La patrouille de la compassion
SÉCURITÉ PUBLIQUE. « Salut Jean (*), comment ça va aujourd’hui ? As-tu une place pour aller dormir ce soir ? Tu sais que tu ne peux pas rester ici. » Au cours d’un même quart de travail, l’agent Martin Foisy ressasse la même approche auprès des personnes itinérantes afin de s’enquérir de leurs besoins et de leur état de santé général. Dans les derniers jours, le représentant du journal a accompagné le policier sociocommunautaire dans les rues de la ville lors d’une patrouille avec l’unité UNIR (Uniformiser Nos Interventions en Résolution de problème) du Service de police de Granby (SPG).
Après avoir rempli les formulaires d’usage, je me dirige par la suite vers les quartiers de l’unité UNIR où m’attend l’agent Foisy. Mon partenaire de patrouille pour l’après-midi.
«En gros, ma job à moi et à Jonathan (l’autre policier intégré à UNIR), c’est de répondre aux appels en lien avec la santé mentale et l’itinérance. Notre rôle, c’est de faciliter le travail des autres patrouilleurs lorsqu’ils vont être appelés à interagir avec ces gens-là. C’est d’essayer de créer un lien avec les personnes itinérantes pour simplifier les interactions advenant que les policiers aient à discuter avec elles», raconte le policier Martin Foisy.
La tournée des points chauds
Quotidiennement, le policier d’expérience effectue sa tournée du centre-ville pour prêter une oreille attentive aux itinérants. Des visites de centres commerciaux, de places d’affaires et de quelques immeubles à logements jugés « problématiques » figurent aussi au programme du jour.
« Les patrouilleurs n’ont pas nécessairement le temps de parler avec eux, c’est un appel après l’autre. Moi, je peux prendre le temps de jaser avec les personnes même si quelquefois ça n’a pas de sens ce qu’elles disent. Mais ça m’aide à établir de bonnes relations. Les personnes m’appellent par mon prénom et j’en fais tout autant. Parfois, je leur offre une cigarette, un café et on jase de n’importe quoi », mentionne le policier.
Mais la méfiance envers l’uniforme et l’autopatrouille est toujours présente. Seul le temps arrange les choses. « C’est du long terme, mais ça arrive qu’un individu dise à un autre en me voyant arriver….tu es allé me stooler à la police. Moi, je coupe court à tout ça en leur rappelant que c’est ma job de leur venir en aide (…). »
Vers 13h, Martin Foisy et l’auteur de ces lignes se rendent dans un petit centre commercial passablement achalandé en ce jeudi après-midi. Un individu flâne à l’avant d’un commerce ; ce qui semble déplaire à une employée des lieux qui le signale gentiment au patrouilleur. L’agent Foisy reconnaît immédiatement l’homme. « C’est Jean (*) », confie-t-il sans hésiter. « Jean, c’est un gars à problèmes. On ne sait plus trop quoi faire avec lui. Il est barré partout. »
Malgré l’arrivée de la force de l’ordre, Jean se montre collaborateur. Les propos tenus par l’itinérant vont dans tous les sens, mais le lien entre l’homme et le policier semble bon. Au bout de quelques minutes, l’individu ramasse ses bricoles et quitte.
Dans le même bâtiment, l’agent Foisy croise François (*) qui fréquente également l’endroit pour se réchauffer occasionnellement. Tout comme il l’a fait pour le premier individu rencontré, le policier demande à l’itinérant de libérer les lieux. L’homme se pousse avec ses bagages sans vociférer en disant tout bonnement au policier qu’il s’en allait magasiner.
Suivi d’une intervention
Notre après-midi se poursuit avec un suivi d’intervention. Une cinquantaine de minutes plus tard, une représentante du CIUSSS de l’Estrie entre en contact avec le policier pour faire le point sur Alexandre (*). On se dirige sans tarder vers les Galeries de Granby où nous attendent les intervenants en itinérance du CIUSSS qui se trouvent en compagnie de l’itinérant. « Alexandre, c’est un cas lourd. C’est inquiétant ».
La veille, l’agent Foisy est intervenu auprès de l’homme en vertu de la loi P-38 (NDLR : cet article de loi permet à un agent de la paix de procéder à l’hospitalisation d’une personne contre son gré). L’état préoccupant de la santé physique et psychologique de l’individu incite le policier à le référer à l’hôpital de Granby. Vingt-quatre heures plus tard, Alexandre est de nouveau libre comme l’air et vivote dans les alentours du centre commercial.
Entouré d’intervenants, Alexandre confie vouloir se trouver un toit et se dit ouvert à recevoir de l’aide pour entamer des démarches. Pour l’heure, la recherche d’un logement devient sa priorité numéro un. Toute l’équipe autour de lui se dit prête à l’aider. De bonnes paroles qui semblent réconforter Alexandre. « Merci beaucoup. Je vous aime », lance l’itinérant aux intervenants.
« J’ai passé toute ma vie professionnelle à arrêter des individus. Actuellement, j’essaie de travailler autrement », conclut le policier Martin Foisy en toute fin de patrouille.
(*) : prénom fictif.