BMP critiqué pour le suicide d’un piéton

Le coroner Alexandre Crich critique la non-intervention du personnel de l’hôpital Brome-Missisquoi-Perkins dans le dossier du suicide d’un piéton, survenu en juin dernier, à sa sortie de l’urgence. Dans le rapport d’investigation obtenu par JournalLeGuide.com, le coroner remet en doute les politiques et procédures de l’établissement envers les patients en détresse psychologique.

Selon le fil des événements relaté par Alexandre Crich, la victime, un Bromontois de 40 ans (que nous prénommerons Martin pour les besoins du texte) était atteinte d’une maladie affective bipolaire atypique et cumulait plusieurs épisodes de psychose.

Le 14 juin en matinée, Martin s’est présenté en ambulance à BMP pour une douleur à la jambe. Il aurait toutefois reçu son congé après avoir rencontré un médecin et subi des examens.

C’est le lendemain, 15 juin, que les événements ont pris une tournure tragique. Vers 4h35, il s’est présenté à l’entrée principale en taxi. Son comportement «étrange» a été remarqué par un agent de sécurité qui l’a noté dans son rapport à 5h35. Celui-ci fait état d’un «homme confus» qui «fait des aller-retour dans le corridor».

L’agent de sécurité appelle alors à l’urgence pour qu’une personne vienne prendre en charge l’individu en détresse. Selon le rapport du coroner, c’est une employée administrative et non une infirmière qui a été dépêchée sur place. Laquelle a trouvé Martin assis et travaillant sur un ordinateur portable. «Elle ne lui parla pas et retourna à ses tâches à l’urgence», révèle l’investigation.

Quelques minutes plus tard, à 6h10, l’homme a quitté les lieux. Un appel au 9-1-1 a ensuite été logé par l’agent de sécurité à 6h23 pour «aviser que (Martin) s’était présenté à l’Hôpital Brome-Missisquoi-Perkins et qu’il semblait étrange».

Toujours selon le fil des événements relaté par Alexandre Crich, le piéton a pris le chemin du boulevard Pierre-Laporte. L’homme s’est finalement jeté, «en tenant ses bras dans les airs», devant un camion lourd qui n’a pu éviter l’impact. Les policiers dépêchés sur les lieux ont constaté «la mort évidente» du piéton.

Critiques et recommandations

Au nombre de ses commentaires, le coroner Crich «se demande s’il était optimal que le comportement étrange signalé par l’agent de sécurité fût évalué par une agente administrative, que le personnel de l’hôpital ne tenta pas de lui parler et que l’agent de sécurité pensait avoir informé une infirmière».

Il ajoute aussi qu’il «est important qu’un établissement s’assure régulièrement que son personnel connaisse, comprenne bien et soit apte d’appliquer les politiques et procédures». Dans la version écrite du rapport, il souligne les mots «régulièrement», «connaisse» et «comprenne».

Dans ses recommandations, Alexandre Crich suggère que BMP «révise ses politiques et procédures, ou le cas échéant qu’il en établisse» afin d’améliorer les interventions auprès de personnes qui montrent des signes de détresse psychologique.

Il ajoute que BMP devrait former du personnel capable de mettre en application lesdites politiques et procédures. Il termine en recommandant un suivi régulier auprès de ce personnel pour s’assurer que leur formation est adéquate.

Réaction de BMP

Dans son édition du 27 juin dernier, JournalLeGuide.com a révélé en exclusivité que l’homme qui s’est jeté devant un camion lourd sur le boulevard Pierre-Laporte à Cowansville sortait tout juste de l’Hôpital BMP.

Au moment de publier les faits, la directrice des services de santé physique, Maryse Samson, de qui relève l’urgence, avait tenu à se détacher des événements. «En avant de l’hôpital, il y a plein de monde, il y a des visiteurs, on ne peut pas intervenir auprès de tout le monde», avait-elle déclaré.

Le directeur général du CSSS La Pommeraie, Bruno Petrucci, a accepté de commenter le dossier sans toutefois avoir pris connaissance lui-même du rapport du coroner. Il affirme qu’en 2012, une trentaine d’employés, ainsi qu’un groupe de citoyens appelés «sentinelles», ont reçu une formation pour dépister les comportements suicidaires. Il avance que la formation pourrait être dispensée aux agents de sécurité.

L’incident a aussi suscité une réflexion du comité d’éthique. «On veut savoir où commence et où s’arrête notre responsabilité éthique», explique le DG.

En ce qui concerne le matin des événements, M. Petrucci concède que l’adjointe administrative «n’est pas intervenue comme serait intervenue une personne du personnel clinique». Il vient tout de même à la défense de l’employée en avançant que l’homme «ne semblait pas avoir la volonté de parler».

Selon le responsable de l’hôpital, l’urgence faisait face à un haut taux d’occupation lors de la nuit en question et que le personnel était débordé.