COVID-19 et acériculture: la saison amère des cabanes à sucre

ACÉRICULTURE. Ces opérateurs acéricoles contraints à la fermeture durant leurs seuls mois d’activités de l’année, ont perdu de lourds investissements. Remplissant difficilement les critères pour accéder à l’aide d’Ottawa, certains comptent sur un mémoire aux Communes pour arrêter la descente aux enfers.

«On avait tout prévu, tout acheté, les employés étaient formés, mais on a donné les périssables aux œuvres de bienfaisance», raconte Pierre Gingras, copropriétaire de l’érablière La Grillade qui trône à Granby depuis 40 ans. Il a du mal à compter les évènements annulés jusqu’à décembre 2020.

«Grâce à nos recettes à succès, nous avons développé depuis quatre ans une ligne supplémentaire de mets cuisinés qui nous permettaient de garder nos emplois le reste de l’année et aujourd’hui, c’est ce service qui nous maintient en vie», explique Cathy Bernard, de l’Érablière Bernard. Pour le 100e anniversaire de l’entreprise, les Bernard disent avoir investi 800 000 $ en deux ans pour actualiser les infrastructures de transformation et réinventer un concept au cœur du bois sur la connaissance de l’érable. « Tout est tombé à l’eau », lance-t-elle au bout d’un soupir.

«Grâce à nos recettes à succès, nous avons développé depuis quatre ans une ligne supplémentaire de mets cuisinés qui nous permettaient de garder nos emplois le reste de l’année et aujourd’hui, c’est ce service qui nous maintient en vie», explique Cathy Bernard, de l’Érablière Bernard. Photo: Gracieuseté

Le patron de l’érablière La Grillade quant à lui, cherche les mots pour dire qu’il tente de rester en vie jusqu’à la saison prochaine. M. Gingras déplore 95 % de son chiffre d’affaires parti en fumée. L’émotion étreint sa voix lorsqu’il égrène les investissements consentis pour les 50 ans de La Goudrelle, leur seconde érablière à Mont-Saint-Grégoire.

Toujours entre deux chaises

L’écho des programmes d’aide ne retentit pas dans les usines acéricoles. «C’est de la musique à mes oreilles», objecte Cathy Bernard, de l’Érablière Bernard qui souligne que les prêts ne sont pas non plus la solution. «Et s’il y a une saison 2021 poursuit-elle, il faudrait revoir les normes restrictives pour nous permettre d’exister.» De plus, elles servent à manger sans être des restaurateurs, opèrent de manière saisonnière sans être dans l’agrotouristique ou encore pratiquent de l’acériculture sans être véritablement des entreprises agricoles.

«Il y a même des gens qui louent nos salles, mais nous ne sommes pas une salle de spectacles, on tombe toujours entre les deux chaises», illustre Pierre Gingras, convaincu que personne ne porte leur cause, contrairement aux autres qui ont un ministère de la pêche, un ministère de l’agriculture, etc.

La députée et leader parlementaire adjointe du Bloc québécois, Christine Normandin, se montre déterminée à prouver l’inverse. L’élue redoute des méfaits sur les revenus municipaux, le commerce local et la culture québécoise, mais elle devra attendre la rentrée aux communes pour connaître le sort réservé à son mémoire et aux suggestions du Bloc québécois.

Le SOS de Christine Normandin

En prévision du prochain budget fédéral, la députée demande des programmes d’aide adaptés à la situation de ces entreprises saisonnières. Avec les propriétaires des cabanes à sucre, l’élue de Saint-Jean a rédigé un mémoire qui a été soumis au comité des finances de la Chambre des Communes.

Ce plaidoyer réitère une revendication chère au Bloc québécois, eu égard à la structure du tissu économique de la province dominée par les petites et moyennes entreprises. Il recommande essentiellement la mise en œuvre d’une politique de soutien aux charges fixes des entreprises, des coûts incluant notamment les stocks alimentaires des restaurateurs de type «cabanes à sucre» dans le cas d’espèce.

«Les cabanes à sucre n’ont eu cette année que des dépenses», plaide Mme Normandin, d’un ton fortement compatissant. Malgré une saison catastrophique, certains opérateurs acéricoles ont continué à faire face aux charges mensuelles liées à l’électricité, à la fiscalité, aux assurances, aux permis, aux frais d’hypothèques pour certains entrepreneurs, etc.

«C’est vrai qu’il y a d’autres formes de soutien comme le prêt d’urgence ou la subvention salariale, mais l’argent ne rentre pas directement dans les caisses des entreprises pour leur permettre de supporter ces coûts fixes, donc il faut qu’il y ait un programme adapté», soutient l’élue qui a grandi dans une érablière familiale.

Christine Normandin souhaite aussi que la subvention salariale d’urgence pour ces entreprises soit exceptionnellement prolongée jusqu’à la saison des sucres 2021. La fin du programme est prévue pour décembre alors que la période charnière des tenanciers de cabanes à sucre s’étend sur les premiers mois de l’année. La députée tente d’allier la réflexion et l’efficacité: «Ce n’est pas nécessairement de faire pleuvoir des tonnes d’idées pour ne pas les mener à bout, mais de s’assurer qu’elles aient le bon canal de communication.»