La vie après l’alcool au volant
«C’est bien plate. C’est un acte criminel, mais on prend des risques.» Chaque année, plus de 300 conducteurs sont arrêtés dans la région et accusés de conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool. En plus de se voir accuser au criminel, ces automobilistes voient leur vie changer: suspension du permis de conduire, saisie du véhicule, frais juridiques et surtout, le regard des autres. Deux d’entre eux ont accepté de se confier à GranbyExpress.com. Récit d’un dur lendemain de veille.
«J’ai honte de ça», lance Georges, un quinquagénaire de Brome-Missisquoi, qui a requis l’anonymat. L’homme a été arrêté pour conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool le 15 novembre 2012 au terme d’une perte de contrôle.
«Jamais je ne conduisais quand j’avais bu. Je prenais un taxi ou je donnais mes clés. J’étais très conscient des risques. Je le savais que ça pouvait arriver», indique Georges.
Mais l’exception confirme la règle. En cette soirée de novembre 2012, il a pris le volant alors qu’il était sous l’effet de l’alcool et a percuté un garde-fou. «Les deux ballons m’ont ouvert dans le visage. Ça a brisé mes lunettes. J’ai eu une perte de conscience», raconte Georges.
«Quand j’ai réalisé ce qui s’était produit, j’étais fâché après moi. Je m’en veux», dit-il. Ce qui le hante le plus? «C’est qu’il y avait deux personnes qui marchaient sur le trottoir. Je ne les ai pas frappées… Mais imagine, tu te réveilles au poste et t’as tué du monde. C’est rough. Quand tu tues quelqu’un, tu scrappes une vie et ta vie.»
Cette frustration contre lui-même, la conjointe de Georges l’a rapidement ressenti lorsqu’elle a reçu un coup de fil de sa part. «Quand il m’a appelé du poste de police, il était enragé. Et j’étais fâchée parce qu’il ne conduisait pas lorsqu’il était en boisson», confie la femme qui partage sa vie. Seul point positif? «Il n’a pas frappé personne et lui, il était correct», ajoute la dame.
Mais depuis ces événements, Georges et sa conjointe vivent difficilement avec cette situation. «On a honte tous les deux de ça. On ne s’en vante pas. Notre famille ne le sait pas. On cache ça», indique Georges.
À l’aube de voir un antidémarreur éthylométrique être installé dans sa voiture, il se demande bien comment il va dissimuler cet objet mal vu…
Une récidive
Arrêté pour alcool au volant au début des années 2000, Pierre (nom fictif), qui demeure aussi dans Brome-Missisquoi, a dû refaire face à la justice en 2012. «La première fois, j’avais 21 ans. Je dépassais la limite de 0,01. Je ne l’avais pas dit à mes parents et j’ai plaidé coupable», raconte l’homme qui a maintenant 35 ans.
«La deuxième fois, j’ai décidé de prendre un risque et j’ai pris le volant. C’est ben plate. C’est un acte criminel, mais on prend des risques pareil», lance-t-il. En mars 2012, Pierre a été intercepté par les policiers alors qu’il ne roulait pas «assez vite». «Je roulais 40 dans une zone de 50 km/h», se souvient-il. «Quand j’ai été intercepté. J’avais des doutes…» Les résultats de l’appareil de détection approuvé et l’alcootest utilisés par les policiers ont amené Pierre une seconde fois devant le juge où il a une fois de plus plaidé coupable.
Tout comme Georges, Pierre vit difficilement avec ce crime. «C’est humiliant. C’est rendu que c’est mal vu. Maintenant, c’est moi qui joue à la police avec mes amis. Je leur demande s’ils sont sûrs qu’ils ne pètent pas la balloune. S’ils croient que c’est borderline, c’est non.»
Au terme de cette seconde arrestation, Pierre avoue avoir eu sa leçon. «C’est rendu de plus en plus sévère. On ne joue plus avec ça. C’est l’enfer», ajoute-t-il.
Durs lendemains
Accusations criminelles, suspension du permis de conduire, saisie et/ou remisage du véhicule, paiement de la fourrière, amende minimale de 1 000$, frais d’avocat, test de dépendance, session d’information ainsi que l’augmentation des frais d’immatriculation, des assurances et du coût du permis de conduire. Les conséquences relatives à une arrestation pour conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool sont multiples. En plus de la honte, les criminels doivent se plier à nombre d’exigences et de contraintes.
Pour éviter de trop faire monter la facture, Georges a décidé de plaider coupable. «Mon avocat m’a coûté 1 000$. Si j’avais plaidé non-coupable, ça aurait facilement monté à 7 000 ou 8 000$», estime-t-il. En outre, il s’est vu imposer une amende de 1 500$ et a dû défrayer entre 500 et 600$ pour les frais de fourrière, et ce, même si son véhicule était perte totale.
Dans le processus pour ravoir son permis de conduire, il a dû passer un test à l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec. Le coût? 300$. Prochainement, il devra suivre le programme Alcofrein, d’une durée de trois heures. La séance, qui se détaille à 150$, vise à sensibiliser les contrevenants et prévenir la récidive.
Sans permis de conduire et demeurant dans une région non desservie par le transport en commun, Georges a également dû louer un appartement dans la ville où il travaille afin de pouvoir conserver son emploi. Une option qui fait rapidement monter la facture. «Le loyer coûte 500$ par mois. Ça a coûté environ 1 000$ pour l’achat de meubles temporaires et c’est sans parler de la facture d’électricité et du câble», enchaîne Georges.
Pour réduire la durée de sa suspension de permis de conduire à six mois, Georges a accepté d’avoir, dans son véhicule, un antidémarreur éthylométrique durant neuf mois, mais cela a aussi un prix. «L’installation de la machine coûte 200$ plus les taxes et ça va me coûter 100$, plus taxes, par mois et 50$ à la fin. Tous les deux mois, je devrai aussi la faire calibrer et inspecter à mes frais.»
Dépendant des autres
Pierre, lui, a choisi de ne pas prendre l’antidémarreur et de perdre son permis de conduire durant un an. Il est donc à la «merci» de son entourage pour tous ses déplacements puisque la région n’est pas desservie par le transport en commun. Et il trouve ça difficile de déranger ses proches, mais se compte chanceux. «Je suis bien entouré. Je demeure proche de mon travail et je peux compter sur ma famille et mes amis. Mais si t’as pas ça, tu es dans la m…», poursuit-il.
«Je suis vraiment chanceux. Une chance que j’ai ma famille. Sinon, je n’aurais plus d’emploi. Les contraintes sont assez importantes, surtout en région. À Montréal, je crois qu’on peut bien se débrouiller seul, mais en région, je suis sûr qu’une personne peut tout perdre», croit Pierre.
Son calvaire se termine bientôt. Dans quelques mois, il pourra à nouveau conduire et jure qu’il fera attention. «Je ne prendrai plus de chance. C’est trop de problèmes», conclut Pierre.