Le marché des bières de microbrasseries en ajustement
AFFAIRES. Dans le contexte actuel, les microbrasseries québécoises se retrouvent au cœur d’une période de ralentissement économique, confrontées à des changements significatifs qui affectent leur marché. Selon Karl Magnone, président des franchises Tite Frette, l’impact sur le panier moyen et la diminution de la consommation sont exacerbés par des facteurs tels que la réduction du pouvoir d’achat des Québécois et l’iniquité dans les lois régissant les producteurs d’alcool.
D’après M. Magnone, plusieurs facteurs contribuent à complexifier cette situation, notamment la diminution du pouvoir d’achat des Québécois, la recherche de produits plus économiques par le consommateur ainsi que la montée du marché sans alcool. Il mentionne également l’impact de la campagne d’Éduc’alcool, soulignant la conscientisation croissante autour des breuvages alcoolisés. «La préoccupation économique et les changements d’habitudes du consommateur font en sorte qu’on doit s’ajuster. Même les plus grosses entreprises ont dû s’adapter au fil du temps, certaines ont ajouté une section épicerie et d’autres ont enlevé leur section boissons au fil du temps», a expliqué le cofondateur de Tite Frette.
Comme de nombreuses entreprises dans le domaine, Tite -Frette a également connu des fermetures au cours des derniers mois, une réalité difficile à accepter. Cependant, Karl Magnone affirme avec résilience que dans l’économie, l’incertitude est omniprésente. «C’est sûr qu’on ne souhaite ça à personne. Quand on ouvre une business, on veut la faire durer dans le temps. Mais c’est ça l’économie, personne ne peut vraiment prédire ses aléas. Il n’y a pas grand-chose à dire à part qu’on se retrousse les manches et on travaille encore plus fort pour s’assurer que ça n’arrive plus», a-t-il souligné.
Pour ce qui est du comportement de la clientèle, Karl Magnone constate une réduction de la consommation d’alcool, mais note une préférence croissante pour la marque maison, regroupant des produits abordables et de qualité et suscitant un attachement particulier de la clientèle. «On note également que les clients sont moins aventureux. Dans le passé, un nouveau produit était toujours prisé, mais aujourd’hui on remarque que le client va plutôt se diriger vers une valeur sûre», a confié le cofondateur de Tite Frette.
Fusion à Granby
Pour le président des franchises Tite Frette, les microbrasseries doivent adopter plusieurs gestes pour espérer survivre dans ce contexte incertain, notamment la diversification des points de vente, la promotion dans des événements et le développement du volet local. M. Magnone relève sensiblement les mêmes points pour ce qui est de la survie des boutiques spécialisées, à l’image de Tite-Frette. «Pour qu’une boutique passe au travers, ça doit passer par un resserrement des dépenses, un développement de la clientèle, notamment par des événements, et finalement la diversification», a fait savoir le principal intéressé.
La décision de fusionner les boutiques Tite Frette de Granby s’inscrit dans cette logique de pragmatisme économique. Choisir la boutique la plus fréquentée et à fort potentiel permettra d’optimiser les coûts et de mieux répondre aux besoins de la clientèle. «L’achalandage est intéressant à cause des commerces aux alentours comme le Canac, Starbucks et le Mondou à côté (…). C’est aussi la plus grosse boutique des deux, donc on va avoir l’opportunité d’ajouter des frigos pour avoir plus de choix. Il y a également un gros potentiel pour les futurs projets qu’on va annoncer», a laissé entendre M. Magnone.
La discussion se tourne également vers la demande de la -Fédération québécoise des municipalités (FQM) concernant la vente des produits des microbrasseries dans les marchés publics. Karl Magnone soutient cette initiative, soulignant que cela permettrait aux microbrasseries de diversifier leurs sources de revenus et d’aider le détaillant à promouvoir ses produits. «Mais il y a un point pour moi, encore plus important que tout ça, c’est l’équité. Il y a beaucoup d’iniquité dans les lois sur l’alcool au Québec. Pourquoi un vignoble peut vendre ses produits, mais pas une microbrasserie? Ça ne fait pas de sens qu’un producteur et un autre n’aient pas les mêmes droits», a plaidé Karl Magnone.
Pour Karl Magnone, le gouvernement doit absolument jouer son rôle et doit mettre à jour ces lois pour assurer l’équité entre les producteurs de différentes boissons alcoolisées. «Un autre exemple, ce sont les distilleries contraintes d’être obligées de vendre à la SAQ. Plusieurs distilleries risquent de fermer parce que la SAQ ne pourra pas toutes les absorber ainsi que leurs produits», a-t-il cité en exemple.
La conversation se termine sur une note positive avec le succès de l’événement -Festival D’La Tite Frette à Granby, attirant plus d’un millier de participants selon les estimations de l’entrepreneur. M. Magnone voit cela comme une preuve de l’intérêt persistant des Québécois pour les produits locaux. «Oui, les Québécois ont toujours de l’intérêt envers leurs boissons artisanales locales, mais le gouvernement doit absolument faire sa part pour redonner aux citoyens leur pouvoir d’achat. C’est vraiment une question de budget», a-t-il conclu.