Agressions sexuelles: #MoiAussi pousse des Montérégiennes à demander de l’aide

AGRESSIONS. La récente vague de dévoilements #MoiAussi et les nombreuses allégations et accusations visant des personnalités du monde artistique en lien avec des gestes à caractère sexuel ont vraisemblablement des répercussions en région, où les filles et les femmes sont plus nombreuses à solliciter l’aide du Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de Granby.

La liste de personnes pointées du doigt s’allonge depuis quelques semaines et comprend désormais, pour ne nommer que ceux-là, les noms de l’animateur Éric Salvail, du fondateur du festival Juste pour rire Gilbert Rozon, de l’éditeur Michel Brûlé et du chef Giovanni Apollo.

La médiatisation de ces affaires et le fait que des personnalités féminines connues aient dénoncé des gestes répréhensibles ont contribué à une hausse des demandes d’aide. C’est du moins ce qu’estime la coordonnatrice du CALACS, Chantal Brassard.  Alors que dix à douze demandes sont généralement adressées à l’organisme communautaire chaque mois, ce dernier a en reçu 27 entre le 16 octobre et le 6 novembre dernier.

«Une vague comme celle-là peut amener des reviviscences. Ce qui a été mis de côté pendant longtemps, à un moment donné, refait surface sans crier gare et sans que la victime ne le veuille. Elle se sent envahie par ses sentiments et c’est ce qui fait que certaines vont choisir de venir en parler», explique-t-elle.

Mme Brassard explique que plusieurs femmes rencontrées ont lancé un soupir de soulagement, voyant qu’une vague de sympathie déferlait, un contexte qui a favorisé les confidences. «Elles se disent qu’enfin, elles peuvent s’exprimer, qu’on va les croire». D’autres qui pensaient avoir tiré un trait sur une expérience douloureuse vivent malheureusement plus difficilement cette médiatisation. Certaines doivent ainsi composer avec «l’anxiété, la panique, des craintes ou des symptômes de dépression», énumère la coordonnatrice.

Au-delà des cas particuliers, celle-ci croit fermement que c’est tout le Québec qui a fait un pas de géant grâce à #MoiAussi en prenant la mesure de l’ampleur de la problématique. « […] On s’est rendu compte qu’une agression sexuelle, ce n’est pas seulement un viol avec pénétration ou des attouchements aux parties génitales», vulgarise-t-elle. Mme Brassard rappelle d’ailleurs que la notion de consentement «enthousiaste» demeure l’enjeu principal et que le fait qu’une femme fige ou soit incapable de réagir concrètement ne signifie en rien qu’elle donne son aval à des avances ou des gestes de nature sexuelle.

Être à l’écoute

De nombreuses personnes ont, parce qu’elles subissaient les contrecoups du pouvoir et de la domination d’autrui, balayé des gestes sous le tapis par crainte de représailles, estime Mme Brassard. Elles sont ainsi nombreuses à avoir craint pour leur intégrité et même leur vie. Si certaines femmes choisissent pour des raisons qui leur sont propres de ne pas officiellement porter plainte auprès des autorités, l’important est d’abord et avant tout qu’elles puissent compter sur une oreille attentive. À ce moment, la priorité est d’adopter une «attitude aidante», rappelle-t-elle. «Si une personne ose  briser le silence, parler enfin, on doit l’écouter. D’abord et avant tout, on lui laisse la parole. Ensuite, c’est évidemment de ne pas la juger et de la croire», ajoute Mme Brassard.

Cette dernière souligne que le CALACS peut prêter main-forte à ceux qui cherchent eux-mêmes à aider un proche à travers ce difficile processus. Elle souligne que les victimes ont tendance à se culpabiliser et craignent d’être tenues responsables des événements auxquelles elles ont été confrontées. Seulement 5 % d’entre elles se tournent vers les tribunaux pour obtenir justice.

Et après?

Chantal Brassard espère que l’écho qui résonne toujours au Québec ne se taira pas de sitôt. «J’espère qu’on a franchi un point de non-retour et qu’on ne retournera pas en arrière, qu’on en est vraiment à réaliser ce qu’est une agression sexuelle et le fait que ça a des impacts».  Elle croit que la récente vague a ébranlé la population, qui a été sensibilisée par les victimes qui ont accepté de témoigner. Ainsi, cette dernière espère que la province en entier tirera des leçons de ces dévoilements.

Répondre à la demande

Si les attentes envers la Stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles, dévoilée en octobre 2016, étaient grandes, aucun budget supplémentaire n’a été octroyé localement pour sa mise en œuvre. De plus, le budget du CALACS de Granby n’a bénéficié que de légères indexations annuelles depuis 2001. Pas question, toutefois, que les victimes écopent.

Face à la hausse de demandes et en dépit d’un financement qui fait sur surplace, les quatre ressources de l’organisation ont été mises à pied d’œuvre afin que celles formulant le souhait d’être accompagnées le soient de façon optimale. «On ne veut refuser personne et on ne refusera personne», fait valoir Mme Bédard, qui précise que celles faisant appel à l’organisme seront rencontrées à l’intérieur d’une semaine.

Rappelons que le CALACS de Granby couvre les MRC Brome-Missisquoi et de La Haute-Yamaska. L’organisme apporte de l’aide directe aux femmes et filles victimes d’agression à caractère sexuel et reçoit en ce sens entre 125 et 130 demandes chaque année. Il mène aussi des activités de prévention et de sensibilisation, en plus d’œuvrer dans la défense de droits. Pour bénéficier de ses services offerts de façon entièrement confidentielle, composez le 450-375-3338.