Le ministère de la Santé a négocié de mauvaise foi avec les syndicats, tranche le TAT

MONTRÉAL — Les grands syndicats du secteur de la santé crient victoire à la suite d’une décision du Tribunal administratif du travail (TAT) qui confirme que le ministère de la Santé et des Services sociaux a «négocié de mauvaise foi» lorsqu’il a offert des primes aux employés du réseau de la santé sans consulter les représentants syndicaux pendant la pandémie.

Dans son jugement rendu mardi, la juge du TAT Myriam Bédard constate que «le Comité patronal de négociation du secteur de la santé et des services sociaux (CPNSSS),le Gouvernement du Québec – Direction des relations professionnelles – Conseil du trésor et le ministre de la Santé et des Services sociaux ont contrevenu aux articles 12 et 53 du Code du travail en entravant les activités syndicales des associations demanderesses et en faisant défaut de négocier de bonne foi».

La FSSS-CSN, la FSQ-CSQ, la FIQ, le SQEES-FTQ et le SCFP avaient saisi le Tribunal en novembre 2021 pour dénoncer le recours aux arrêtés ministériels et à l’état d’urgence sanitaire pour offrir des primes aux employés du réseau de la santé en faisant fi des dispositions des conventions collectives.

Dans les semaines précédentes, le gouvernement avait annoncé un plan d’un milliard de dollars visant à recruter, notamment, des infirmières. Ce plan prévoyait des primes allant de 12 000 $ à 18 000 $ pour les infirmières travaillant à temps plein.

Or, les syndicats allèguent n’avoir jamais été consultés avant l’annonce de ces mesures et déplorent que des décisions ont été prises même si des ententes de principes avaient été conclues quelques semaines auparavant pour le renouvellement des conventions collectives.

La juge Bédard leur a finalement donné raison. «Cette annonce gouvernementale, confirmée dans un arrêté ministériel adopté sous le couvert de l’urgence sanitaire, entrave de plein fouet l’activité syndicale. Même si l’absence d’intention de nuire pouvait être démontrée, ce qui n’est pas le cas, il faudrait conclure à une imprudence grave dont le Gouvernement, interlocuteur aguerri, ne pouvait ignorer les conséquences», écrit-elle dans sa décision.

«La stratégie du gouvernement était irrespectueuse envers les professionnelles en soins. Non seulement cette attitude antisyndicale contrevient aux lois, mais elle s’est aussi révélée totalement inefficace et n’a pas permis d’enrayer la pénurie de main-d’œuvre. La pression est toujours aussi forte sur les professionnelles en soins du réseau public, soutiennent les leaders des organisations syndicales dans un communiqué conjoint, publié mercredi.

«Cela prouve que si des investissements importants sont nécessaires pour attirer et retenir la main-d’œuvre, les mesures doivent être convenues avec les représentants syndicaux afin qu’elles répondent véritablement aux besoins des travailleurs et travailleuses sur le terrain et à ceux des patients.»

À la lumière de ces constats, le TAT ordonne donc au ministre de la Santé, Christian Dubé, de cesser d’entraver les activités syndicales et d’arrêter de négocier de mauvaise foi.

Dans une déclaration écrite transmise à La Presse Canadienne mercredi, le cabinet du ministre Dubé tient à rappeler le «contexte exceptionnel» dans lesquelles ces mesures ont été prises.

«En pleine vague Omicron, le gouvernement se démenait pour trouver des solutions sur le terrain et améliorer la situation des travailleurs de la santé en leur offrant des primes. On devait avoir le plus d’employés possible sur le terrain», justifie le cabinet du ministre.

Les leaders syndicaux demandaient plutôt au gouvernement de «reconnaître que son attitude était inacceptable et (de) changer sa façon de travailler, notamment en vue de la prochaine négociation nationale».

Les syndicats de la santé envisagent par ailleurs déjà de contester de la même façon les mesures annoncées unilatéralement pour l’été, dont les conditions étaient «beaucoup trop restrictives» selon eux.