Câlingouin: quand une mascotte change un quotidien

LITTÉRATURE. Il est carreleur, elle est éducatrice en CPE. Tous deux étaient bien loin de s’imaginer qu’un simple jeu de mots formulé il y a environ 17 ans prendrait vie, donnant même une nouvelle cadence à leur vie familiale. Rencontrez Eric Bilodeau et Isabelle Levesque, le couple de Granbyens d’adoption derrière le Câlingouin, un personnage qui parcourt actuellement tout le Québec à la rencontre des petits.

C’est Éric qui lance l’expression Câlingouin pour la toute première fois. Celui qui n’est pas encore père à cette époque invente un gentil maringouin; au lieu de piquer les humains, il distribue les câlins. Isabelle «tombe en amour» avec ce joli mot, qui entre dans le dictionnaire personnel du couple.

Le tandem s’invente des histoires autour du gentil personnage. Leurs deux filles atterrissent l’une après l’autre dans leur vie: Kelly-Anne, aujourd’hui âgée de 16 ans, et Marilou, 12 ans. Bercées par différentes histoires, elles grandissent aux côtés du moustique végétarien qui raffole des brocolis.

L’idée vient d’illustrer, pour le plaisir, le personnage issu de l’imagination du papa. «Au départ, on ne voulait qu’une page couverture pour l’afficher dans la maison pour montrer à nos filles que l’on peut réussir quand on le veut. Finalement, ça va pas mal plus loin que l’on pensait», admet Isabelle en riant.

Au fil des hasards et des rencontres, le projet se met en branle. Ce sont finalement deux étudiants du Cégep du Vieux Montréal, Gabriel Coupal-Savard (illustration) et Yuri Martell (coloration) qui donneront vie au Câlingouin.

Ayant vu les bienfaits qu’a eus ce personnage imaginaire sur ses propres enfants, le duo désire de tout cœur que d’autres familles puissent profiter de la présence rassurante du moustique. «On voulait une mascotte pour réconforter les enfants. On voulait aller dans des endroits où ça ferait du bien, par exemple dans des hôpitaux», explique Mme Levesque.

Frappant à différentes portes pour y parvenir, les Bilodeau-Levesque obtiennent finalement l’onéreux costume grâce à un partenariat avec le producteur de brocolis Vegkiss, qui s’associe au projet. Ils cumulent des présences à différents événements, soutenant de bonnes causes.

Le projet de raconter des péripéties mettant en scène l’insecte à la bouille sympathique s’impose également en parallèle. M. Bilodeau s’attèle à la tâche en couchant sur papier des histoires; Isabelle l’assiste tandis que leurs adolescentes amènent aussi de l’eau au moulin. Dans chacun des récits, leur héros, un médecin multidisciplinaire, vole au secours d’un nouvel ami, l’aidant à se départir d’un souci auquel peut se buter n’importe quel bambin.

Un Câlingouin et une piqûre pour Benjamin, édité chez EdiLigne, est publié à l’automne 2016; il vise à rassurer de façon ludique et rigolote les enfants confrontés à un vaccin. C’est le début d’une grande aventure littéraire pour la famille, qui compte désormais une mascotte comme cinquième membre.

«On voulait vraiment que tout le monde ait sa place dans ce beau projet-là, lance la maman. On l’appelle notre projet bonheur». «On avait besoin de ça», admet pour sa part Éric, qui avoue que la vie familiale n’a pas été de tout repos au courant des dernières années. Kelly-Anne étant atteinte d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA) et d’anxiété généralisée, leur quotidien a été pendant très longtemps modelé sur sa réalité.

Une nouvelle vie
Joignant l’utile à l’agréable, les Bilodeau-Levesque ont aujourd’hui troqué les voyages dans le Sud pour les salons du livre de la province. L’aînée apprécie les petits voyages que leur procure leur nouvelle vie, tandis que la cadette, qui adore la lecture, se sent comme un poisson dans l’eau dans les différents événements littéraires auxquels ils sont conviés. Le clan, qui en compte déjà une vingtaine à son actif, entrevoit ces déplacements comme des opportunités d’être ensemble. «On a vu que les filles ont une meilleure complicité», cite en exemple leur mère, fort heureuse.

Attirant les enfants comme des aimants, le costume que revêt souvent Éric lors de ces événements lui donne confiance. Autrefois terrorisé à l’idée de prendre la parole en public, l’homme de 42 ans entrevoit désormais l’idée de présenter des conférences. La mascotte a également un pouvoir surprenant sur Kelly-Anne. La jeune femme, qui s’épanouit de plus en plus, se laisse plus facilement approcher grâce à elle.

«Quand on lui touche, depuis qu’elle est petite, ça lui laisse comme une empreinte fatigante pendant des heures. On a rarement pu lui faire des câlins. Tout à coup, elle met la mascotte et se rend compte qu’elle peut en recevoir», raconte son père, les yeux brillants.

Dix tomes… et autant de rêves
Deux autres bouquins se sont depuis ajoutés à la collection, qui en comptera dix au total: Un Câlingouin et les dents d’Adam (2017), qui relate la visite chez le dentiste d’un crocodile à l’impressionnante dentition et Un Câlingouin et le caca du Cacatoès (2018), un récit dans lequel un mignon volatile peine à aller à la toilette. Un quatrième tome, Un Câlingouin et les allergies de Pitchoum, est actuellement à l’illustration.

En plus d’être devenu un mode de vie pour la famille, le maringouin calineur au dard crochu est aussi, désormais, un outil de travail pour Isabelle, qui œuvre au CPE Chez Nous de Shefford. Les parents, qui croient fermement en leur projet, caressent désormais celui de voir naître différents produits dérivés qui aideront les enfants. Une traduction de leurs livres est aussi souhaitée. Ceux qui désirent «changer le monde à leur façon» ont aussi un rêve encore plus grand: «C’est sûr qu’on aimerait, un jour, pouvoir vivre du Câlingouin», glisse Eric Bilodeau.

Ses péripéties sont disponibles dans la majorité des librairies québécoises. Pour plus de détails, visitez la page Facebook Calingouin.