Criminel à moins de payer pour prouver le contraire

SOCIÉTÉ. COMMUNAUTÉ. Guy Bouthillier, résidant à Granby, est impliqué au sein de trois organismes communautaires en tant que bénévole. Quelle fut sa surprise lorsque -celui-ci a été contacté par le Service de police de Granby pour débourser un montant de 60 $ dans le cadre d’un protocole d’entente entre ceux-ci et les organismes pour le filtrage des personnes appelées à œuvrer auprès des personnes vulnérables.

Guy Bouthillier donne de son temps au Partage Notre-Dame, aux Petits Frères de Granby ainsi qu’auprès de J’Entreprends La Relève. Pour permettre aux candidats de s’impliquer auprès d’une clientèle souvent vulnérable, les organismes ont le choix d’enclencher le protocole d’entente (s’ils en possèdent) avec le service de police pour vérifier les antécédents du candidat. Mais voilà, en vertu des normes fédérales, il suffit qu’il y’ait concordance de la date de naissance et du sexe de l’individu avec un présumé criminel pour que le candidat fournisse ses empreintes digitales pour une vérification poussée.

Le Granbyen a reçu cette demande alors que la vérification a établi qu’un individu mâle canadien, né le même jour et le même mois que lui, figurait dans le registre des dossiers de pardon de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Il a alors pris rendez-vous avec le service de police pour le prélèvement et la transmission de ses empreintes digitales à la GRC, mais cette opération présente des frais que le bénévole, ou l’organisme communautaire doivent payer pour prouver que le candidat choisi n’est pas celui qui figure dans le registre. Il est là le bémol pour M. Bouthillier qui estime que ces frais doivent davantage être pris par les services de police.

«Je trouve ça important que les organismes vérifient l’authenticité de l’individu qui se présente comme bénévole, et que cette personne-là ne soit pas à risque pour la clientèle de ces organismes. L’important, c’est que le citoyen soit en sécurité. Mais là où j’ai un problème, c’est que tous ces frais ne sont pas assumés par le service de police qui est financé par nos impôts», explique le principal intéressé. «C’est à l’organisme communautaire ou à l’individu de payer pour prouver son innocence alors qu’il n’est coupable de rien et qu’il souhaite donner de son temps et de son argent pour faire du bénévolat. Je trouve ça inacceptable dans une société où on paie des impôts aussi élevés de débourser pour faire du bénévolat», ajoute-t-il.

L’ancien homme d’affaires l’assure, ce n’est pas le fait de payer les quelque 60 billets qui le dérange, mais pour lui, cette pratique ne fait que causer du tort à des organismes déjà largement démunis et sous-financés, en plus de participer à dissuader les potentiels bénévoles de s’impliquer. «C’est malheureux à dire, mais souvent, c’est des gens moins riches ou dans la classe moyenne qui font du bénévolat, et en plus on leur impose des charges additionnelles, c’est un -non-sens à mon avis», exprime-t-il. «Il faut épauler les bénévoles et les organismes communautaires et non leur charger. Les autorités ont les numéros d’assurance sociale et les dossiers, ça n’a pas d’allure qu’ils ne soient pas capables d’identifier les personnes à problème », constate le citoyen.

Pas le premier…ni le dernier

M. Bouthillier soutient qu’il y a plusieurs personnes qui sont dans la même situation que lui et qui n’ont pas les moyens de payer cette somme. Les organismes constatant le problème, mais ne voulant pas perdre leur ressource, acceptent dans la majorité des cas de payer ces frais. Pour lui, les organismes communautaires et les bénévoles ne doivent pas être assujettis à ces frais.

Simon Tremblay, membre du conseil d’administration de l’organisme J’Entreprends la relève, a confirmé les propos de M. Bouthillier à l’effet que son organisation s’engage à rembourser les frais de vérification dans une optique de rétention de bénévoles. «C’est un peu dommage que ce soit les organismes qui doivent payer, surtout pour ceux qui ont un petit budget opérationnel, chaque dollar compte. C’est sûr que si on a un 200-300 $ de frais de vérification par année, ça pose un frein indirectement. On a fait le choix de payer ces factures pour garder nos bénévoles, on essaie de mettre toutes les chances de notre côté.»

Du côté du Service de police de Granby, on s’assure simplement d’appliquer les lois dictées par le fédéral. En effet, pas moins de 2674 filtrages ont déjà été effectués par le corps policier municipal en 2022 au moment d’écrire ces lignes. La première étape de la vérification est gratuite grâce au partenariat entre la Ville et les organismes communautaires, mais c’est une fois qu’une concordance a été établie dans les registres de la GRC que des frais peuvent s’appliquer. «Nous, on fait les empreintes et on envoie le tout à la Gendarmerie Royale du Canada. Les frais sont établis par la loi et demandés par la GRC. L’une des raisons de ces vérifications supplémentaires c’est aussi à cause de la grandeur du territoire du Canada et du système de justice fédéral. Quelqu’un qui a commis un crime en Alberta sous un nom peut venir ici à Granby et commettre d’autres crimes sous un autre nom», a indiqué l’agent Guy Rousseau, relationniste au Service de police de Granby. «Notre système de vérification est récent et avec les temps, les autorités se sont rendu compte qu’il y’avait des possibilités d’erreurs dues à un manque d’informations d’où l’ajout de cette deuxième étape de vérification», conclut-il.

Pour faire entendre sa voix, Guy Bouthillier a écrit récemment à la députée fédérale de Shefford, Andréanne Larouche, ainsi qu’à la mairesse de Granby, Julie Bourdon.