À Granby, on dit «stop» sans «arrêt»

LANGUE. Avez-vous remarqué que tous les panneaux d’arrêt obligatoire à Granby mentionnent «stop», laissant de côté le terme «arrêt»? La Ville de Granby fait cela depuis 1979 et respecte la loi, puisque ce terme d’origine anglophone est accepté dans la langue française.

La Charte de la langue française, adoptée en 1977, oblige l’utilisation du français dans l’affichage, y compris la signalisation routière. Toutefois, le terme «stop» est accepté selon l’Office québécois de la langue française (OQLF). Le Règlement sur la sécurité routière et les normes du ministère des Transports admettent l’utilisation de «arrêt» ou de «stop».

Le directeur général de la Société nationale de l’Estrie (SNE), Étienne-Alexis Boucher, s’étonne de cette situation inusitée à Granby. «C’est la démonstration, finalement, que le diable se cache dans les détails. Le paysage d’une ville, d’un pays, cela structure le paysage des individus. Si c’est affiché partout en anglais, alors là, nécessairement, on finit par réfléchir en la langue de l’affichage», explique-t-il.

Selon lui, la langue française ne peut se priver de petites victoires, comme l’affichage des panneaux d’arrêt obligatoire dans la langue de Molière. «Les tendances sont tellement lourdes et en défaveur de la langue française depuis plusieurs décennies. À un moment donné, il n’est plus question de pouvoir relativiser le déclin de la langue française », déclare M. Boucher.

Le saviez-vous ?

Depuis 1979, la Ville de Granby installe des panneaux «stop» aux intersections de ses rues. Elle explique que, malgré la connotation anglophone que bien des gens semblent lui porter, le terme est reconnu dans la langue française par l’Office québécois de la langue française.

Depuis 1992 au Québec, l’arrêt obligatoire peut être désigné avec les termes «stop» ou «arrêt», mais il n’est plus permis d’afficher les deux inscriptions sur un même panneau. Les autres provinces canadiennes ont le droit, quant à elles, d’afficher des panneaux bilingues.

Hausse des plaintes concernant l’affichage commercial

Le nombre de plaintes concernant l’affichage commercial que reçoit l’Office québécois de la langue française ne fait qu’augmenter. En Estrie, 29 plaintes ont été soumises entre le 1er avril 2023 et 31 mars 2024. Il y en a eu 17 pour la période précédente et 9 si l’on remonte à 20202021. Ces plaintes visent la langue de service, la langue de la documentation commerciale et la langue de l’affichage public et commercial, notamment.

Selon-Étienne-Alexis -Boucher, cela n’est pas décevant, au contraire. «Pour la -Société nationale de l’Estrie, c’est une bonne nouvelle, parce que ça démontre une mobilisation de la population du -Québec pour protéger sa langue, déclare le directeur général de l’organisme. On ne sauvera pas le français au Québec sans ses locuteurs et ses locutrices.»

Au Québec, 9125 plaintes ont été reçues entre le 1er avril 2023 et le 31 mars 2024, dont 58 % à Montréal. La Montérégie suit la métropole avec 11 %. L’Estrie représente 2 % des plaintes.

Loi 96

La SNE a déposé un projet à l’OQLF afin de prévenir les commerces et les entreprises qui iraient à l’encontre des règlements sur la langue. «Nous souhaitons aller à la rencontre de 500 entreprises à travers l’Estrie au cours des prochains mois pour les sensibiliser sur les nouvelles exigences de la Charte de la langue française», déclare M. Boucher.

À partir du 1er juin 2025, les entreprises de 25 à 49 employés devront s’inscrire à l’Office québécois de la langue française et entamer un processus de francisation. Cela fait partie des nouvelles mesures incluses dans le projet de loi 96 sur la langue française.

Des changements surviendront également en ce qui concerne la taille des caractères français sur les enseignes des entreprises. Étienne-Alexis Boucher dénonce les commerces qui ne veulent pas s’adapter. «Il y a toujours de bonnes excuses pour ne pas respecter le français. Les détaillants s’adaptent à la Suède et au Portugal, par exemple. Ils doivent s’adapter à nous aussi», déplore-t-il.

Le directeur général la Société nationale de l’Estrie applaudit le géant américain Staples qui utilise le nom Bureau en gros au Québec. «La langue française est un atout pour le Québec et aucune raison ne justifierait que les compagnies ne s’y adaptent pas», ajoute-t-il.

Abraham Santerre.