Les PFAS: amis et ennemis des pompiers

SANTÉ ET SÉCURITÉ.  Pour combattre les flammes lors d’un incendie, les pompiers doivent porter des habits de combat perfectionnés qui les protègent le mieux possible du feu. Se pourrait-il que des composants de ces uniformes rendent les pompiers plus à risque de développer des cancers? Les PFAS sont sous surveillance. Voici le point de vue de services d’incendie de la région.

L’Institut national de santé publique du Québec définit les PFAS comme des composés chimiques utilisés dans de très nombreux produits de consommation. Ils sont très stables, ce qui les rend résistants à la dégradation et persistants dans l’environnement. En langage scientifique, ils sont appelés des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées. Il est plus simple de les nommer PFAS, l’acronyme de leurs noms en anglais (per- et polyfluoroalkyl substances).

Présents dans une foule d’articles divers, tels que de la peinture, des poêles, des meubles, des emballages ou des vêtements, les PFAS suscitent des préoccupations quant aux effets négatifs qu’ils pourraient avoir sur le corps humain et l’environnement.

Ces substances sont – ou étaient – plus présentes dans les équipements de protection des pompiers que dans tout autre type de vêtement, parce qu’elles entrent dans la composition de la barrière thermique qui empêche le feu de brûler les sapeurs. De plus, durant un incendie, beaucoup de PFAS sont libérés dans les fumées toxiques émanant de la combustion des objets. Un scientifique danois, Philippe Grandjean, avançait en 2012 que tout cela risquait de favoriser le développement de cancers chez les combattants du feu.

Des mesures d’atténuation

Les services de sécurité incendie de la région, et de partout au pays, sont bien au fait de cet enjeu. Ils mettent en place des mesures et protocoles pour composer avec cette situation, afin d’atténuer le plus possible le risque potentiel des PFAS, pour ainsi préserver la santé des membres de leurs équipes.

« Pratiquement tous les habits de combat contiennent divers types de PFAS, un peu comme c’est le cas pour des vêtements imperméabilisés. Les nouveaux modèles d’uniformes sans PFAS sont plus sujets à l’embrasement et sont plus facilement contaminés par les fumées nocives », déclare Luc Couture, directeur du Service de sécurité incendie du Canton de Shefford. « L’important, c’est de se sensibiliser aux risques et de limiter au minimum le contact avec les émanations toxiques. Par exemple, lors d’un incendie de véhicule, nos pompiers font tout ce qui est possible pour éteindre le feu sans entrer dans le véhicule », ajoute M. Couture.

Renouveler les habits de combat 

« Selon des études, les uniformes fabriqués avant 2009 contenaient des PFAS plus volatils que les habits de combat d’aujourd’hui », explique le directeur du Service de sécurité incendie de Waterloo, Patrick Gallagher. « Dans notre caserne, tous nos uniformes sont conformes; ils contiennent des PFAS qu’on dit stables. La durée de vie utile d’un bunker (le nom qu’utilisent les pompiers pour nommer leurs habits de combat) est évaluée à dix ans. Nos plus vieux uniformes sont de 2014, alors ils seront bientôt remplacés par de l’équipement neuf. Nous effectuons ces rotations chaque année », précise M. Gallagher.

Alain Caron est président du Conseil provincial du secteur incendie SPQ-SCFP, qui représente les services d’incendie de 115 municipalités au Québec. L’organisation était connue auparavant sous le nom du Syndicat des pompiers et pompières du Québec.

M. Caron estime que la question des PFAS présents dans les uniformes des pompiers est complexe, entre autres, en raison des divers types de ces produits qui entrent dans la composition des uniformes. Selon les analyses du regroupement provincial qu’il préside, le fluor ajouté aux vêtements de combat pourrait aussi être problématique. « Voilà pourquoi certaines municipalités demandent maintenant aux fournisseurs qu’il n’y ait pas de fluor ajouté aux deux premières couches (sur trois) de protection des bunkers de leurs pompiers », déclare M. Caron.

Pompier à temps plein à Sherbrooke, Alain Caron explique que, dans cette ville, des procédures de décontamination à sec des uniformes ont été mises en place. De plus, après un incendie, les uniformes ayant servi à l’intervention des pompiers sont lavés dans des laveuses industrielles avec des produits spécifiques pour la décontamination. « Mais plusieurs plus petites municipalités n’ont pas ce genre d’équipement », ajoute-t-il.

Le président du Conseil provincial parle également d’une autre mesure visant à mitiger le risque potentiel que représentent les PFAS. « Certaines villes ont décidé de limiter le port du bunker uniquement pour les situations où cet équipement est nécessaire, c’est-à-dire les incendies. Les pompiers ne le portent donc plus lors d’activités de sensibilisation ou de prévention, par exemple », remarque-t-il.

En arriver à une position commune

Alain Caron siège également à l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail – secteur affaires municipales (APSAM), en compagnie de représentants du patronat, de syndicats et d’agences gouvernementales. L’APSAM se penche elle aussi sur la question des PFAS, puisqu’il s’agit d’un enjeu de santé et sécurité au travail.

Quant à lui, le Conseil provincial du secteur incendie SPQ-SCFP poursuivra son analyse de la situation lors de sa rencontre du début 2025. M. Caron envisage que l’association en arrivera prochainement à une position commune pour l’ensemble de ses membres en ce qui concerne les PFAS.