Les décès par surdoses aux États-Unis ont-ils vraiment cessé d’augmenter ?

NEW YORK — Les décès par surdose aux États-Unis auraient-ils cessé d’augmenter? 

Des données préliminaires du gouvernement le suggèrent, mais de nombreux experts appellent à la prudence, soulignant que par le passé, de tels plateaux n’avaient pas duré.

Les taux de mortalité par surdose aux États-Unis ont commencé à grimper régulièrement dans les années 1990, sous l’effet des analgésiques opioïdes, suivis de vagues de décès causées par d’autres opioïdes comme l’héroïne et, plus récemment, le fentanyl. 

L’année dernière, plus de 107 000 Américains sont morts de surdoses de drogue — le bilan le plus lourd de toute l’histoire des États-Unis.

Mercredi, les Centres pour le contrôle des maladies (CDC) ont publié des données provisoires sur ce qui s’est passé au cours des six premiers mois de cette année. La nouvelle semble porteuse d’espoir.

Or, des données provisoires indiquent que ces décès ont chuté trois mois de suite aux États-Unis. Les CDC ont estimé qu’il y avait environ 107 600 décès par surdose pour la période de 12 mois entre juillet 2021 et juin 2022. C’est 40 de moins que pour l’année civile 2021.

«Les données d’aujourd’hui continuent de montrer une tendance encourageante à la baisse des décès par surdose», mais davantage de travail de prévention et de traitement est nécessaire, a déclaré mercredi le docteur Rahul Gupta, directeur du Bureau de la politique nationale de contrôle des drogues de la Maison-Blanche.

En effet, cette baisse est très inégale sur le territoire américain. Seuls huit États ont signalé moins de décès par surdose, tandis que tous les autres ont enregistré des augmentations constantes. Et seuls quatre États – le Maryland, l’Ohio, la Pennsylvanie et la Virginie-Occidentale – ont signalé une diminution importante de 100 décès ou plus par rapport à la période précédente de juillet à juin.

La pandémie

Ces quelques États, qui avaient enregistré certains des taux de mortalité par surdose les plus élevés du pays, semblent être à l’origine de l’amélioration du bilan national cette année, a déclaré Brandon Marshall, chercheur en santé publique à l’Université Brown, qui suit les tendances.

Les responsables des quatre États ont déclaré qu’il n’y avait pas d’explication unique, mais ils croient que les initiatives récentes pourraient porter leurs fruits. Ils citent les médias sociaux et les campagnes d’éducation, l’élargissement du traitement de la toxicomanie et la distribution plus large de la naloxone, un médicament qui inverse les effets d’une surdose.

Certains chercheurs doutent que les surdoses aient atteint un sommet aux États-Unis. Ils pensent plutôt qu’un pic s’est produit pendant la pandémie de COVID-19, lorsque les confinements et autres restrictions sanitaires ont isolé les personnes toxicomanes et ont rendu le traitement plus difficile à obtenir.

«Nous revenons peut-être juste à un niveau pré-COVID. Je pense que nous aurons besoin d’au moins un an de données supplémentaires pour le confirmer», a déclaré Erin Winstanley, chercheuse à l’Université de Virginie-Occidentale.

Les chiffres ne sont pas encore proches des niveaux prépandémiques. À l’échelle nationale, le nombre estimé de décès de juillet 2021 à juin 2022 est toujours supérieur de plus de 5 % au nombre de juillet 2020 à juin 2021, et de 28 % à celui de juillet 2019 à juin 2020.

Les chercheurs ont déjà vu de ces «faux plateaux»: les décès par surdose avaient semblé se stabiliser pendant quelques mois au printemps 2021, avant de remonter.

Il peut également y avoir des leçons à tirer de 2018. Cette année-là, il y a eu environ 67 000 décès par surdose de drogue aux États-Unis, une baisse de 4 % par rapport à 2017. Les chiffres ont été célébrés — le président Donald Trump clamait: «nous freinons l’épidémie d’opioïdes». 

Mais certains chercheurs de l’Université de Pittsburgh ont conclu plus tard que cette amélioration était en grande partie due à un changement, en 2017, dans la réglementation chinoise sur le puissant carfentanyl, un opioïde synthétique 100 fois plus fort que le fentanyl. Ce changement a réduit l’approvisionnement américain en drogue et a été suivi d’une baisse spectaculaire des décès par surdose dans quelques États.