Logement: les évictions forcées en escalade

HABITATION. Les rénovictions, les reprises de logement, les évictions forcées sont en forte hausse dans les grands centres, mais également en région. Seulement pour l’année 2022, 3310 cas ont été compilés comparativement à 1243 cas en 2021, selon le rapport Déloger pour s’enrichir produit par le Regroupement des comités et associations de locataires du Québec (RCLALQ).

Présentée aujourd’hui, l’enquête annuelle de l’organisme de défense des droits des locataires révèle également que l’éviction forcée est une pratique de plus en plus courante hors des grands centres. Selon le RCLALQ, les cas auraient bondi de 508 % (93 cas en 2021, 566 en 2022). Une donnée qui pourrait bien être plus élevée puisqu’elle ne contient que le nombre de locataires qui ont fait appel à un comité de logement lors d’une situation d’éviction. 

«Il faut savoir qu’une part importante des évictions forcées sont de nature malveillante ou frauduleuse. Il s’agit d’un stratagème utilisé par des propriétaires pour contourner la loi afin de déloger des locataires qui refusent des hausses extravagantes et faire des profits considérables», a mentionné le porte-parole du RCLALQ, Martin Blanchard.

«Cette année, la situation est alarmante. Les chiffres sont historiquement les plus élevés au Québec depuis les débuts de cette compilation et même quand on recule dans le temps avec les chiffres du Tribunal administratif du logement», a ajouté M. Blanchard. 

Au RCLALQ, on soutient que les évictions forcées viseraient principalement des gens à faible revenu qui paient un loyer sous la moyenne et accentueraient leur appauvrissement. Pour appuyer son propos, l’organisme fait référence à son étude sur les loyers offerts en location sur le site Kijiji lors de la période de recherche (entre février et mai). Selon cette analyse, le coût du loyer moyen des locataires victimes d’une éviction se chiffrait 650 $ à Granby alors qu’il était affiché à 1213 $ par mois sur le site populaire de petites annonces.

«Le principal but de ces reprises de logement, c’est pour faire des flips immobiliers. On achète à bas prix pour ensuite relouer ou revendre à un prix beaucoup plus élevé pour réaliser de grands profits. C’est devenu une recette qui se répète dans tous les médias et dans les émissions de flip», a mentionné Martin Blanchard.

Des cas à Granby

L’été dernier, l’ACEF Montérégie-est avait dénoncé les pratiques d’un groupe immobilier montréalais nouvellement propriétaire d’immeubles à Cowansville et à Granby qui usait de stratégies pour convaincre des locataires à délaisser leur logement. «On a un cas à Cowansville où une famille de trois enfants a dû aller habiter dans le sous-sol chez des amis parce qu’elle n’a rien trouvé », avait déploré la porte-parole de l’ACEF Montérégie-est, Julie Coderre, en entrevue avec le GranbyExpress. 

Des pressions pour quitter rapidement un appartement, un montant proposé pouvant atteindre les 3000 $ pour casser un bail. Or, à Granby, des locataires d’un immeuble ont décidé de tenir tête à leur nouveau propriétaire qui souhaitait les voir partir.

«On a été racheté par un holding qui utilisait une tactique d’usure qui incitait les gens à quitter volontairement en offrant, entre autres, des rachats de bail. On a formé un comité avec le mandat de défendre nos droits et pour informer les locataires (cinq immeubles, 120 logements). On a essayé de contacter le propriétaire pour trouver des solutions, mais ça n’a pas fonctionné», a raconté Stéphane*.

Selon les dires du locataire, le nouveau propriétaire leur donne deux choix: accepter la hausse du loyer ou la refuser et quitter les lieux.

Des demandes

Lors de leur sortie médiatique, le RCLALQ a invité la nouvelle ministre de l’Habitation du Québec, France-Élaine Duranceau, à apporter des correctifs à la législation actuelle pour mieux protéger les locataires face aux évictions forcées. Parmi ces suggestions, le Regroupement propose notamment d’interdire les projets de reprise lorsque le taux d’inocupation des logements locatifs est sous le seuil de 3 %.

Finalement, tout projet de reprise d’un loyer en vue d’y faire des rénovations devrait obtenir l’accord du tribunal et faire l’objet d’un suivi obligatoire dans l’année qui suit.