La santé psychologique des Québécois se détériore: «il faut agir, dès maintenant», selon la docteure Mélissa Généreux

SANTÉ. Il est déjà connu que la pandémie, tout comme les autres types de catastrophes, engendre des séquelles psychologiques importantes dans la population. La docteure Mélissa Généreux, professeure-chercheuse à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke, termine une deuxième phase de l’étude québécoise sur les impacts psychosociaux de la pandémie. Elle est maintenant en mesure de comparer les résultats observés avec ceux de septembre dernier. La conclusion: il faut agir, dès maintenant.

«Les jeunes de 18 à 24 ans forment, comme il y a deux mois, le groupe le plus susceptible de présenter des symptômes significatifs d’anxiété ou de dépression majeure (46 %). Les travailleurs de la santé ont toujours eux aussi une prévalence élevée d’anxiété ou de dépression probable (31 %). Les personnes en télétravail s’ajoutent maintenant au lot des personnes affectées psychologiquement par la pandémie dans une proportion de 27 %», précise Mélissa Généreux qui est également médecin-conseil à la Direction de santé publique de l’Estrie.

Réalisée auprès de 8 500 adultes, l’enquête s’est déroulée du 6 au 18 novembre dernier dans toutes les régions du Québec. On y apprend que :

  • Un adulte sur 4 (un jeune adulte sur 2) rapporte des symptômes compatibles avec un trouble d’anxiété généralisée ou une dépression majeure. Ce phénomène est en hausse, surtout chez les hommes et les jeunes.
  • Les idées suicidaires sérieuses sont 2 fois plus fréquentes qu’avant.
  • Les troubles psychologiques sont nettement plus présents à Montréal.
  • Les travailleurs essentiels et les télétravailleurs sont davantage touchés.
  • Tant la pandémie que l’infodémie influencent la santé psychologique.
  • Le sentiment de cohérence demeure un facteur protecteur très important.
  • La consommation abusive d’alcool est en hausse chez les 35 ans et plus.
  • Seuls 6 adultes sur 10 seraient prêts à recevoir un vaccin (en baisse).
  • Les consignes sont perçues comme étant exagérées et peu claires par plus du quart de la population.

«Alors que l’homologation de vaccins approche, le désir de se faire vacciner diminue. Elle ne se traduit pas par un refus, mais plutôt par une plus forte hésitation à se faire vacciner. Nous attribuons une partie de ce phénomène au faible sentiment de cohérence et aux attitudes négatives face aux consignes gouvernementales : selon l’étude de novembre, ces consignes sont perçues comme étant exagérées et peu claires par plus du quart de la population», explique la professeure-chercheuse en santé publique.

Malgré des résultats somme toute inquiétants, Mélissa Généreux est toutefois confiante. «Plus nous en connaissons sur la nature, l’ampleur, la distribution et l’évolution des impacts psychosociaux de la pandémie et les facteurs de risque ou de protection associés, plus nous pouvons éclairer les décisions prises par les autorités. Je suis vraiment fière que nos dernières recommandations permettent aujourd’hui des collaborations pour assurer une prise en charge concrète et immédiate de la situation».

En effet, le ministère de la Santé et des Services sociaux, par l’entremise du ministre Lionel Carmant, annonçait des investissements de 100 M$ en santé mentale le 2 novembre dernier.

Pour instaurer des solutions concrètes à court terme, le ministère s’est adjoint les services de la docteure Mélissa Généreux qui a coordonné avec la communauté de Lac-Mégantic des projets contribuant à renforcer la résilience des individus et des collectivités. Elle agira comme conseillère sur le déploiement de l’organisation pour tout le Québec, d’équipe d’éclaireurs en santé mentale.

«L’expertise a été et est encore développée en Estrie, et toutes les instances impliquées collaborent de façon coordonnée. Le tout, bien sûr, dans le but de faire profiter des meilleurs soins et des meilleures pratiques à notre communauté, mais aussi à la population du Québec», conclut Mélissa Généreux.