L’aquamation: un procédé toujours aussi méconnu?
PROCÉDÉ. PROCÉDÉ. Malgré les services funéraires traditionnels toujours offerts au Complexe funéraire Le Sieur (crémation, exposition, funérailles, etc.), c’est plutôt le procédé d’aquamation qui suscite davantage de demandes. Étant le seul au Québec offrant ce service, Éric Le Sieur n’a d’autre choix que de se tourner vers de nouvelles machines pour répondre à la demande grandissante.
Lorsqu’il s’est lancé dans l’aquamation en 2015, le président du Complexe funéraire LeSieur, Éric Le Sieur, était considéré comme un «mouton noir» par l’industrie funéraire. Presque huit ans plus tard, ce dernier constate que son pari est réussi, vu la demande grandissante et l’intérêt envers ce procédé dit plus écologique que les traditionnels fours crématoires. Malgré tout, le président du complexe ne peut s’empêcher de noter également un certain enjeu de méconnaissance, que ce soit de la population ou des autorités en général.
Des bâtons dans les roues
En effet, comme mentionné, l’entreprise désire prendre de l’expansion en acquérant une nouvelle machine d’aquamation afin de répondre à la demande. Dans cette optique, Éric Le Sieur a sondé le marché pour voir les nouveautés et son choix s’est arrêté sur deux appareils.
Il s’est d’abord informé sur une machine d’aquamation à haute pression. Celle-ci disposerait d’un corps en six à huit heures, ce qui la rend plus avantageuse que l’outil actuel qui le fait en 12 heures. «Actuellement, on est en mesure de traiter deux cas par jour, mais en comptant le temps de préparation pour mettre le corps dans la machine et le temps consacré pour y sortir les restes, ça reste plutôt difficile pour nous d’en faire deux par jours en tout temps, ce qui décale les opérations», indique M. Le Sieur.
Alors que la machine d’aquamation à basse pression de M. Le Sieur dissout le corps dans de l’eau chauffée à 96 degrés Celsius, la nouvelle machine à haute pression atteint plutôt les 150 degrés, une température à laquelle l’eau utilisée est supposée bouillir largement. Cependant, dans les faits, vu que l’appareil est sur pression, l’atmosphère à l’intérieur de la machine ne permet pas à l’eau de bouillir. Une machine qui semble donc parfaite, mais qui en réalité est beaucoup plus sujette aux problèmes, notamment en ce qui a trait au refroidissement de l’eau et à sa durée courte durée de vie, d’après M. Le Sieur.
À ce moment, le regard d’Éric Le Sieur s’est tourné vers une machine d’aquamation de nouvelle génération, qui traiterait un cas en quatre heures, mais qui fonctionne par basse pression. Et c’est là toute la subtilité du problème, car au Québec, le gouvernement n’autorise que les machines d’aquamation à haute pression. «Je veux garder la basse pression, mais le gouvernement croit que si l’eau n’est pas assez chaude, ça ne tuera pas les maladies infectieuses. Et c’est là que le bât blesse, parce que l’hydrolyse alcaline détruit toutes les maladies. Ce n’est pas vrai qu’une machine à haute pression est meilleure qu’une à basse pression», a-t-il déclaré.
Un enjeu de méconnaissance
Pour le président du complexe funéraire, cette situation traduit parfaitement l’enjeu de méconnaissance avec lequel il doit composer au quotidien, que ce soit auprès de la population ou même des autorités. En effet, ces derniers expriment souvent des réticences quant aux eaux rejetées ou encore aux restes qu’on trouve après le procédé, comme en témoigne la visite reçue d’une docteure de la Santé publique il y a quelques années et qui craignait que les os humains (broyés) remis aux familles soient infectés.
«Je lui ai dit que c’était la même chose pour la crémation, mais elle m’a répondu que non parce que quand c’est brûlé, il ne reste pas d’os. La docteure de la Santé publique ne savait même pas qu’il restait des os dans un four crématoire et elle venait vérifier si moi j’avais des os», s’indigne M. Le Sieur, en expliquant que tout comme dans un four crématoire, les os des corps sont récupérés dans la machine d’aquamation et transformés en poussière à l’aide d’une broyeuse.
Pour ce qui est du rejet des eaux, M. Le Sieur confirme que l’eau est renvoyée dans l’écosystème en passant par l’usine de traitements des eaux usées, tout comme celle utilisée pour les embaumements. En effet, ce dernier précise que le procédé d’hydrolyse alcaline produit une solution aqueuse complètement stérile et qui contient des acides aminés, du sucre, des nutriments et du savon.
Quant à la réticence de certaines personnes, M. Le Sieur y va du cas par cas en s’assurant d’expliquer à sa clientèle tous les procédés de l’aquamation. «Il y a des gens, qui juste le fait qu’ils sachent que l’eau ne bout pas, ça change leur avis. Et pour moi, c’était l’une des raisons du pourquoi je me suis procuré la machine à basse pression au départ. Ça joue dans la psychologie des gens, mais il y en a qui préfèrent se faire brûler à 700 degrés», ironise-t-il.
«L’aquamation est un procédé pour disposer du corps et non une manière de mourir», conclut-il.