Le milieu communautaire accueille 2023 avec toujours autant d’appréhension

COMMUNAUTAIRE. La Corporation de développement communautaire de la Haute-Yamaska (CDCHY) qualifiait déjà l’automne dernier la situation des organismes communautaires comme une véritable « crise historique ». Il suffit de jeter un coup d’œil aux titres des formations offertes par la CDC pour s’en rendre compte. « Un métier dans la désespérance » ou encore « Garder l’équilibre dans un monde de fou » sont deux exemples de formations destinées aux intervenants du communautaire et qui reflètent parfaitement le contexte actuel.

Malgré quelques signes encourageants, rien n’indique que l’année 2023 sera très différente pour le milieu communautaire. Multiplicité de la demande, exode des talents vers le milieu de la santé et le privé, sous-financement, etc. le directeur général de la CDCHY, Nicolas Luppens, sera encore sur tous les fronts avec son équipe. Afin de répondre aux besoins des organismes qui sont également en hausse, la CDC a procédé notamment à l’embauche d’une agente de développement et concertation.

Cette dernière sera appelée à être présente au sein des tables de concertation et développer des liens avec différents partenaires. Elle sera, entre autres, responsable de la mise à jour des bottins des ressources et travaillera sur des dossiers sensibles comme celui du logement. Une paire de mains supplémentaire que Nicolas Luppens accueille avec enthousiasme. « On avait de la misère à deux à être présent au niveau des différentes tables et connaître les besoins plus spécifiques. On commence déjà à voir plus de liens qui se font et on peut être appelé à être plus présent en Estrie », souligne le directeur.

En effet, depuis quelque temps, la CDCHY n’est plus considérée comme faisant partie de la Montérégie, mais plutôt de l’Estrie. Un changement qui se traduit par l’établissement de nouveaux partenariats en fonction des réalités plus spécifiques à la région.

Réagir à l’important taux de roulement

Pour la corporation qui a connu une hausse d’adhésion de 30 % (44 membres en début 2022, 57 membres actuellement), le défi actuel réside dans le fait d’entendre toutes les préoccupations des membres, qui connaissent notamment un taux de roulement très haut au sein de leur effectif, que ce soit parmi les équipes d’intervenants ou encore de direction. « Je n’ai jamais vu autant de roulement, moi qui travaille dans le secteur communautaire depuis une quinzaine d’années, je n’ai jamais vu une aussi grande perte d’expertise. Quand une personne quitte, tout le bagage qu’elle a accumulé depuis des années part avec elle », confie M. Luppens.

Cet exode de talent s’explique par le fait qu’au cours des dernières années, les organismes communautaires ont beaucoup peiné à être compétitifs vis-à-vis le réseau de la santé et le privé. En effet, si le réseau de la santé publique est déjà en compétition avec le réseau privé, le communautaire doit pour sa part faire face à ses deux mastodontes en comptant sur ses propres moyens. Une situation inacceptable pour la Table nationale des Corporations de développement communautaire (organisme qui chapeaute tous les CDC), qui a su sortir un peu la tête de l’eau grâce à un important don de la Fondation Lucie et André Chagnon. C’est d’ailleurs grâce aux montants découlant de ce don que la CDC a pu procéder à l’embauche d’une agente de développement. « Ce financement a été accordé pour permettre à la CDC de développer des postes comme celui d’agent de développement, et en même temps, ça nous permet de mettre à niveau nos échelles salariales, parce qu’on doit assurer la rétention pour les prochaines années », explique Nicolas Luppens.

Grâce à ce don et aux hausses accordées par le Secrétariat à l’action communautaire autonome et aux initiatives sociales aux différentes CDC, beaucoup d’organismes communautaires ont pu entamer une restructuration de leur organisation et revoir leur échelle salariale à la hausse. Le contexte actuel oblige alors les organismes à se niveler vers le haut pour offrir de meilleures conditions de travail au personnel, ce qui « est une bonne chose » selon Nicolas Luppens si les organismes souhaitent retenir le talent.

À noter que sur les soixantaines d’offres d’emploi publié par la CDC au courant de l’année 2022, la moitié des postes reste encore à combler.

Une année 2023 sous le signe de la continuité

Durant l’année 2022, la CDC a été présente sur tous les fronts. En plus des 12 formations données, les employés de la CDC ont également effectué plusieurs tournées pour rencontrer les membres et s’informer des derniers enjeux. La CDC a également constaté une nette augmentation de la fréquentation de ses différentes plateformes web. « Le site internet aussi a enregistré un taux de 95 % de nouveaux visiteurs. C’était un peu ça l’objectif lorsqu’on a procédé à la refonte du site internet avec l’ancien directeur, on voulait vraiment l’axer pour les nouveaux usagers qui souhaitent s’informer sur la CDC », mentionne Stéphany Chrétien, responsable des services aux membres.

L’année 2023 ressemblera sensiblement à l’année 2022 pour les membres de la CDC Haute-Yamaska. Ceci dit, deux bonnes nouvelles font peut-être entrevoir un début de stabilité pour les organismes communautaires. Alors que les salaires continuent d’augmenter dans le milieu, l’ajout d’un nouveau ministère responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire peut également annoncer l’amorce d’un important chantier dans le milieu. La ministre Chantal Rouleau aura notamment pour mission d’amener une vision à plus long terme accompagnée même d’une politique, espère Nicolas Luppens.

« On ne peut pas lutter contre la pauvreté avec des plans d’action ponctuels, et recommencer après avec de nouveaux projets ou de nouvelles balises », estime le directeur de la CDCHY. « C’est une bonne chose d’avoir un interlocuteur impliqué directement dans les questions d’inclusion sociale et de l’action communautaire, mais on verra au courant de l’année 2023 », ajoute-t-il.

Alors que le prochain budget du gouvernement caquiste est attendu avec impatience par les différentes CDC, ces derniers souhaitent surtout une plus grande équité par rapport au système de santé et entre les organismes eux-mêmes. « On voit que certains groupes de la CDC ont le vent dans les voiles, mais ce n’est pas vrai pour tous les organismes où la plupart sont essoufflés. La situation est toujours vécue comme une situation de crise, des équipes de directions et de travail qui vivent dans la détresse, on en voit chaque semaine », souligne Nicolas Luppens.

Dans tous les cas, M. Luppens et son équipe comptent bien continuer sur cette lancée, car le plus important pour eux est le bienêtre de la population et la mission des organismes membres. « C’est tous des gens porteurs de valeurs humaines semblables, ça reste un milieu bienveillant et malgré la difficulté, on se serre les coudes, on se rassemble, on s’entraide et on tisse des liens les uns avec les autres. Ça joue pour beaucoup « , mentionne Mme Chrétien.

« On va maintenir le cap, c’est ce que les membres nous demandent présentement. La planification triennale va peut-être nous amener de nouveaux enjeux, mais c’est sûr qu’on va continuer à être les porte-parole de nos organismes sur les enjeux qu’ils vont relever eux-mêmes. L’année 2023 risque d’être placée sous le signe de la continuité, parce que c’est ce que nos membres veulent », conclut M. Luppens.