La Montérégie en manque de relève agricole?

AGRICULTURE. La grande région alimentaire du Québec est en manque de relève selon des données du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ). Respectivement, 31% et 37% des exploitations agricoles de la Haute-Yamaska et de Brome-Missisquoi n’ont toujours pas de relève. Qui se chargera de remplir le garde-manger du Québec dans les prochaines années?

Conscients de cette problématique qui perdure depuis plus d’une décennie, les acteurs du milieu tentent tant bien que mal d’en finir avec ce casse-tête. «Il y a une présence. Une grande volonté des gens du milieu agricole. Ils tentent de contrer ce manque, mais c’est loin d’être parfait», souligne Raphaël Beauchemin, président de l’Association de la relève agricole de Saint-Hyacinthe.

Ce dernier rencontre régulièrement des jeunes issus du milieu agricole afin de trouver des solutions. «Puisqu’il n’y a pas assez de personnes extérieures qui sont intéressées à l’agriculture, on se demande souvent où s’en va la relève et comment on va faire pour l’assurer?», poursuit-il.

Des solutions pointent le bout de leur nez

Lorsqu’on note les actions entreprises de différents acteurs du milieu agricole, l’effort collectif est notable. Des agriculteurs baissent le prix de vente de leur entreprise pour assurer une relève, parfois même on parle de dons et de cadeaux. Des organismes comme Banque de terres voient le jour et la location de terres se fait connaitre.

De plus, la relève de la région ne manque pas de dynamisme et d’ingéniosité. En effet, depuis quelques années, les petits fruits émergents comme le sureau et l’argousier font leur place dans le garde-manger du Québec. Sans parler des petites fermes et des jardins voués à de l’alimentation locale qui se rajoutent à l’offre agrotouristique.

Déjà bien établis en Montérégie, les gros joueurs comme les vignobles, les vergers et les fermes agrotouristiques hissent la région au sommet des endroits les plus visités par les touristes.  

De quoi faire vivre quelque temps l’industrie.

Malgré ces nouveaux joueurs dans le monde agricole, Raphaël Beauchemin estime que ce n’est pas suffisant. «Ce sont de belles initiatives, mais insuffisantes quand on parle de production».

Une question d’image

Selon l’Institut de la statistique du Québec, la Montérégie aura la plus forte augmentation en termes de population d’ici 2031. Or, le calcul est simple. Pour nourrir plus de bouches, il faut produire davantage.

Et le président de l’Association de la relève agricole de Saint-Hyacinthe croit que les Québécois ne sont pas prêts à accueillir des exploitations agricoles de masse et imiter, du coup, nos voisins du Sud.

«À petit prix»

Chanceux: c’est ainsi que se décrit Bruno Beauregard qui léguera au courant de l’année sa ferme laitière à sa fille.

«Ça fait 34 ans que je travaille sur la ferme, 365 jours par année, 24h sur 24h. L’heure de la retraite a sonné et je suis très chanceux, que ma fille Jessie prenne la relève. Ce n’est pas tout le monde qui a cette chance», confie M. Beauregard.   

C’est à petit prix qu’il remettra les clés de son domaine de plus de 400 acres. «Sinon elle n’aurait pas les moyens de l’acheter», précise le producteur. «On (les parents) n’a pas le choix, sinon on laisserait la relève sans le sou au prix que coûtent maintenant les entreprises agricoles.»

Les Beauregard savent que le métier d’agriculteur peut faire peur considérant l’implication que ça exige. «Mais c’est aussi ça le défi. De ne pas faire fuir la relève», dit Bruno Beauregard alors que, de son côté, Jessie remercie son père de lui avoir partagé sa passion.

«Il est toujours revenu fier et souriant de la ferme. Ça m’encourage.»

 Banque de terres en bref

À la rescousse

De son côté, la MRC de Brome-Missisquoi a réalisé un sondage en 2011 auprès des propriétaires de terres agricoles et elle a constaté un urgent besoin de relève. Ainsi, Banque de Terres a vu le jour afin de maintenir le dynamisme agricole de la région et faciliter l’accès aux fermes.

Mission de jumelage

Pour y arriver, l’organisme jumèle des agriculteurs en quête de relève et de futurs producteurs en quête d’entreprises agricoles. La coordonnatrice de Brome-Missisquoi, Leslie Carbonneau, constate une augmentation de relève non apparentée, soit une relève qui n’est pas assurée par un membre de la famille. Mouvement également observé par le président de l’Association de la relève agricole de Saint-Hyacinthe.

Qui sont les demandeurs?

Chez Banque de terres, quatre profils de demandeurs reviennent affirme Leslie Carbonneau. «D’abord, il y a notre clientèle cible, soit la relève apparentée et la relève non apparentée. Ensuite, il y a des projets de 2e carrière, des entreprises en démarrage qui souhaitent augmenter leur production, ainsi que des immigrants qui pratiquaient l’agriculture dans leur pays d’origine.»

Réalisations

Depuis le début du premier mandat en 2013, huit jumelages ont été conclus et Leslie Carbonneau assure que d’autres sont en négociation.