale en entrevue au GranbyExpress.

«Souvent, les propriétaires prennent eux-mêmes la décision de l’euthanasier s’ils ont été témoins de l’attaque.» «C’est rare que j’aie eu l’impression qu’un client aurait dû porter une attention particulière à la situation et qu’il ne s’en est pas préoccupé.»

Pressions sur les vétérinaires

Selon Carl Girard, Québec remet un panier de crabes aux vétérinaires de la province en leur confiant la responsabilité d’estimer la dangerosité d’un chien et une éventuelle récidive. «Demain matin, on vous déclare psychopathe, allez-vous aller voir un médecin généraliste?», illustre le directeur de la SPA. «Un vétérinaire, c’est un spécialiste en santé animale. C’est la référence et j’en conviens. Est-ce qu’il est habileté à évaluer la dangerosité? Absoluement pas», juge-t-il.

Le porte-parole de la SPA reconnaît néanmoins que certaines dispositions de la nouvelle loi vont protéger davantage le public. «Il y a de bons points; faut le mentionner. L’identification obligatoire de l’animal, c’est excellent. Quant à moi, c’est un gros pas en avant.» «Les amendes plus salées, ça aussi c’est important comme progrès. Je salue ça haut la main», conclut M. Girard.

Sans être une spécialiste du comportement animal, la Dre Dessureault affirme de son côté être habile à percevoir les signes de dangerosité. «Dans le cadre de mon travail, si je suis témoin d’un comportement agressif, je suis capable de le reconnaître et de le signaler comme la loi me l’oblige.» «Je considère que les vétérinaires sont les mieux placés. Ils sont les seuls professionnels aptes à le faire une fois qu’ils ont suivi la formation».

Rappelons que les vétérinaires devront rapporter tout cas de morsures, et ce, peu importe la gravité des blessures subies par une autre bête ou un individu sans quoi ils s’exposent à des peines sévères pouvant aller jusqu’à 5000 $.

«Les gens ont tendance à croire que le secret professionnel qui nous unit à nos clients nous place au-dessus de tout. Mais ce n’est pas pas vrai. La loi prévaut sur le lien professionnel. (…) Mes sentiments ne peuvent pas entrer en jeu sinon je vais contrevenir à loi; ce que je ne veux pas faire pour ne pas perdre mon permis d’exercer. Et en plus, je pourrais me faire poursuivre par mon ordre professionnel», confie la vétérinaire.

Granby: adapter la réglementation municipale

Comme bien des municipalités, la Ville de Granby avait déjà sa propre réglementation concernant l’encadrement des canidés. Cependant, la nouvelle loi du gouvernement du Québec, en vigueur depuis le 3 mars dernier, l’amènera à devoir apporter des modifications dans les prochaines semaines.

«On va travailler avec nos partenaires (SPA) et on est en train de regarder à l’interne, différents éléments, du règlement du gouvernement qui va faire de façon plus pointue son application [sur l’encadrement des chiens], explique la directrice des services juridiques et greffière, Catherine Bouchard. Mais entre-temps, le règlement du gouvernement, on va l’appliquer comme si c’était notre règlement municipal.»

Par exemple, dans la réglementation municipale de la Ville, les chiens doivent être tenus en laisse d’au plus deux mètres. Dans la nouvelle loi, on demande à ce que les chiens de plus de 20 kilos soient tenus par une laisse d’au plus 1,85 mètre.

«Éventuellement, on va intégrer cette norme-là dans notre règlement municipal, précise Mme Bouchard. Pourquoi? Pour que ce soit plus facile à s’y retrouver dans un seul et même document du règlement municipal. C’est la même chose pour mettre en œuvre l’euthanasie d’un chien, pour obtenir l’avis médical d’un vétérinaire, etc. Maintenant, ça va être les dispositions, prévues dans le règlement du gouvernement, qui s’appliqueraient. En gros, c’est notre démarche actuellement.»

La Ville de Granby prévoit ainsi appliquer la réglementation comme elle l’est au niveau du gouvernement du Québec.

«Les dispositions obligatoires, on va les appliquer comme si c’était notre propre règlement, assure la directrice des services juridiques.  Il n’y a aucun problème. C’est que la loi nous permet aussi de peaufiner certaines choses comme de nommer les inspecteurs, de dire voici qui va faire telle chose. On est en train de tout évaluer comment on va départager ces tâches-là. Pour l’instant, ça ne veut pas dire que parce que ce travail-là n’est pas tout à fait finalisé qu’on ne peut pas appliquer le règlement. On est quand même en mesure d’appliquer le règlement.» Avec la collaboration de Vincent Lambert.