Warden sens dessus dessous

Rien ne va plus à la municipalité de Warden. Plaintes en série au ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire (MAMROT), congédiement de la directrice générale, avis d’ébullition en cours depuis dix ans, un budget sous surveillance et des gestes du conseil municipal qui soulèvent des questions.

Depuis un an, pas moins d’une dizaine de plaintes ont été déposées au MAMROT par une poignée de citoyens de Warden. Ils dénoncent les pratiques de l’administration municipale et le manque de transparence de ses élus.

Erreurs dans la facturation des taxes, états financiers à huis clos, erreurs dans la traduction de documents bilingues, absence d’affichage pour une réunion extraordinaire, absence du discours du maire (…). Les reproches pleuvent sur l’administration du maire Philip Tétrault.

Le 19 décembre dernier, GranbyExpress.com a assisté à une réunion spéciale du conseil de Warden pour le dépôt de son budget 2013. Une séance pour laquelle «aucun avis public n’a été affiché ou envoyé, ni publié, pour informer les citoyens», dénonce le résident Serge Blanchard dans une plainte formulée au MAMROT.

Confronté à la situation lors de la période de questions, le maire Tétrault a alors répondu qu’il «y avait assez de monde à la dernière séance» où l’annonce d’une réunion pour le dépôt du budget a été annoncée. Vérification faite, il n’y avait effectivement aucun avis sur le babillard extérieur utilisé par la municipalité pour diffuser ses messages.

Autre récrimination des contribuables; le maire n’a jamais procédé au traditionnel «discours du maire». Une pratique pourtant prévue par l’article 474,1 de la Loi sur les cités et villes qui précise que l’énoncé doit être fait «au moins quatre semaines avant que le budget ne soit déposé».

Ce rapport doit traiter «des derniers états financiers, du dernier rapport du vérificateur externe […], des orientations générales du prochain budget et du prochain programme triennal d’immobilisations», lit-on dans le texte de loi.

Au sujet du budget, un autre citoyen, Sylvain Duceppe, dénonce que la municipalité utilise les revenus de la taxe foncière pour financer son réseau d’aqueduc et d’égouts. Une pratique qui fait en sorte que des citoyens, qui ne sont pas raccordés à ces services, se trouvent à les financer.

«Ce n’est pas la Ville qui paie pour mon puits, ni pour l’entretien de ma fosse septique», plaide M. Duceppe. À quoi répond le maire Philip Tétrault que pour lui, «c’est comme le déneigement des rues». Une comparaison qui tient difficilement la route, alors que tous ont accès aux rues, mais pas nécessairement à l’eau. «Reste que les infrastructures appartiennent à la municipalité», insiste-t-il.

Tous les problèmes de préparation budgétaire, de tenue de livres et d’états financiers devraient se régler au cours des prochains mois, alors que Québec a décidé d’intervenir. Des représentants du MAMROT vont prêter main-forte à l’administration municipale de Warden pour mettre de l’ordre dans ses affaires.

Les élus n’ont d’ailleurs pas attendu l’intervention ministérielle pour réagir, alors qu’ils ont congédié la directrice générale Jacqueline Giroux en poste depuis 13 ans. Certains sont même allés jusqu’à remettre en doute ses compétences. GranbyExpress.com a tenté, sans succès, de joindre Mme Giroux.

Afin d’améliorer sa gestion, la municipalité a aussi fait l’acquisition d’un nouveau système informatique. «Un geste qui aurait dû être posé il y a dix ans», croit le maire Tétrault élu en 2009.

 

 

Dix ans sans eau potable

Comme si le conseil n’en avait pas déjà plein les bras avec l’administration des finances, le dossier de l’eau potable demeure une épine au pied. Deux puits municipaux qui desservent une importante portion de la population sont sous le coup d’un avis d’ébullition. L’un depuis près de dix ans et l’autre depuis plus de cinq ans.

Après plusieurs vaines tentatives pour trouver une source exploitable, la municipalité a finalement pu creuser deux nouveaux puits, mais ceux-ci ne sont toujours pas reliés au réseau d’aqueduc. «On espère pouvoir sortir la pelle cet été», soutient aujourd’hui Philip Tétrault tout aussi exaspéré de la situation.

Warden est présentement en attente des autorisations de Québec. Par la suite, des plans et devis vont devoir être réalisés par une firme d’ingénierie que l’on identifie comme étant le cabinet SM.

En attendant, la municipalité doit continuer d’émettre des avis publics d’ébullition de l’eau de façon régulière. Une directive qui ne serait pas suivie à la lettre selon le critique Sylvain Duceppe qui en a fait l’objet d’une autre plainte au MAMROT.

 

 

Transparence douteuse

Au-delà de la gestion financière, ce qui cause le plus d’insatisfaction auprès des plaignants de Warden, c’est la transparence douteuse, dont fait preuve le conseil municipal disent-ils. Par exemple, la municipalité refuse de dévoiler en séance publique ses états financiers annuels. Un document capital pour l’information des contribuables en ce qui concerne la gestion de leurs biens communs.

Sylvain Duceppe a déposé deux plaintes, en 2011 et 2012, parce que les élus ont présenté les états financiers à huis clos, sans en faire le dévoilement aux citoyens.

En entrevue, le maire Philip Tétrault rejette d’abord les critiques en assurant que son conseil «est transparent». Par contre, lorsque GranbyExpress.com a demandé copie des états financiers 2010 et 2011, il répond: «Je vais en parler avec le conseil municipal et on verra.» Avant d’ajouter que «ce n’est pas parce qu’on nous demande quelque chose qu’il faut le donner».

Le maire Tétrault s’est finalement ravisé et a fait savoir qu’il allait fournir les documents une fois que des corrections demandées par le MAMROT auront été apportées aux documents.

Au sujet des critiques sur le mode de gestion de son conseil, Philip Tétrault se défend en faisant le bilan de son parcours. «On va remettre notre dette en quatre ans. Quand on est arrivé en 2009, on était endetté à 150% de la valeur de notre budget. Toute proportion gardée, regardez la situation de Granby et celle de Warden et vous me direz laquelle est la meilleure», analyse le maire qui rappelle que Warden n’avait plus un cent en banque à son arrivée.