Voir sa vie partir au loin

TÉMOIGNAGE. Céline (nom fictif pour préserver l’identité de la dame) était notaire de profession. Pendant 12 ans, elle a exercé son métier jusqu’à ce que la maladie mentale frappe. Durant 17 ans, elle s’est battue afin qu’on lui donne le traitement adéquat pour reprendre son chemin. Cependant, pour une raison qui lui échappe encore aujourd’hui, son dossier est parti en vrille pendant pratiquement deux décennies, soutient la dame d’une cinquantaine d’années. Un long périple vers la guérison qu’a bien voulu raconter la Granbyenne au GranbyExpress.

«À bien y penser, je crois que tout ça a commencé quand j’étais à l’université. Il m’arrivait d’avoir comme des absences et ensuite, c’est comme si rien ne s’était passé. Je ne me souvenais plus des dernières minutes. Parfois, je devais même écrire mon nom parce que j’étais trop désorientée », raconte Céline.

« Autour de 1997, on a établi que j’étais en burnout, mais aucun suivi n’est fait et on me laisse continuer à travailler. Tout le monde voyait que je n’étais pas normale, mais mon médecin persistait à me laisser travailler sans traitement, et encore, la psychiatre m’a souhaité bonne chance ! That’s it », rajoute-t-elle.

Après avoir consulté un professionnel de la santé du côté de Saint-Hyacinthe en 19992000, -Céline se tourne vers une clinique médicale de Granby. Un premier diagnostic est émis : un trouble du comportement. À partir de ce moment, les 17 années suivantes verront leur lot de diagnostics être ajouté au dossier.

L’entrée dans la machine

La patiente a permis au GranbyExpress de consulter son dossier médical. Il y est inscrit qu’elle a été suivie à Saint-Hyacinthe de 1994 à 2005. On peut également y lire qu’elle a été hospitalisée une première fois au Centre hospitalier de Granby (CHG) en 2007, puis une deuxième en 2009.

Il s’en serait suivi plusieurs admissions, à la psychiatrie du CHG, en 2009, puis lors du point de rupture de -Céline, en 2017. Chacune des admissions apporte évidemment son occultation et à chacun de ses épisodes de crise, on ajoute une pathologie à son dossier.

«Selon eux, j’avais toutes les maladies mentales possibles et imaginables!», soutient Céline. Trouble de personnalité mixte sévère (TP mixte sévère), TP narcissique, TP limite, TP histrionique, TP oppositionnelle, revendicatrice, antisociale, trouble obsessionnel compulsif et boulimique», peut-on lire dans le rapport médical.

Le bout du rouleau

En 2017, les remparts de compensation que Céline s’était érigée, pour balancer les effets d’une maladie qui continuait son chemin, sans aucun obstacle, ont cédé. «J’ai complètement déconnecté. Ma famille ne me reconnaissait plus, je posais des gestes complètement déjantés et j’ai perdu la carte.»

Céline téléphone alors au 911 pour des propos sexuellement déplacés qui auraient été tenus par un ami -Facebook. Les agents n’arrivant pas assez rapidement, elle recontacte la centrale d’appels et menace de se suicider si ces derniers n’arrivent pas plus vites. Elle est donc transportée à l’urgence du CHG en ambulance. Elle ne pensait toutefois pas y rester pendant presque un mois.

Céline affirme aussi avoir subi, à plusieurs reprises, des préjudices dans les soins qu’elle a reçus.

Le périple d’une sœur

Debbie (nom fictif pour préserver l’identité de la dame), la sœur de Céline, l’a soutenue tout au long de sa longue traversée du désert.

«Ma sœur a commencé à demander de l’aide autour de 19992000. Elle l’a vraiment eue à Sherbrooke en 2017. Durant ces 17 années, elle en a eu des diagnostics. Avant Sherbrooke, c’était continuellement des entrées et des sorties à l’hôpital de Granby où ils ont additionné les diagnostics et la médication sans jamais toucher le vrai problème. Alors qu’à -Sherbrooke, elle a été hospitalisée une fois et ils ont mis le doigt dessus!»

Debbie a soutenu sa sœur durant cette période rocambolesque et croyait la parole des spécialistes. Cependant, ce lien s’est brisé lors d’un événement en particulier.

«Je l’ai laissée à l’Hôpital de Granby en état de psychose, pensant qu’elle était en sécurité. Le lendemain, elle m’appelait. Elle avait eu son congé ! J’ai essayé d’appeler à l’hôpital. Les psychiatres avaient signé son départ et c’était ça. Je l’ai conduite à l’Hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine à Montréal. Elle ne savait même plus son nom! Pendant que je conduisais, elle a coupé le contact de la voiture en pleine autoroute» , raconte-t-elle.

Elle ne comprend pas comment un psychiatre a pu permettre à sa sœur de quitter l’hôpital.» Vous savez, je la connais. Je sais que Céline a ses torts. Mais à la base, c’est parce qu’ils l’ont laissée aller trop loin dans sa maladie. Je me suis dit que s’ils ne veulent pas s’en occuper ici, je vais la conduire à un endroit où ils la prendront en charge. À Granby la seule chose qu’ils faisaient, c’était de l’enfermer en isolement. Finalement, c’est à Sherbrooke qu’on a obtenu le bon diagnostic. Céline n’a pas été hospitalisée à nouveau depuis que le traitement qui vise à pallier les symptômes bipolaires lui a été octroyé», poursuit Debbie.

Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Estrie-CHUS a refusé de commenter le dossier. Il précise qu’une personne insatisfaite des soins reçus ou qui considèrent que ses droits ont été lésés peut entreprendre des recours.