Les États-Unis déposent une deuxième plainte contre le Canada concernant le lait

WASHINGTON — Les États-Unis demandent à un deuxième groupe spécial de règlement des différends de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) de se pencher sur les pratiques du Canada concernant ses obligations commerciales envers les producteurs laitiers américains.

Il s’agit de la deuxième requête déposée par les États-Unis dans ce dossier en moins de deux ans. Washington dénonce notamment la façon dont Ottawa distribue ses contingents tarifaires pour les produits laitiers, soit les quantités de certains produits qui peuvent entrer au Canada en étant soumis à des droits de douane inférieurs.

Un premier groupe spécial, en décembre 2021, s’était largement rangé dans le camp des États-Unis, qui estimaient que le Canada attribuait une trop grande part des quotas aux transformateurs plutôt qu’aux producteurs laitiers. Les producteurs y voyaient un affront à leur capacité d’exporter leurs produits au nord de la frontière.

La représentante américaine au Commerce, Katherine Tai, a jugé qu’il est nécessaire de lancer une deuxième procédure, puisque le Canada n’en a pas fait assez depuis la publication du rapport du premier groupe spécial.

«Les mesures révisées du gouvernement canadien n’ont pas résolu le problème», a plaidé Mme Tai dans un communiqué.

«Avec cette demande pour la formation d’un deuxième groupe spécial, nous utilisons les outils à notre disposition pour faire respecter nos accords commerciaux et garantir que les travailleurs, les agriculteurs, les transformateurs et les exportateurs américains bénéficient pleinement des avantages de l’ACEUM.»

Elle a rappelé que le Canada a pris des engagements envers les États-Unis dans le cadre de l’ACEUM et que «l’administration Biden-Harris veille à ce qu’il honore ces engagements».

En décembre 2021, la ministre du Commerce international, Mary Ng, avait présenté la décision du premier groupe spécial comme une victoire pour le système de gestion de l’offre du Canada. Mardi, elle a pris un ton plus défiant face à l’annonce des États-Unis.

«Le Canada est déçu que les États-Unis aient demandé la création d’un groupe spécial de règlement des différends», a lancé sans détour la ministre Ng.

«Nous savons à quel point la stabilité et la certitude sont importantes pour nos agriculteurs, nos travailleurs et nos entreprises. Nous nous efforcerons toujours de protéger leurs moyens de subsistance et d’assurer leur réussite au pays et à l’étranger en veillant à ce que les règles commerciales soient mises en œuvre comme prévu.

«Le Canada continuera de défendre son système de gestion de l’offre et l’accès au marché qui a été convenu par le Canada et les États-Unis. Nous resterons fermes face aux tentatives de renégociation des accords pendant les travaux du groupe spécial sur le règlement des différends», a-t-elle écrit.

La Fédération américaine nationale des producteurs de lait et le U.S. Dairy Export Council ont applaudi la décision de Washington.

Nombreux désaccords

Depuis son entrée en vigueur, à l’été 2020, l’ACEUM a donné lieu à de nombreux différends et désaccords entre les trois pays signataires.

Le Canada et les États-Unis reprochent notamment au Mexique d’avoir des politiques énergétiques qui, selon eux, favorisent injustement les entreprises mexicaines et menacent de nuire aux efforts américains pour relancer son industrie de l’énergie verte et lutter contre les changements climatiques.

Le Canada et le Mexique ont également remporté une victoire importante, plus tôt ce mois-ci, lorsqu’un groupe spécial s’est prononcé contre l’interprétation américaine des règles qui déterminent si les pièces automobiles de base sont considérées comme étant d’origine nationale ou étrangère.

Les États-Unis n’ont pas précisé s’ils avaient l’intention de se conformer à cette décision. Selon l’avocat spécialisé en commerce nord-américain Dan Ujczo, ce récent verdict pourrait même avoir joué un rôle dans la décision des États-Unis d’accroître la pression sur le Canada dans le dossier du lait.

M. Ujczo, de la firme Thompson Hine située à Columbus, a comparé l’état actuel de l’ACEUM à un mème populaire sur les réseaux sociaux, où le Spider-Man des années 1960 et plusieurs sosies se montrent tous du doigt l’un vers l’autre.

«Tous ces éléments sont interconnectés: si vous ne bougez pas sur les produits laitiers, on ne bougera pas sur les voitures. C’est donc un levier», a expliqué M. Ujczo.