De rats de bibliothèque à superhéros des livres
LITTÉRATURE. En septembre, la personnalité du mois du GranbyExpress n’est pas dédiée à une seule personne, mais bien à un groupe de quatre personnes: l’Escouade des bibliothécaires de la Commission scolaire du Val-des-Cerfs (CSVDC).
Amélie Roy, Marc Campeau, Olivier Ménard et Gilbert Séguin forment l’Escouade des bibliothécaires de la CSVDC. Ils sont également connus sous l’acronyme les superhéros des livres. Ils se promènent de classe en classe afin de promouvoir la lecture et de la rendre attrayante et plaisante.
Les bibliothécaires sont méconnus du grand public, mais ils sont des vedettes aux yeux des enfants qui fréquentent les écoles primaires de la CSVDC. «On se fait reconnaitre par les enfants à l’épicerie. Ils disent à leurs parents, regarde papa, regarde maman, c’est un superhéros des livres», lance Marc Campeau.
Selon ce dernier, l’Escouade des bibliothécaires est un modèle unique dans le réseau de l’éducation de la province. Elle est née en 2012 dans le but de briser l’image qui colle aux bibliothécaires, soit celle qui se résume à une personne austère qui range des livres. «Quand on arrive dans une école et qu’on dit qu’on est bibliothécaire, les jeunes sont surpris parce qu’ils associent ça à un travail de fille. Ils pensent même que le nom bibliothécaire ne s’applique qu’aux femmes alors quand ils nous voient arriver, deux gars dans la classe, ils sont surpris et sont déstabilisés. Après ils voient qu’on essaie d’être des modèles pour les jeunes garçons et pour les filles aussi», explique Olivier Ménard, bibliothécaire depuis plus de six ans.
Les superhéros des livres font, entre autres, de l’animation dans les écoles. «On se permet beaucoup de liberté, de fantaisie et de ludique, soulignent Marc Campeau et Olivier Ménard. C’est notre façon de faire développer un rapport positif à la lecture. Il y a de bons lecteurs dans les classes et, pour eux, on n’a qu’à les alimenter et à leur suggérer de bonnes lectures. Notre mission en tant qu’escouade, c’est de frapper fort surtout auprès des non-lecteurs et des lecteurs récalcitrants.»
Experts en littérature jeunesse, les membres de l’Escouade accompagnent également les enseignants dans le choix des livres et améliorent l’aménagement des bibliothèques. La prochaine sur leur liste est Notre-Dame-de-Lourdes à Saint-Armand, une école primaire regroupant une quarantaine d’élèves.
Révélateurs
Quelques indices leur laissent croire que la promotion de la lecture porte ses fruits. «On remarque un certain engouement quand on arrive dans une école, les élèves nous reconnaissent. Il y a aussi des enseignants qui décident de plonger et de travailler avec la littérature jeunesse plutôt qu’avec des manuels scolaires.
Pour nous, ce sont des signes qui sont assez révélateurs», soulève Olivier Ménard.
Amélie Roy pense que l’impact de l’Escouade se manifestera avec le temps. «Il y a des résultats qu’on ne verra pas de nous-mêmes, mais qui dans le futur, vont faire une différence. Lorsque certains arriveront à l’Université, ils vont avoir le réflexe d’aller vers la bibliothèque pour faire des travaux et d’aller vers le bibliothécaire pour lui poser des questions et le voir comme une personne qui peut aider. C’est un réflexe que peu d’étudiants ont et que même moi je n’avais pas», laisse-t-elle savoir.
Le vétéran de l’escouade, Gilbert Séguin, pousse sa réflexion en affirmant que la lecture développe la pensée critique. «Quand on lit, ça nous fait voyager, ça nous relaxe, et ça nous fait percevoir la vie d’une façon différente […] Par le livre, on rouvre des horizons alors les gens vont être moins obtus. Ils vont être plus au courant, plus informés et donc ils vont être moins bornés. Mais ça, ça se fait sur des années et des années.»
Amélie Roy
Depuis quand êtes-vous bibliothécaire pour la CSVDC?
Depuis mai 2016.
Pourquoi pratiquez-vous ce métier?
Parce que je suis une personne qui est naturellement très curieuse. Je trouve très stimulant d’apprendre à tous les jours en découvrant tout plein de nouvelles ressources. J’aime beaucoup la littérature jeunesse en particulier puisque c’est une littérature très colorée et créative qui aide à voir le monde d’une autre façon. Je trouve aussi très important de contribuer à faire en sorte que les jeunes considèrent la lecture comme une activité plaisante et essentielle.
Qu’aimez-vous de ce métier?
J’aime tout particulièrement les tâches qui sont en lien avec la recherche et l’organisation d’information. J’aime découvrir des nouveautés en littérature jeunesse et contribuer aux achats pour les écoles. J’aime également élaborer des activités d’animation qui sont ludiques et plaisantes pour les enfants.
Y’a-t-il un tabou qu’il faut briser à propos du métier de bibliothécaire ?
Je pense qu’il faut briser l’idée que les bibliothécaires sont difficiles d’approche. Dans l’imaginaire collectif, le bibliothécaire est souvent représenté comme une personne austère, hautaine et sévère. C’est toutefois tout le contraire que l’on peut observer dans la réalité. Les bibliothécaires de la Commission scolaire du Val-des-Cerfs, tout particulièrement, sont très accessibles et ouverts d’esprit. Ils ne portent aucun de jugement sur les goûts en matière de lecture des élèves et des enseignants qu’ils rencontrent et ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour que les utilisateurs de leur commission scolaire aient envie de bénéficier de leurs services.
Y’a-t-il un service que vous offrez et que les gens ignorent ?
Nous faisons beaucoup d’animations ludiques dans les classes, ce qui est un aspect un peu méconnu du métier de bibliothécaire scolaire. Le but de ces animations est de promouvoir la lecture chez les élèves en leur faisant découvrir des collections ou des genres littéraires qui sont susceptibles d’évoquer leur intérêt.
Avez-vous une suggestion lecture?
Lili-Rouge et le gros méchant lion d’Alex T. Smith, paru aux éditions Scholastic en 2015. Il s’agit d’une version réinventée du petit chaperon rouge.
Gilbert Séguin
Depuis quand êtes-vous bibliothécaire pour la CSVDC?
Depuis 30 ans.
Pourquoi pratiquez-vous ce métier?
Pour faire valoir l’importance de la lecture. La lecture rend les gens moins obtus et les aide à séparer le bon grain de l’ivraie, à condition de bien choisir ses sources d’information. Il y a tellement de choix à faire de nos jours.
Qu’aimez-vous de ce métier?
Aider les utilisateurs à trouver de bonnes sources de renseignement ou les livres qui leur permettront de quitter pour quelques heures leurs obligations.
Y’a-t-il un tabou qu’il faut briser à propos du métier de bibliothécaire ?
Comme bien des métiers non connus, les gens s’imaginent que les bibliothécaires ne font qu’acheter et ranger des livres dans des rayons. C’est beaucoup plus que ces deux fonctions.
Y’a-t-il un service que vous offrez et que les gens ignorent ?
L’évaluation des collections pour chaque école et à la suite de ce portrait, achetez en fonction des forces et des faiblesses de leur fonds.
Avez-vous une suggestion lecture?
Tête-à-tête chez Milan. Il s’agit d’un livre pour faire réfléchir les élèves de 3ième cycle. Et les adultes!
Marc Campeau
Depuis quand êtes-vous bibliothécaire pour la CSVDC?
Je suis bibliothécaire scolaire et superhéros des livres depuis 4 ans.
Pourquoi pratiquez-vous ce métier?
Car c’est tout simplement le meilleur métier au monde! Parce que ce métier me permet de rencontrer un million de personnes (enseignants, directions d’école, conseillers pédagogiques, conseillères à l’éducation, animateurs de vie spirituelle et communautaire, orthopédagogues, psychologues, éducateurs spécialisés, et surtout… Des élèves) et de partager ma passion pour la lecture. En tant que superhéros des livres, nous travaillons en équipe avec tous ces intervenants pour combattre le décrochage scolaire, l’analphabétisme et pour développer chez les élèves l’habitude de lire pour la vie.
Qu’aimez-vous de ce métier?
Étant moi-même un lecteur récalcitrant lorsque j’étais jeune, je vais à la rencontre d’élèves qui n’aiment pas beaucoup lire (ou pas du tout) et je leur partage ma passion pour certains livres super cool. J’aime beaucoup discuter avec les garçons à propos de mes dernières lectures et du rendement des Canadiens de Montréal!! Ouais, je peux toujours leur suggérer par la bande (!) des romans, des bandes dessinées ou des livres documentaires sur le hockey! De plus, j’aime beaucoup collaborer avec les enseignants et des directions d’école pour développer des projets pédagogiques stimulants qui donnent une grande place aux livres et à la lecture, tant au primaire qu’au secondaire. C’est fou de voir à quel point il y a des enseignants et des directions d’école dynamiques, innovateurs, créatifs qui et c’est très stimulant de travailler avec ces personnes extraordinaires. Et j’avoue que j’aime bien lorsqu’Olivier prépare et me donne quelques-uns de ses biscuits aux pépites de chocolat (rire!). Par ailleurs, nous sommes choyés à la commission scolaire d’avoir des patrons aussi extraordinaires, Carl Morissette, Directeur des services éducatifs et Alain Tardif, Directeur adjoint au service de l’enseignement qui nous appuient dans toutes nos missions.
Y’a-t-il un tabou qu’il faut briser à propos du métier de bibliothécaire ?
Ah des milliers de tabous!
Pour porter le titre de bibliothécaire, il suffit de travailler dans une bibliothèque : FAUX
Il faut compléter obligatoirement une Maîtrise en sciences de l’information (M.S.I.) de l’Université de Montréal pour avoir l’appellation de bibliothécaire.
Le bibliothécaire effectue le prêt et le retour des documents : FAUX
Bien non, ce sont les bénévoles, les commis ou les enseignants qui effectuent cette tâche dans les bibliothèques primaires. De notre côté, l’Escouade des bibliothécaires participe à la gestion des bibliothèques scolaires; achète également des livres pour toutes les bibliothèques primaires de la commission scolaire; soutient les enseignants (et autres intervenants) dans l’élaboration de projets pédagogiques,
Le bibliothécaire ne travaille qu’avec des livres : FAUX
Avec la démocratisation de l’information, le livre garde toujours une grande place, mais il ne faut pas oublier les livres audio, le matériel didactique, les revues, le matériel pour la francisation, les DVD, les bases de données, les sites Web (qui ne connaît pas Wikipédia?), les jeux de société, les jeux vidéo (bien oui, la plupart des bibliothèques municipales prêtent des jeux vidéo maintenant!)
Le bibliothécaire a comme tâche de replacer les livres sur les rayons : MÊME PAS.
Ce sont les bénévoles.
Le bibliothécaire scolaire travaille toujours dans son bureau : FAUX
Nous sommes présents dans les écoles et nous allons rencontrer directement les élèves dans les classes (ou à la bibliothèque). Nous n’attendons pas passivement que les élèves viennent à la bibliothèque. Nous sommes de la nouvelle génération de bibliothécaire «hors des murs» de la bibliothèque.
Y’a-t-il un service que vous offrez et que les gens ignorent ?
Un service? Plutôt des services!!! En tant que bibliothécaires, nous sommes des spécialistes en recherche d’information. Nous avons des yeux bioniques pour repérer des ressources (livre, chanson, statistique, poème, DVD, vidéo YouTube, matériel didactique, ressources numériques, etc.) et nous aimons enseigner aux élèves comment chercher sur le Web, tout en développant leur esprit critique.
Nous sommes des spécialistes en aménagement des espaces dans les bibliothèques, bref nous sommes doués en home staging! Ouais, nous devrions même avoir notre émission à Canal Vie.
Avez-vous une suggestion lecture?
Je viens de terminer le fantastique livre de Adam Frost, Un livre génial sur mon corps génial. J’ai appris des trucs vraiment inusités comme il y a beaucoup plus de germes sur une télécommande de télévision (2635 bactéries/cm3) et sur une souris d’ordinateur (12 400 bactéries/cm3) que sur une cuvette de toilette (seulement 186 bactéries/cm3)!!! Saviez-vous qu’un Japonais a gravi l’Everest à 80 ans? Saviez-vous que les larmes et la salive sont composées des mêmes éléments? Enfin, saviez-vous que les oreilles et le nez continuent de grandir tout au fil de la vie? Si vous désirez en apprendre davantage, n’hésitez pas à plonger dans ce livre!
Olivier Ménard
Depuis quand êtes-vous bibliothécaire pour la CSVDC?
Depuis janvier 2010.
Pourquoi pratiquez-vous ce métier?
J’ai eu la chance de croiser une bibliothécaire passionnée pendant mes études universitaires. Depuis cette rencontre significative, l’idée de devenir bibliothécaire s’est imposée rapidement parce qu’elle correspondait en tous points à ce que je recherchais comme emploi (et à ce que je sentais que j’avais comme potentiel) : un travail qui exige de la créativité (pour faire plus de projets extraordinaires avec [presque] rien!), de la polyvalence (nous sommes de véritables touche-à-tout), du dynamisme (pour montrer pourquoi nous sommes essentiels à la réussite des élèves) et de la passion (pour inspirer même les plus récalcitrants à faire de la lecture une habitude pour la vie). J’aime aussi le sentiment exaltant des yeux des élèves (et des enseignants) qui s’illuminent grâce à la magie de la lecture… ça donne la force de continuer à se battre pour défendre cette noble cause!
Qu’aimez-vous de ce métier?
Chaque journée est remplie de défis, c’est donc très stimulant! J’aime l’idée de pouvoir faire une différence dans la vie des élèves de la CSVDC en essayant (bien modestement) de leur insuffler ma passion de la littérature jeunesse, grâce à des animations ludiques et originales en classe. J’apprécie aussi le fait de pouvoir exercer mon rôle d’agent de changement et de médiateur culturel auprès d’une foule d’intervenants (enseignants, professionnels, directeurs, concierges, secrétaires, etc.) du milieu de l’éducation qui ont aussi à cœur la réussite des élèves, qui incarnent l’avenir de la société. Je suis aussi reconnaissant envers nos patrons qui nous laissent une très grande liberté pour atteindre nos objectifs. Nous n’avons pas peur d’oser en imaginant des projets audacieux pour relever les défis auxquels nous faisons face, sans nécessairement se prendre au sérieux. L’Escouade des bibliothécaires a d’ailleurs fait de l’humour une de ses marques de commerce pour donner le goût de lire! Ah oui, j’aime aussi le fait de pouvoir lire des bandes dessinées au travail quand j’en ai envie (rires!).Pourquoi j’aime ce métier finalement? C’est simple : je suis un « superhéros » des livres et j’aime assumer les responsabilités qui se rattachent à ce titre!
Y’a-t-il un tabou qu’il faut briser à propos du métier de bibliothécaire ?
Les clichés relatifs aux bibliothécaires sont tellement nombreux. D’abord, des gars bibliothécaires, ça existe. C’est surprenant comme affirmation, mais les élèves ricanent toujours lorsque nous nommons notre métier pour la première fois (c’est peut-être parce que Marc le prononce tout croche une fois sur deux aussi!). Ils pensent à tort que seules les filles peuvent exercer cette profession. L’Escouade de la CSVDC est pourtant une belle preuve du contraire (rires!).
Un autre truc que je souhaiterais démystifier : pour devenir bibliothécaire, il faut obtenir un diplôme de maîtrise en sciences de l’information. On ne s’improvise donc pas bibliothécaire du jour au lendemain. Nous sommes formés à l’université pour assurer la gestion, le développement, la promotion et l’animation des bibliothèques, et non pour replacer les livres sur les rayons (un autre stéréotype persistant sur les bibliothécaires!).
Y’a-t-il un service que vous offrez et que les gens ignorent ?
Les animations dans les classes est probablement l’aspect qui surprend le plus les gens quand je leur mentionne mon métier (ils s’attendent à me voir replacer des livres sur des rayons poussiéreux, évidemment!). Les bibliothécaires, pour devenir des vecteurs efficaces de la réussite éducative, n’ont d’autres choix que d’exercer leur pouvoir d’influence directement sur le terrain, auprès des élèves et des enseignants. En ce sens, nous incarnons littéralement des modèles positifs de lecteurs (et masculins par surcroît, jusqu’à l’arrivée d’Amélie) pour les jeunes afin qu’ils associent lecture à une expérience enrichissante, stimulante et cool (rires!). Lorsque l’Escouade des bibliothécaires débarque dans une école, tout le monde sait que le plaisir sera au rendez-vous!
Avez-vous une suggestion lecture?
Tout sur tout chez Bayard Jeunesse. Voici un documentaire qui saura plaire aux lecteurs (gars et filles) récalcitrants du primaire (et aux adultes aussi) grâce à une mise en page dynamique et à de très courts paragraphes. Une note particulière sur la couverture donne aussi le ton à un ouvrage qui ne se prend pas trop au sérieux: «L’encyclopédie sur tout, 448 chiffres, 1625 anecdotes, 118 animaux, une chaise longue et zéro cornichon». Ce livre est à la fois instructif et désopilant. Il permet notamment d’apprendre des trucs aussi étranges que divertissants, comme ce qu’est un borborygme (le drôle de bruit que fait parfois l’estomac), que collectionne un cucullaphile (des cagoules) ou que signifie le mot callipyge (pour trouver la réponse, il faut consulter la page 118 de ce livre. Au final, il s’agit d’un documentaire parfait pour les petits curieux qui souhaitent faire étalage d’une culture générale spécialement bizarre auprès de leur entourage!