À quand un premier immigrant élu?

Ils sont environ 5 000 dans la région de Granby. Ils viennent de partout sur la planète et ont choisi de vivre ici. Des Latino-américains, des Africains, des Européens dont l’influence économique, sociale et culturelle se ressent. Malgré tout, les immigrants demeurent absents de la scène politique. À quand un premier immigrant élu?

D’après les données compilées par l’organisme Solidarité ethnique régionale de la Yamaska (SERY), les immigrants représenteraient entre 7% et 8% de la population de Granby. Donc, sur une population totale de 63 759, ce serait environ 5 000 personnes immigrantes qui habitent Granby.

 

Des chiffres toujours en croissance. «Quand on additionne les réfugiés, les indépendants et les parrainés, on accueille environ 400 à 450 personnes par année», mentionne la directrice générale de SERY, Joanne Ouellette.

 

Le visage multiethnique de la région s’observe facilement en culture avec un nombre grandissant d’artistes et artisans étrangers. Le projet Il y a nous créé en 2011 par Christian Morisset et Frey Guevara a mis à contribution des dizaines de familles immigrantes de la région.

 

Des noms comme Mistysa (chanson), M’baye Fall (couture) et Estela Lopez Solis (arts visuels) ont fait leur place dans le paysage culturel de la région. Même chose dans les différentes organisations sportives et récréatives où les jeunes athlètes affichent des origines de plus en plus diversifiées.

 

Pour la professeure Michèle Vatz-Laaroussi, du département de service social de l’Université de Sherbrooke et responsable de l’Observatoire canadien de l’immigration dans les zones à faible densité d’immigrants, Granby ne fait pas exception au processus d’intégration normal.

 

Elle se soucie tout de même du manque d’ouverture politique qu’elle note surtout en éducation. «Je suis assez inquiète de voir qu’à Sherbrooke, Gatineau, Québec et même Granby, il n’y a pas de commissaires scolaires qui viennent de l’immigration. Ces gens-là pourraient avoir une autre vision et des stratégies différentes sur l’éducation qui pourraient être un plus», souligne-t-elle.

 

Un bagage et des connaissances internationales avantageux du même coup pour le milieu des affaires. Salah Chraïet présente un cas typique. Arrivé de Tunisie en 2001, l’ingénieur est aujourd’hui président de la firme de services-conseils Nadeau Lessard de Granby.

 

«J’ai toujours rêvé d’avoir une compagnie internationale et on commence à avoir des contrats d’aide aux entreprises en Tunisie», révèle l’homme d’affaires qui joue le rôle d’intermédiaire entre des investisseurs canadiens et des opportunités dans son pays d’origine.

 

En plus de jouer un rôle économique important dans sa ville d’adoption, alors qu’il est aussi membre du conseil d’administration du Club d’affaires de Granby et région (CAGR), Salah Chraïet s’implique socialement et sportivement. Il est président du SERY, membre du comité Vision 2015 et entraîneur de soccer avec les Cosmos.

 

Au-delà de toutes ses implications économiques et sociales, M. Chraïet dit ne pas être intéressé pour le moment à une incursion en politique. «Je pense qu’on peut être très actif et influencer notre milieu sans être présent en politique», répond-il.

 

 

Un maire togolais?

Lorsque l’on parle d’implication politique de l’immigration, l’exemple qui ressort souvent est celui du maire d’Amos Ulrick Chérubin, originaire d’Haïti. Se pourrait-il qu’un jour Granby se retrouve avec un maire natif du Togo? C’est une possibilité qu’envisage sérieusement Francis Komedza.

 

Responsable de l’accueil des nouveaux arrivants chez SERY, le père de famille de 42 ans, diplômé du Cégep de Granby – Haute-Yamaska, étudie la politique appliquée à l’Université de Sherbrooke.

 

Selon lui, les immigrants doivent s’impliquer davantage et prendre leur place. «Je dis toujours aux immigrants que je rencontre: tu peux apporter un plus à cette ville qui nous appartient aussi», soutient celui qui a dû quitter son pays après avoir aidé à implanter Amnistie internationale.

 

Dans sa courte biographie sur le site Internet de SERY, on peut lire que «Son grand rêve est son implication dans la vie politique de sa ville chérie Granby». S’il ne prévoit pas se lancer en 2013, il se pourrait bien qu’on voit son nom apparaître pour un poste de conseiller municipal en 2017.

 

Une chose est sûre toutefois, M. Komedza n’a pas l’intention d’être le candidat de l’immigration. «Pentoute! Je veux être un Tremblay africain. Quand je vais me lancer, ce sera pour avoir l’appui de tout le monde», insiste-t-il.

 

 

Les latinos s’associent

Selon les données du recensement 2011, 915 personnes habitant Granby ont déclaré l’espagnol comme langue maternelle. Un signe de la présence importante de la communauté latino-américaine. Celle-ci vient d’ailleurs tout juste d’obtenir l’accréditation officielle de sa nouvelle association.

 

L’Association latino-américaine unie de la Haute-Yamaska (ALAUHY) a été fondée pour offrir des services à la communauté, favoriser l’intégration et mieux faire connaître les cultures sud-américaines.

 

«Avec l’association, nous aimerions promouvoir des idées et des objectifs. Dire que nous sommes là!», résume le président Rodolfo Patino qui estime à 3 000 la population latino-américaine dans la région.

 

Lui-même ne cache pas son intérêt de briguer les suffrages pour obtenir une place au conseil municipal. M. Patino était d’ailleurs maire de sa municipalité avant de fuir la Colombie. L’importante présence immigrante dans les quartiers 7, 8 ou 10 pourrait faciliter l’élection d’un citoyen aux origines latines.

 

En attendant, l’ALAUHY prévoit mettre sur pied une épicerie de produits importés, offrir des cours d’espagnol et de danse à la population, ainsi qu’offrir un service de transferts monétaires à faible coût.

 

 

L’Italienne gardienne du patrimoine

Situation inusitée à la Société d’histoire de la Haute-Yamaska, la nouvelle directrice adjointe est originaire de Florence, en Italie. Cecilia Capocchi habite Granby depuis six ans et voilà qu’elle veille sur le patrimoine historique de la ville!

 

Après avoir oeuvré quelques années au conseil d’administration, la détentrice d’un baccalauréat en histoire contemporaine et d’une maîtrise en politique internationale a été engagée par la SHHY.

 

«Ça m’a vraiment touché, j’ai tout à apprendre de l’histoire régionale», lance-t-elle en ajoutant que la méthodologie de travail demeure tout de même universelle.

 

Et même si son collègue Richard Racine n’hésite pas à dire qu’elle ferait une excellente conseillère municipale, la jeune maman n’a pas encore inscrit la politique à son plan de carrière. Elle ne ferme toutefois pas la porte à d’autres formes d’implications.