Violence conjugale: les ressources d’aide à bout de souffle

VIOLENCE CONJUGALE. Décrié sur tous les toits, le terme féminicide a récemment fait les manchettes alors qu’une neuvième femme au Québec est décédée sous les coups de son conjoint depuis le début de l’année. Bien que la situation entourant la violence conjugale soit au cœur de leur mission, la Maison d’hébergement Alice-Desmarais et l’organisme Ressources pour Hommes de la Haute-Yamaska, peinent à répondre à la forte demande des derniers mois.

Implantés dans la communauté depuis bon nombre d’années, la Maison Alice-Desmarais et l’organisme Ressources pour Hommes de la Haute-Yamaska travaillent de pair pour atteindre un but commun, soit aider les femmes et les hommes aux prises avec des problèmes de violence conjugale. Des équipes qui travaillent sans relâche pour venir en aide à ceux et celles qui tentent de trouver des solutions. Malgré des équipes d’intervenants soudées, les troupes sont présentement dans une impasse où les listes d’attente ne font qu’augmenter depuis quelque temps.

«C’est la première fois que l’on a une liste d’attente en 30 ans. On n’a jamais vécu ça auparavant. C’est un problème majeur, parce que l’on sait que les listes d’attente c’est la pire affaire pour les hommes. Un homme qui appelle, ça lui prend déjà du courage pour demander de l’aide. Il faudrait que l’on soit capable de l’aider tout de suite», explique Geneviève Dessureault, coordonnatrice clinique et intervenante pour l’organisme Ressources pour Hommes de la Haute-Yamaska.

Le constat est le même pour la Maison Alice-Desmarais qui connaît une forte affluence depuis les dernières années. «Ça fait environ trois ans qu’il y a une liste d’attente dans notre département de services externes. On tente de répondre le plus rapidement possible aux demandes. Si on pouvait donner une rencontre dans la semaine où la femme appelle, ça serait l’idéal», affirme Carmen Paquin, directrice de la maison d’hébergement.

Bien que ce problème perdure par manque, entre autres, de subvention, la pandémie n’a fait qu’ajouter une pièce de plus à tout ce casse-tête. Les mesures de confinement n’ont pas été de tous repos pour ces femmes aux prises avec des problèmes de violence conjugale alors qu’elles se voyaient isolées du reste du monde. «C’est plus facile de contrôler sa conjointe, car physiquement ils sont à proximité. En ce moment, il faut avoir une bonne raison pour sortir de la maison aux yeux du conjoint. Ce n’était pas simple avant la pandémie, mais ça vient complexifier toutes les stratégies que les femmes pourraient développer pour sortir du milieu contrôlant», souligne Carmen Paquin.

En contrôle depuis quelques mois, certains hommes voient peu à peu leur repère se dissiper en raison du déconfinement des dernières semaines. «Voir la possibilité que sa conjointe puisse sortir pour aller déjeuner avec une amie ou un retourner au travail, le conjoint voit ça comme le fait de perdre le contrôle sur sa conjointe. Pour maintenir  ses stratégies de contrôle, il va tout simplement les augmenter. Ça devient tout un défi pour les femmes qui souhaitent s’en sortir», affirme Carmen Paquin.

Malgré les cas de féminicides qui augmentent à un rythme effréné, l’organisme Ressources pour Hommes de la Haute-Yamaska constate que de plus en plus d’hommes cognent à leur porte pour tenter de trouver des solutions à leur problème.

«Cette année, on est déjà à 200 rencontres de plus que l’année dernière. Ça l’augmente grandement présentement, parce que l’on voit que la détresse due à la pandémie est beaucoup plus grande. Les problématiques sont exacerbées et les hommes restent plus longtemps dans nos services. C’est une bonne nouvelle que les hommes restent plus longtemps, car ils veulent recevoir l’aide. Par contre, ça congestionne notre service», précise Geneviève Dessureault.

Miser sur la prévention

Saluées par les deux parties, de récentes publicités sur le sujet font présentement le tour du web et des médias traditionnels afin de sensibiliser les gens face à la violence conjugale. Selon Geneviève Dessureault, il reste encore du chemin à faire pour refléter l’ensemble des situations. «Les publicités sont bonnes et ça en prend. Mais, ça serait intéressant de voir les différents visages de la violence comme dans les couples gais ou lesbiens, par exemple. Je pense que ça serait bon aussi de démontrer qu’il peut avoir de la violence dans toute sorte de couples», commente la coordonnatrice.

Les deux organismes prennent les devants au niveau de la prévention où ils offrent, avec les ressources disponibles, des ateliers dans les écoles et les milieux de travail. Des services qui devraient être pris plus au sérieux par le gouvernement, selon Mme Dessureault. «La violence, ce n’est pas une question de genre, c’est un enjeu de société. Plus on fait de la prévention auprès de nos jeunes dans les écoles, autant chez les garçons que  les filles, mieux c’est.

Il ne faut pas attendre que des choses dramatiques arrivent pour que là on bouge», soutient Geneviève Dessureault.