Climat: chercheurs et militants réagissent à la victoire de Carney

MONTRÉAL — Au lendemain de l’élection fédérale, des chercheurs de l’Institut climatique du Canada manifestent leur désir de travailler avec Mark Carney alors que des militants écologistes se réjouissent de voir Pierre Poilievre mordre la poussière.

L’Institut climatique du Canada a publié un communiqué dans lequel son président, Rick Smith, indique que l’Institut a «un fort intérêt à collaborer avec le gouvernement de M. Carney sur des solutions politiques qui renforceront la souveraineté et la sécurité énergétique du Canada, tout en réduisant les émissions, en favorisant la croissance économique à faibles émissions de carbone et en construisant des logements et des infrastructures plus résilientes».

L’Institut climatique du Canada, qui est financé en partie par le gouvernement, se décrit comme «l’organisme par excellence au pays pour la recherche sur les politiques climatiques».

Il exhorte le nouveau gouvernement à rapidement renforcer la tarification du carbone industriel et à finaliser le règlement sur les émissions de méthane dans le secteur pétrolier et gazier, deux mesures phares de l’ancien gouvernement pour diminuer les gaz à effet de serre.

L’Institut demande également au gouvernement Carney de rapidement mettre en place un crédit d’impôt pour l’investissement dans l’électricité propre ainsi que d’instaurer une taxonomie climatique canadienne pour le secteur financier.

La taxonomie climatique réfère à la façon de classifier les investissements économiques qui doivent être considérés comme étant compatibles avec les objectifs climatiques.

Un tel outil aide notamment les gouvernements, les marchés de capitaux et les investisseurs à évaluer l’empreinte carbone d’éventuels investissements.

Bien appliquée, une nouvelle taxonomie de l’investissement climatique permettrait d’attirer les capitaux nécessaires pour atteindre la carboneutralité, selon l’Institut climatique du Canada.

Une opportunité économique

Toujours selon l’Institut, le nouveau gouvernement doit «saisir l’opportunité» économique offerte par la transition énergétique mondiale et le désintérêt de l’administration américaine pour les énergies propres.

«Alors que l’administration Trump tente de bloquer les investissements dans l’énergie propre et l’innovation, les coûts des technologies vertes continuent de chuter; plus de 40 % de la production mondiale d’électricité a été générée par des sources bas carbone l’an dernier», a fait valoir Rick Smith, selon qui «le Canada a une occasion unique» qu’il «ne doit pas laissé filer».

Équiterre demande de se détourner des énergies fossiles

L’organisme Équiterre a également publié un communiqué pour féliciter les nouveaux élus et espère que le nouveau gouvernement «délaissera les fausses solutions» promues par l’industrie du gaz et du pétrole.

«On a entendu des choses franchement inquiétantes de plusieurs partis pendant la campagne concernant de potentiels projets de transport de pétrole et de gaz. On en a aussi vu mousser des fausses solutions chères à cette industrie, comme la capture et le stockage de carbone», a commenté Charles-Édouard Têtu, analyste des politiques climatiques.

Équiterre dit toutefois «avoir bon espoir» que le parti de Mark Carney se détournera de l’industrie fossile.

«Le Parti libéral a après tout appuyé le Consensus québécois en environnement», un document qui a été envoyé aux différents partis politiques pendant la campagne et dans lequel figurent les «acquis environnementaux» du Québec.

Si jamais le Parti libéral s’éloigne «de nos valeurs écologiques», les partis qui devraient détenir la balance du pouvoir, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique, «ont aussi appuyé le Consensus et pourraient le ramener à l’ordre», a indiqué Charles-Édouard Têtu.

Le Parti conservateur du Canada était le seul parti à ne pas s’être engagé à respecter le «Consensus québécois en environnement».

De son côté, la Fondation David Suzuki soutient que le résultat des élections montre que la majorité des électeurs a voté en faveur de l’action climatique et la protection de la nature.

«L’heure est à l’unité nationale et nous appelons tous les députés à faire cause commune pour la protection de l’environnement. Nous avons tous besoin d’air pur, d’eau potable et d’un climat stable. Protéger l’environnement, c’est protéger nos proches, nos foyers et notre avenir», a écrit Linda Nowlan, directrice générale par intérim de la Fondation David Suzuki, dans un communiqué.

Le Réseau Action Climat Canada perçoit aussi, dans le résultat des élections, une confirmation que les Canadiens s’attendent à ce que le gouvernement en fasse davantage pour le climat.

«Maintenant que l’élection est terminée, le premier ministre Carney a l’opportunité de mettre en pratique ce qu’il prône depuis des années et d’amorcer une transformation verte pour renforcer la résilience de notre pays pour les décennies à venir», a indiqué Caroline Brouillette, directrice exécutive du Réseau Action Climat Canada.

«Pour cela, son gouvernement doit faire un choix clair en matière d’énergie: il ne peut plus flirter avec l’expansion des énergies fossiles et la construction de nouveaux pipelines, qui engendreraient des coûts exorbitants à la fois pour nos portefeuilles et notre planète», a ajouté Mme Brouillette.

Greenpeace salue la défaite du PCC

De son côté, l’organisation militante Greenpeace s’est réjouie de la défaite du Parti conservateur du Canada, sans toutefois le nommer.

«Les Canadiens ont dit non à une vision proche de celle de Trump: une vision qui favorisait les milliardaires au détriment du coût de la vie, protégeait les profits des pétrolières plutôt que le climat, et pointait du doigt les plus vulnérables», a indiqué Christy Ferguson, directrice générale pour Greenpeace Canada.

Le premier ministre Carney doit maintenant «tenir parole» et « montrer aux Canadiens qu’il est prêt à diriger avec courage sur les enjeux liés au climat, à la nature et à la justice».

Christy Ferguson souhaite que Mark Carney construise «des logements écologiques et accessibles», protège la biodiversité et crée «un réseau énergétique pancanadien alimenté par des énergies renouvelables pour faire fonctionner nos maisons, nos milieux de travail et nos transports».