Crise à Maisonneuve-Rosemont: le gouvernement fait appel à un conseiller externe

MONTRÉAL — Le ministre de la Santé, Christian Dubé, fait appel à un conseiller externe pour tenter de mettre fin à la crise à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

L’urgence de l’hôpital a rouvert ses portes à 8h, mardi matin, après une nuit aux activités réduites. Les infirmières du quart de soir avaient refusé un plan de contingence proposé par la direction qui les aurait forcées à travailler en équipes réduites.

La situation, attribuable au manque d’effectifs, est «intenable» selon le ministre de la Santé qui a souligné, lors d’une conférence de presse mardi après-midi, que «plusieurs personnes avaient qualifié le climat de travail de toxique».

«Ce n’est pas tous les jours que des infirmières prennent la décision, à quelques heures du début de leur quart de travail, de nous aviser qu’elles ne rentreront pas», a reconnu le ministre, qui a dit «comprendre leur situation», qui n’est pas nouvelle.

Christian Dubé a donc convenu, avec le président-directeur général du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Jean-François Fortin Verreault, «d’amener une personne externe à la situation pour venir continuer d’essayer de trouver des solutions».

En début d’après-midi, mardi, M. Fortin Verreault a indiqué qu’il avait bon espoir que l’urgence demeure ouverte la nuit prochaine.

«L’objectif, c’est de maintenir l’urgence ouverte, il n’y a pas de doute, on travaille avec les équipes pour le faire. Actuellement, on est capable de couvrir pour le quart de soir à 60 patients sur civière, on est actuellement à 62, donc on travaille pour que ça fonctionne là, puis que ça soit en équilibre», a-t-il déclaré.

Denis Cloutier, président du Syndicat des professionnelles en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal (FIQ), disait pour sa part ignorer si l’urgence allait réellement être accessible dans la nuit de mardi à mercredi, puisqu’encore une douzaine d’infirmières manquaient à l’appel, en milieu d’après-midi, pour assurer une couverture adéquate des besoins des patients.

«Ce ne sont pas des absences imprévues, c’est la situation qu’on vit ici à Maisonneuve-Rosemont, a-t-il déploré. Au-delà des mesures qu’on peut mettre en place à moyen terme, je persiste à dire qu’on manque de personnel à l’urgence. Ça prend une injection rapide de professionnels de soins.»

En soirée, mardi, un porte-parole du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal a confirmé que «oui, l’urgence de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont sera bien ouverte et fonctionnelle ce soir, cette nuit et demain».

Cheffe d’unité réaffectée

Le personnel infirmier de l’urgence dénonce l’imposition de temps supplémentaire obligatoire (TSO); plus de 90 % des quelque 110 infirmières ont par ailleurs réclamé la démission de la cheffe d’unité par l’entremise d’une pétition, vendredi, et plusieurs travailleuses et travailleurs auraient menacé de démissionner en bloc.

M. Fortin Verreault a expliqué que la personne visée par la pétition sera affectée à d’autres tâches.

«On a eu des discussions (avec les infirmières) et la situation est extrêmement difficile», mais la cheffe d’unité «n’est pas responsable du fait que l’on reçoit plus de patients que notre capacité à traiter».  

Il a souligné «qu’elle mérite donc d’être bien traitée» et qu’il faut éviter de «personnaliser le débat».

Toutefois, la cheffe d’unité «ne sera plus en relation directe avec l’équipe pour que tout le monde puisse y trouver son compte, pour qu’on soit capable d’aller de l’avant».

À court terme, l’une des solutions pour donner «un peu d’air aux infirmières» est d’affecter certaines ambulances ailleurs dans le réseau.

«La première chose, là, c’est qu’on va avoir un appui de la part du réseau de la santé pour diminuer le nombre d’ambulances qui est reçu à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Ça va donner de l’air à l’équipe, c’est la première étape. Il faut commencer à avoir un peu moins de volume, avoir un équilibre travail-famille, puis ensuite repartir. C’est ce que les infirmières me témoignaient», a indiqué le président-directeur général du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal.

«C’était écrit dans le ciel»

Le porte-parole de Québec solidaire en matière de santé, Vincent Marissal, a affirmé que la crise vécue en début de semaine était «écrit[e] dans le ciel». Il s’est montré sceptique face à l’annonce d’un médiateur externe.

«Peut-être que ça va aider, mais si on ne règle pas le réel problème de sous-emploi, d’attractivité et de rétention du personnel, on va malheureusement vivre un nouvel épisode», a dit l’élu.

«Cet hôpital-là, c’est un volcan actif qui n’attend que sa prochaine éruption, et ça va arriver, a poursuivi le député de Rosemont. Si M. Dubé n’a pas vu les signaux de fumée avant aujourd’hui, il y a un maudit problème.»

Selon le député solidaire, il ne manque pas de personnel infirmier au Québec, mais celui-ci refuserait tout simplement de travailler à Maisonneuve-Rosemont au profit d’établissements plus modernes.

«On n’a jamais eu autant d’infirmières au Québec, mais elles ne veulent pas venir travailler ici, parce que c’est un piège: quand vous rentrez dans l’hôpital, aussi bien comme soignante que comme patient, vous ne savez jamais quand vous allez en ressortir», a-t-il affirmé.

La crise aurait pu entre autres être évitée si le ministre Dubé ne «parl[ait] pas des deux côtés de la bouche» en finançant des hôpitaux privés tout en promettant d’investir dans le réseau public, a-t-il déclaré ensuite.

«Cet hôpital-là tient avec de la broche; il va avoir 70 ans l’an prochain. Il est inadéquat, dangereux et peu attractif pour le personnel, a fait valoir le député. C’est la plus grosse urgence du Québec et on parle de rénovation depuis des années. Ça nous prend un vrai plan, un vrai échéancier et un vrai budget», a réclamé M. Marissal.

Sur les ondes de Radio-Canada plus tôt dans la journée, le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a déclaré «que ça n’a absolument pas de bon sens qu’on ferme une urgence a Montréal en 2023». Le député de Gouin a dénoncé les problèmes structurels observés à l’hôpital et a réclamé «une intervention musclée du gouvernement».

Le taux d’occupation de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont était de 115 % mardi en soirée, selon Index Santé.

André Fortin fustige le gouvernement

Auparavant, le député libéral de Pontiac, André Fortin, avait fustigé le gouvernement de François Legault et son ministre Christian Dubé pour leur gestion de la crise, qui reflète selon lui «l’incompétence caquiste» en matière de santé.

« Après cinq ans de gouvernement caquiste, non seulement la situation des urgences ne s’est pas améliorée, mais notre système de santé craque de partout. C’est un échec lamentable du ministre et une crise de leadership, alors qu’il refuse de s’impliquer directement lorsque des problèmes surviennent», a-t-il affirmé dans une déclaration diffusée mardi avant-midi.

Selon le porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé, «la fermeture de l’urgence de Maisonneuve-Rosemont était prévisible depuis des mois et est une autre démonstration de l’inefficacité de la CAQ», d’autant plus que le ministre Dubé «a refusé d’entendre l’appel à l’aide des infirmières et d’agir avant que la crise n’éclate».

«Le résultat de toute cette incompétence est, selon les infirmières elles-mêmes, la mise en danger de la vie des patients», a martelé l’élu.

Autre crise à Jonquière

La situation est aussi critique dans d’autres hôpitaux du Québec. À l’Hôpital de Jonquière, les infirmières de l’urgence ont effectué un «sit-in» d’une trentaine de minutes en matinée, mardi, a rapporté Radio-Canada.

Elles dénonçaient ainsi la surcharge de travail entraînée par le taux élevé d’occupation, chiffré à 131 % mardi midi, et par le manque de personnel. Les travailleurs de la santé de l’établissement souhaitent qu’un inspecteur de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) se penche sur leur situation afin d’obtenir des conditions de travail sécuritaires, ajoute le réseau de télévision.

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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.