Cannabis: la Santé publique invite les villes à un minimum de tolérance

CONSOMMATION. La Direction de la santé publique de l’Estrie (DSP) estime que les municipalités font fausse route en interdisant la consommation de cannabis dans tous les lieux publics.

«Alors que des villes comme Sherbrooke, Magog, Granby et Bromont ont déjà opté pour le bannissement pur et simple, il m’apparaît important de rappeler notre position aux élus des 121 municipalités de l’Estrie», indique la directrice de la Santé publique de l’Estrie, Dre Mélissa Généreux.

Cette dernière estime que l’interdiction tout azimut va à l’encontre de l’esprit de la loi provinciale encadrant la légalisation du cannabis, car elle risque de placer certains citoyens en situation d’illégalité.

«Est-il besoin de rappeler que la légalisation vise notamment à contrer le phénomène de répression – un modèle qui n’a jamais été très concluant – et à déstigmatiser les consommateurs de cannabis. Il serait plus avantageux d’utiliser l’argent dédié à la surveillance des fumeurs de cannabis pour faire de la prévention», insiste-t-elle.

Dre Généreux va même jusqu’à se demander si certaines villes n’adopteraient pas une réglementation restrictive «dans le seul but de bien paraître» auprès des électeurs.

«On a parfois l’impression que c’est une question d’image», insiste-t-elle.

Trouver le juste équilibre

Mélissa Généreux soutient que l’usage du cannabis dans certains lieux publics devrait être permis au même titre que le tabac.

«Il faut faire confiance au bon sens et à la tolérance des gens. Si les fumeurs ont pris l’habitude de s’éloigner des non-fumeurs pour griller une cigarette, pourquoi les consommateurs de cannabis agiraient-ils différemment?», se demande-t-elle.

La directrice de la DSP ajoute qu’il ne faut pas confondre alcool et cannabis.

«Le cannabis n’a pas les mêmes effets psychotropes que l’alcool et a plutôt tendance à apaiser les gens (qui en consomment). La consommation de cannabis en public, c’est avant tout un enjeu de fumée secondaire (au même titre que le tabac)», explique-t-elle.

Deux catégories de consommateurs

Selon Dre Généreux, l’interdiction de consommer du cannabis dans les lieux publics force par ailleurs les consommateurs à fumer chez eux. Or, certains locataires pourraient s’exposer à des problèmes si leur bail stipule qu’il est interdit de consommer du cannabis dans leur logement. La situation est bien différente pour les propriétaires d’une maison privée qui sont rois et maîtres chez eux.

Au dire de Mélissa Généreux, la décision de certains élus municipaux de bannir le cannabis des lieux publics risque de pénaliser les jeunes de façon toute particulière, ces derniers étant moins souvent propriétaires que leurs aînés et ayant donc plus difficilement accès à un lieu légal pour fumer.

«Il faut également rappeler que les personnes qui consommeront à l’intérieur exposeront leur entourage à la fumée secondaire», ajoute Dre Généreux.

Cette dernière estime enfin que le cannabis devrait être accessible dès l’âge de 18 ans, au même titre que le tabac et l’alcool, et ce par simple souci de cohérence.

«Le gouvernement du Québec viendrait mêler les cartes en décidant de restreindre l’accès du cannabis aux personnes de 21 ans et plus», soutient-elle.