De l’Ukraine à Granby, une route longue et pernicieuse

COMMUNAUTÉ. Cet article peut contenir des passages choquants pour certaines personnes. Ironiquement, la longueur du voyage ne dépend pas des 7096 kilomètres qui séparent Kiev et Montréal (point d’exemple). Il dépend surtout des quelques centaines de kilomètres que les Ukrainiens doivent parcourir sur les, soi-disant, couloirs humanitaires, qui ne seraient pas respectés par l’armée russe. Mila Schumilov, une Granbyenne originaire d’Ukraine, livre le récit de ses proches, qui malgré les fourberies de l’armée russe, ont réussi à sortir de leur pays natal, afin de rejoindre la région de Granby.

« Je sors des gens qui sont vraiment sous les bombardements en zone rouge. Ce n’est pas facile, car nous devons trouver le moment précis où le corridor humanitaire est ouvert. C’est vraiment difficile et les gens doivent être forts. Beaucoup ont des traumatismes psychologiques sévères, car les Russes bombardent les autobus et les voitures avec des familles complètes à l’intérieur. Vladimir Poutine ne considère pas les corridors établis comme légitimes », raconte Mila Schumilov.

C’est le ciel qui nous tombe sur la tête

Mme Schumilov accueille présentement chez elle un bébé de trois ans. Ce dernier, avant de réussir à quitter son pays natal, était régulièrement caché sous un bain dû aux bombardements incessants qui assiégeaient sa ville. Aujourd’hui en sécurité chez Mila, le bambin ne parle plus et ne fait que des sons en se tapant les oreilles. Est-ce que certains bruits lui rappellent les bombes qui tombent du ciel ukrainien ? Ou encore, le bruit de l’autobus qui était devant le sien, et celui de ses parents, qui fut bombardé en essayant de joindre la Moldavie par le « corridor humanitaire » ? La seule chose qu’il est possible d’affirmer est que la vie de cet enfant est changée pour le reste de ses jours, déjà, à trois ans.

« Quand l’armée russe a fini d’envahir une région, elle place des explosifs dans les cadavres des soldats ou civils, Russes comme Ukrainiens, sachant que les citoyens de la région vont venir pour les ramasser. Les civils explosent donc en recueillant les corps de leurs proches. Maintenant, il y a des charniers partout et une odeur pestilentielle, car plus personne ne veut toucher aux cadavres », récit provenant du frère de Mila Schumilov qu’elle livre au Granby Express.

Il n’y a plus de «chez-nous» maman !

En plus de recueillir une famille étrangère, Mme Schumilov fait bien sûr ce qu’elle peut pour les siens. Son frère devant rester en Ukraine, comme tous les hommes entre 18 et 60 ans, elle a réussi à faire sortir sa mère de 65 ans. Cette dernière est bien à Granby, mais ne pense qu’à une seule chose. Rentrer chez elle après le conflit. Petit détail, son village est complètement rasé.

« L’église que j’ai aidée à bâtir quand l’Union soviétique s’est effondrée, elle n’existe plus. Mon école, pareillement, elle n’existe plus. Mon village a complètement été bombardé, je n’ai plus de village natal où je rêvais de retourner pour mes vieux jours. Maintenant, il faut que ma mère de 65 ans comprenne cette nouvelle réalité aussi. Sa maison n’est plus là. »

Pourquoi?

Si Mila était conciliante envers le peuple russe au début de la guerre et adhérait au fait qu’ils ne sont pas tous en accord avec leur gouvernement, aujourd’hui, son discours est plus vindicatif. Depuis qu’elle sait que des enfants sont agressés devant leurs mères, les questionnements se mélangent à la frustration. « Pourquoi? La guerre ne justifie pas de tels actes et si moi je sais, les Russes ne peuvent pas dire qu’ils ne savent pas ! »