L’engouement pour les VUS ne se dément pas
AUTOMOBILE. Alors que s’ouvre à Montréal le Salon de l’auto, les ventes de camions et de véhicules utilitaires sports continuent de gagner en popularité au détriment de plus petites cylindrées. Un engouement vitaminé par les prix de l’essence généralement à la baisse.
Selon les plus récentes données de Statistique Canada, la catégorie des camions — qui inclut les véhicules utilitaires à caractère sportif, les camions légers et lourds, mais également les minifourgonnettes et les fourgonnettes — connaît une progression des ventes au Québec, qui ne se démord pas depuis 2013, alors que les voitures particulières suivent nettement la tendance inverse.
De janvier à novembre 2016, il s’est en effet vendu au Québec 248 615 unités de la catégorie des camions, comparativement à 189 397 voitures particulières. Pour l’ensemble de l’année 2015, les ventes dans la catégorie des camions se sont élevées à 232 898 unités, comparativement à 218 456 du côté des voitures particulières.
Et cet engouement pour les grosses cylindrées se reflète tant chez les constructeurs que dans les salons de l’auto, où sont dévoilés les nouveaux modèles. Selon le chroniqueur automobile Marc Bouchard, la grande majorité des nouveaux véhicules dévoilés dans les salons, que ce soit à Detroit la semaine dernière ou en fin de semaine à Montréal, sont des véhicules de nature utilitaire sport.
M. Bouchard fait valoir que les camions sont «rois et maîtres», soulignant que les véhicules les plus vendus au Canada en 2016 demeuraient le Ford série F et le RAM.
La popularité des véhicules plus énergivores est intimement liée aux faibles prix à la pompe, font valoir des experts. Selon Statistique Canada, les prix de l’essence moyens à la pompe à Québec et à Montréal ont décliné respectivement en 2016 de 7,8 % et de 7 % par rapport à l’année précédente.
Ainsi, le prix de détail moyen de l’essence sans plomb aux stations libre-service à Québec a été de 1,02 $ le litre, comparativement à 1,10 $ en 2015. À Montréal, le prix moyen a été de 1,08 $, en baisse par rapport à 1,16 $ en 2015.
«Le prix de l’essence est encore trop bas pour permettre que les gens se préoccupent vraiment de la consommation de carburant de leur véhicule, c’est aussi simple que ça. (…) En bas de 1,50 $ ou 2 $ le litre, cela n’a pas un impact majeur sur les habitudes de consommation des gens. Les gens vont préférer leur confort, et l’impression de se sentir plus en sécurité dans un VUS», a fait valoir M. Bouchard.
Jesse Caron, expert automobile et coordonnateur des essais routiers pour CAA-Québec, estime également que la recrudescence des ventes de véhicules utilitaires sports est indéniable ces dernières années «avec un prix de l’essence qui est beaucoup plus faible».
«Au Canada, par exemple chez Toyota, il se vend maintenant plus de RAV 4 que de Corolla. C’est un exemple assez probant, alors que la Corolla est un des véhicules les plus vendus toutes catégories confondues depuis sa création», souligne-t-il.
M. Caron tient toutefois à prévenir qu’il s’agit de «mouvements cycliques» pour les prix de l’essence, et que les consommateurs «risquent de se faire rattraper dans le détour».
Par ailleurs, des véhicules utilitaires sports compacts et moins énergivores se démarquent de plus en plus dans le volume de ventes, mais selon l’expert de CAA-Québec, les essais routiers tendent à démontrer que l’impact sur la consommation d’essence et la pollution est moindre que ce que certains pourraient croire. Selon M. Caron, bon nombre de VUS compacts consomment l’équivalent d’une voiture intermédiaire avec un moteur de quatre cylindres.
Et les véhicules verts?
Si les véhicules électriques ne représentent encore qu’une très mince portion des ventes totales, ils ne sont pas sans susciter l’intérêt lors des salons de l’auto. Au salon de Montréal, qui se poursuit jusqu’au 29 janvier, CAA-Québec propose des essais routiers pour 14 véhicules, dont la vedette de l’heure; la Chevrolet Bolt.
Or, l’innovation devant notamment apaiser les craintes sur l’autonomie des voitures électriques, l’engouement pour ces voitures vertes pourrait être freiné dans son élan par l’entrée en fonction du nouveau président américain Donald Trump.
Selon M. Bouchard, la nomination d’un climatosceptique à la tête de l’agence de la protection environnementale aux États-Unis (EPA) pourrait signifier un relèvement du plafond des normes de consommation moyenne pour les flottes de véhicules vendues aux États-Unis. Par ricochet, cela pourrait avoir un impact direct sur les choix des constructeurs d’«investir ou pas des millions en recherche et développement pour des véhicules électriques».
Le coordonnateur des essais routiers pour CAA-Québec estime aussi que «le monde est en attente», et que ces cibles de consommation pourraient être revues à la hausse.
«Si le gouvernement (Trump) veut respecter tous ses engagements envers ses électeurs, il devra mettre en place plusieurs changements et politiques, ça pourrait effectivement changer la donne tant dans l’industrie que pour les consommateurs», affirme-t-il.
Vincent Dussault, conseiller en transports à la Coop carbone — une coopérative qui vise à développer des initiatives pour réduire les gaz à effet de serre au Québec — fait valoir qu’il y a une croissance continue des ventes de véhicules électriques au Québec, tout en ajoutant que dans le volume des ventes de véhicules neufs, «c’est encore sous le 1 %, ou autour de 1 %».
«Les ventes de VUS ont repris de plus belle. C’est l’indication (que le prix à la pompe) a vraiment un gros impact. C’est sûr que 1,50 $, ça grugeait le portefeuille, mais il y avait surtout derrière la crainte que le prix augmente encore plus. En ce moment, il n’y a pas cette crainte que les prix de l’essence vont s’envoler. On parle même de prix assez stables pour les prochaines années», a dit M. Dussault.
«Ce qui rend souvent très populaire les véhicules électriques, c’est l’aspect technologique qui entoure ces véhicules-là, alors c’est peut-être plus là-dessus que les constructeurs vont miser dans les prochaines années plutôt que sur l’économie d’essence», a-t-il poursuivi, évoquant les «véhicules autonomes» et d’autres technologies liées aux véhicules intelligents.
Toutefois, selon M. Bouchard, l’avenue des «véhicules autonomes» ou «semi-autonomes» — sur la détection de piétons et l’aide au freinage par exemple — se développe aussi grandement du côté de véhicules à essence à des prix de plus en plus accessibles.