Une hausse de loyer qui ne passe pas

HABITATION. Annie Jolin et des locataires de la rue du Mont-Brome, à Granby, ont fait le saut dernièrement en lisant l’avis d’augmentation que leur a fait parvenir leur propriétaire. Ces derniers font face à une hausse de près de 30 % licite, selon la clause «F» inscrite sur leur bail. Une majoration qui ne fait pas sens en pleine crise du logement, prétendent les citoyens exacerbés par la situation.

À quelques semaines de renouveler son bail, Annie Jolin anticipait une augmentation équivalente (1,28 % pour un logement non chauffé et 1,34 % pour un loyer chauffé) aux recommandations du Tribunal administratif du logement (TAL). Mais le scénario a été tout autre à la lecture de l’avis qu’elle a reçu de son propriétaire, Gestion ECVD; une entité appartenant à Éric Charpentier et Vanessa Dessureault Panneton. Pour cette mère monoparentale, qui habite l’un des appartements des trois quadruplex, sa facture mensuelle pour se loger passera de 1250 $ à 1600 $. Un bond de 28 % réclamé par le locateur en raison de la clause «F» du bail qui concerne les immeubles de moins cinq ans. Selon cette modalité, si «la période de cinq ans n’est pas encore expirée, le locataire qui refuse une modification de son bail demandée par le locateur, telle une augmentation de loyer, doit quitter son logement à la fin du bail.»

«Cette année, on me demande 350 $ de plus. Qu’est-ce qui me dit que l’année prochaine le propriétaire ne va pas m’augmenter de 400-500-600 $?», se questionne Mme Jolin qui réside à cet endroit depuis près de deux ans.

Selon la Granbyenne, l’un des propriétaires de l’immeuble serait insensible face aux revendications de certains locataires ébranlés par la forte hausse de loyer. «Certains se sont fait dire de s’en aller maintenant, car il (propriétaire) avait une liste d’attente de 40 noms (…). Il y a des gens qui ne dorment plus, des enfants qui paniquent par crainte de changer d’école, d’autres quittent parce qu’ils sont sur le bord de la dépression ou se cherchent une deuxième job. Tout le monde est shaké par cette nouvelle.»

Épuisée par cette histoire, Annie Jolin espère que les propriétaires de Gestion ECVD vont reculer. «Je suis prête à accepter une augmentation normale selon le coût de la vie. S’ils (Gestion ECVD) vont dans ce sens, je vais rester ici. Le plus important, c’est d’avoir un toit et là, en pleine pandémie, on nous enlève cette sécurité.»

Une autre locataire du quartier du Plateau, qui a demandé à garder l’anonymat pour éviter des représailles, craint elle aussi devoir composer avec une hausse salée lors du renouvellement de son bail. Bien qu’elle ne réside pas dans un édifice affilié à Gestion ECVD, elle s’attend à vivre la même situation. «J’ai contacté mon propriétaire pour en savoir un peu plus et il m’a dit de regarder dans les alentours en me laissant sous-entendre qu’il allait suivre la tendance»

Aura-t-elle droit à une hausse de 200 $, 300 $ ou 400 $ par mois? Pour l’heure, la Granbyenne broie du noir. «Pour moi, en plus d’avoir un impact sur mon budget, c’est très stressant. Je n’ai pas de recours…j’accepte ou je déménage.»

Peu de moyens

Pour la mairesse de Granby, Julie Bourdon, le recours à la clause «F» est abusif en cette période de rareté de logements. «Nous, on a décidé de baisser le taux de taxation pour avoir un gel du compte de taxes dans l’objectif d’encourager les propriétaires à aider les locataires. Malgré cela, on en a quelques-uns qui ont choisi d’augmenter d’un bon pourcentage même si c’est légal.»

«On vit présentement une crise du logement avec un taux de vacances de 0.2 % à Granby. Ces gens-là vont peut-être se retrouver à la rue. Où vont-ils aller», manifeste la mairesse.

Par ailleurs, la première magistrate s’est entretenue avec Valérie Dessureault Panneton, actionnaire de Gestion ECVD afin de l’inviter à reconsidérer ses intentions quant à la hausse de loyer à venir, mais en vain.

Rappelons que la Ville de Granby travaille présentement à l’élaboration d’une politique d’habitation.

Au moment de publier, ni Éric Charpentier ni Valérie Dessureault Panneton n’avaient retourné nos appels.