Itinérance: Granby misera sur la cohabitation

SOCIÉTÉ.  SOCIÉTÉ. La Ville de Granby planche actuellement sur un plan afin que les personnes en situation d’itinérance et les strates plus confortables dans notre société puissent cohabiter sans rixe. Et alors que certaines administrations municipales prônent une politique des contraventions à outrance pour réguler l’itinérance, cette avenue ne ferait pas partie des options envisagées pour harmoniser la cohabitation, a confié la mairesse Julie Bourdon en entrevue au GranbyExpress.

« Ici, on ne fonctionne pas avec la méthode des contraventions sauf lorsque la situation l’exige, évidemment. Il y a des programmes qui existent à Granby afin de diriger les personnes vulnérables vers l’accomplissement de travaux communautaires, plutôt que de les endetter pour atteindre des sommes déraisonnables », a indiqué la mairesse Bourdon.

Si des municipalités optent pour l’endettement judiciaire pour faire le « ménage » dans ses rues, la Ville de Granby vise plutôt une harmonisation entre les citoyens. Rappelons que l’année dernière, les policiers ont eu à intervenir à maintes reprises à la Place du marché au centre-Ville, situation que la mairesse n’a pas l’intention de rendre annuelle.

La ressource

La situation de l’itinérance à Granby est un holisme entre la crise de logements, toutes catégories, et la pandémie qui est, certes, venue accentuer un problème sociétal latent. Aussi, les administrations précédentes n’ont jamais dressé de portrait clair de l’itinérance à Granby. Par contre, Mme Bourdon peut affirmer qu’il y aurait environ une vingtaine de personnes qui seraient sans domicile fixe. Le problème réside dans l’itinérance dite « cachée ». Beaucoup de citoyens vivent d’un divan à l’autre et c’est cette catégorie de citoyens qui semble difficile à atteindre.

« Nous misons beaucoup sur les logements abordables. Pour nous, une partie de la solution réside dans la disponibilité de ce type de loyers. En plus, d’autres gens pourraient être attirés à Granby et ça permettrait d’acquérir une main-d’œuvre supplémentaire. En somme, tous semblent y gagner en prenant cette direction. Cependant, l’itinérance ne dépend malheureusement pas du simple fait de la Ville. La solution est multifactorielle. Le CIUSSS, entre autres, a son rôle à jouer. Nous pouvons fournir un budget, des professionnelles, mais il faut aussi une concertation dans les actions que nous allons porter », a déclaré l’élue.

Déjà, des policiers ont été formés pour ajuster leur approche selon la circonstance à laquelle ils font face. De surcroît, la Municipalité a formé son personnel, les cols bleus entre autres, pour démystifier l’itinérance et leur fournir les outils afin qu’ils s’adaptent à ce phénomène social.

L’hiver

Cette année, durant la saison hivernale, des projets tels que la Halte-Chaleur ont été mis sur pied, 18 000 $ ont été débloqués afin de permettre à la maison Le Passant d’accueillir plus de personnes, mais aussi, de tolérer les personnes intoxiquées dans la mesure où elles ne représentent aucun risque pour autrui et eux-mêmes. Ironiquement, plusieurs centres pour personne sans domicile fixe n’acceptent pas cette clientèle, alors qu’il s’agit d’un facteur de premier plan en la matière.

En l’occurrence, si la mairesse n’a pas encore les résultats clairs qu’ont pu apporter ces programmes, elle peut déjà avancer que ces actions seront soit reprises à l’hiver 2023, ou encore, adaptées dépendamment des retombées.

« En saison hivernale, nous avions un plan, à savoir, où ces citoyens passent leurs journées. Par exemple, certains, pour se réchauffer, allaient lire à la bibliothèque. Nous avons donc formé le personnel là aussi. Autre exemple, en soirée, nous avions une entente avec le CIUSSS qui consistait à accueillir les personnes sans-abri à l’urgence et ce n’était pas du délestage de notre part. Il y avait une réelle concertation entre le CIUSSS et nous pour que cette clientèle soit accueillie dignement à l’urgence. »

Ainsi, une approche prônant la dignité humaine semble être le mot d’ordre de la politique municipale, mais aussi, des actions concertées et une vue d’ensemble exhaustive. 

Les limites institutionnelles

Selon Statistiques Canada, Granby fait effectivement bonne figure en comparaison à ses comparses de même taille. Cependant, la situation est tout de même à la hausse. Ce que déplore Julie Bourdon, c’est les limites auxquelles sont contraintes les institutions.

« Il reste que malgré tous ces efforts, une partie de cette clientèle est récalcitrante à notre aide. Nous avons même organisé un projet de coupons alimentaires que les policiers distribuaient, ainsi qu’une liste d’organismes appropriés à la problématique de chacun, leur permettant de les diriger aux bons endroits. Cependant, un petit pourcentage ne veut simplement pas de notre aide et c’est là que notre capacité à aider atteint son point de rupture. » 

Autre situation à la hausse, les femmes en situation d’itinérance. En 40 ans, elles ont surpassé les hommes de 3 % en représentativité au sein de cette strate de la population. D’après une étude de Statistiques Canada portée sur 1000 personnes, il y a eu en 2019, 25 hébergements d’urgence (Estrie), pour 30 dans le Centre-du-Québec. Rappelons que le Centre-du-Québec compte la moitié d’âmes (248 000 habitants) sur son territoire par rapport à l’Estrie (500 000).

En Estrie, toujours, on dénombre 151 ressources de transition pour 45 dans le Centre-du-Québec. Selon les données consultées, là où le ratio semble faiblir est dans les ressources de deuxième ligne ou le service après intervention, par exemple. L’Estrie compte 167 centres de thérapie contre 154 au Centre-du-Québec et, suivant le même ordre, 47 refuges pour femmes violentées contre 50.