Un Québécois sur trois a dû nourrir un proche depuis mars

ALIMENTATION. Depuis mars dernier, un Québécois sur trois (31 %) a dû aider un proche à se nourrir au moins une fois indique un sondage commandé par La guignolée des médias. Autre symbole de précarité : 27 % des personnes sans emploi seront incapables d’assumer leurs dépenses en alimentation au-delà de quatre semaines quand le soutien gouvernemental cessera. Il s’agit d’une hausse considérable (9 %) par rapport aux 18 % qui se trouvaient dans la même situation en mai. 

«En mai, nous avons demandé aux Québécois de définir leur état d’esprit du moment. L’épuisement n’était alors mentionné que par 16 % d’eux. Six mois plus tard, ce chiffre grimpe à 26 %. Et alors que 18 % des Québécois se disaient résignés ce printemps, 23 % le sont maintenant», indique Youri Rivest, président de Synopsis et responsable du sondage en ligne mené du 13 au 16 novembre 2020 auprès d’un échantillon de 1000 adultes québécois.

Des états d’âme comme l’anxiété, la frustration et la déprime se maintiennent à des taux presque semblables que ce printemps. Même chose pour la perception envers la COVID-19. Ainsi, en mai, 80 % des Québécois la qualifiaient d’inquiétante. Au moment du sondage, 73 % sont encore de cet avis.

Ce pessimisme se traduit de façon concrète, car 17 % des participants craignent de manquer de nourriture avant leur prochaine rentrée d’argent. De plus, 12 % n’ont plus de dollars pour acheter des aliments une fois que ceux en réserve sont consommés.

Un Québécois sur cinq (17 %) a dû se priver d’aliments de base, 18 % ont été forcés de renoncer à l’achat de médicaments en vente libre ou sous ordonnance et 17 % sont incapables de manger des repas équilibrés. Enfin, Noël pourrait s’avérer difficile pour plusieurs, car 25 % ont peu confiance de pouvoir s’offrir leurs repas préférés durant les Fêtes.

Même si les Québécois sont plus nombreux à déclarer des revenus de travail qu’en mai dernier, la situation d’insécurité alimentaire (IA) est très préoccupante, constate Geneviève Mercille, professeur au Département de nutrition de l’Université de Montréal. «Depuis le début de la pandémie, 22 % des participants ont vécu une telle situation, dont 8 % en état grave. Cela indique une réelle privation de nourriture. En comparaison avec les données d’avant-pandémie, la prévalence globale d’IA a doublé et celle d’IA grave a plus que triplé».

Pour la spécialiste, ces résultats montrent aussi qu’en matière d’alimentation, les Québécois recourent davantage à des stratégies de frugalité pour composer avec leurs restrictions budgétaires: respecter rigoureusement leur budget au moment de l’épicerie, consulter les circulaires, profiter des prix réduits pour faire des réserves et n’acheter que ce qui se trouve sur leur liste d’épicerie.

«Il n’y a pas de santé mentale possible sans une sécurité alimentaire de base. Plus encore, la honte liée à la faim entraîne souvent des effets psychologiques néfastes. Et chez les enfants, l’insécurité alimentaire peut compromettre leur développement intellectuel et émotionnel», signale Marie-Ève Cotton, médecin psychiatre et l’une des 20 porte-paroles de l’édition actuelle de La guignolée des médias.