Granby accusée de favoritisme par un fournisseur

Un fournisseur de logiciels informatiques accuse la Ville de Granby de vouloir délibérément l’écarter au profit d’un compétiteur. SMI informatique, qui fait affaire avec la municipalité depuis 11 ans, prétend que celle-ci a tenu un appel d’offres dirigé qui entraînerait une dépense frisant le million de dollars.

D’après le devis déposé par la municipalité et décortiqué par le président de SMI, Jean Lemay, de nombreux points feraient en sorte de disqualifier toutes les firmes, à l’exception de PG Solutions inc.

«C’est clair que je ne peux pas soumissionner, le devis est ciblé pour un fournisseur», martèle M. Lemay. D’abord, l’entrepreneur dénonce l’obligation de déposer une garantie de 100 000$ pour assurer la réalisation du contrat, alors que son logiciel est déjà implanté à la Ville de Granby et qu’il ne peut donc pas exiger à nouveau le paiement d’une licence.

Ensuite, une clause de l’appel d’offres consulté par GranbyExpress.com précise que «le logiciel (…) doit avoir été utilisé par un minimum de trois organismes responsables de l’évaluation municipale de plus de 15 000 unités d’évaluation dans le cadre d’un dépôt de rôle en version modernisée».

Or, il se trouve qu’une seule firme peut répondre à ce critère – et ce n’est pas SMI – car le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire (MAMROT) ne s’attend pas à recevoir de rôles en version modernisée avant 2015.

«Ce n’est pas une course! On travaille étroitement avec le MAMROT et on trouve encore des erreurs et des failles dans la modernisation. On ne peut pas déposer des rôles comme ça, les résultats ne sont pas bons!», s’enflamme celui qui dit desservir 50% des municipalités du Québec.

Malgré tout, Jean Lemay révèle que la Ville de Granby dispose déjà des outils pour produire elle-même des rôles modernisés. Un communiqué a été envoyé par SMI en date du 24 mai, invitant ses clients à prendre rendez-vous dès le lendemain du Congrès de l’Association des évaluateurs municipaux du Québec (30 mai au 1er juin).

Aucun représentant de la Ville de Granby ne s’est présenté au congrès et personne n’a fait de suivi auprès de SMI pour amorcer l’installation des applications modernisées, prétend le fournisseur.

Résultat prévisible

Mardi après-midi (27 août), tel que prédit par Jean Lemay, une seule proposition avait été déposée à l’ouverture des soumissions. PG Solutions inc., a offert l’installation de son logiciel, ainsi qu’un service d’entretien pour une période de cinq ans au prix de 946 646,67$.

De l’autre côté, le service actuel fourni par SMI Informatique depuis 11 ans coûte 25 000$ par année aux contribuables. «La soumission est sortie à 500 000$ pour le logiciel, c’est ce qu’on avait prévu, et 75 000$ par année pour l’entretien», précise le directeur général Michel Pinault qui reconnaît que la dépense totale avoisine le million de dollars.

Interrogé sur les raisons qui ont poussé la municipalité à vouloir procéder à un changement de fournisseur, le DG préfère réserver ses commentaires. «À ce stade-ci, on ne fera pas de déclaration. On veut aller en plénière avec le conseil. On ne donnera pas de contrat mardi (3 septembre)», a-t-il répondu.

Au cours des derniers jours, le président de SMI Informatique s’est démené pour faire connaître sa version des faits. Et il semble qu’il ait attiré l’attention de la direction. «Monsieur Lemay nous a inondés de courriels et d’information, je veux regarder tout ça avant de faire rapport au conseil pour l’adjudication», a confirmé Michel Pinault.

Manque de formation?

Selon le fondateur de SMI informatique, son entreprise n’a jamais reçu d’ultimatum ou de commentaires de la part de la Ville de Granby indiquant que son logiciel ou son service n’étaient pas adéquats. «J’aurais été le premier content d’aller m’asseoir avec la Ville de Granby et de savoir ce qu’on pouvait faire. Au lieu de ça, on a eu juste une lettre et aucun contact avec la Ville», mentionne M. Lemay.

La lettre en question, dont GranbyExpress.com a obtenu copie, a été expédiée par la directrice de l’Évaluation, Chantal Leduc, le 11 février dernier. Elle y énumère des «problèmes de programmation», des «corruptions de banque de données» et des délais dans «la modernisation (des) fiches».

À cette lettre, SMI a fourni une réponse de huit pages deux semaines plus tard. Dans la missive signée par Jean Lemay, il admet avoir connu des problèmes avec son «éditeur d’outil de développement», mais que tout avait déjà été réglé au moment de recevoir la lettre.

Toutefois, il attribue les «problèmes de programmation» énumérés par Mme Leduc à un manque de formation sur le logiciel. «La Ville de Granby utilise nos applications depuis 10 ans déjà. À ma connaissance, c’est la première fois que le dépôt du rôle vous a causé des problèmes», écrit le président de SMI.

Il en vient finalement à la conclusion que les départs de deux employés de longue date à la Ville et l’arrivée récente de Mme Leduc ont fait en sorte que les nouvelles personnes en place manqueraient d’expérience sur le logiciel. GranbyExpress.com n’a pas pu joindre Chantal Leduc qui se trouvait en vacances.

«Si je peux me permettre, une mise à jour de vos connaissances sur l’application serait peut-être une solution à envisager», suggère-t-il dans sa réponse.

Système performant

L’ex-directeur du service d’évaluation à la Ville de Granby, Jean-Marc Couture, est lui aussi étonné de la démarche pour changer de système. «Je n’ai jamais pensé aller ailleurs parce que j’étais satisfait. Je trouvais le système performant», assure celui qui a travaillé plusieurs années avec le logiciel de SMI.

Celui-ci a même accepté de rédiger une lettre de recommandation à l’entreprise. «J’ai produit des rôles d’évaluation ainsi que des mises à jour à la ville de Granby avec votre système. Ayant ainsi travaillé avec vos applications il me fut possible d’en estimer les performances», écrit-il.

Plus loin, Jean-Marc Couture ajoute que «la facilité d’accès à la base de données ainsi que son exploitation (…) permettaient à mon équipe d’exploiter à l’infini cette base de données».

Au sujet de la modernisation des méthodes d’évaluation municipale exigée par le MAMROT, M. Couture affirme qu’il commence à être pressant. Il ajoute par contre que «toutes les firmes ont des changements à faire».