Mortalité pendant la pandémie: pas facile d’y voir clair

MONTRÉAL — De toutes les provinces et de tous les territoires du Canada, c’est au Québec que le taux de mortalité associé à la COVID-19 a été le plus élevé, confirme une analyse publiée lundi par le Journal de l’Association médicale canadienne.

«On a voulu savoir si la mortalité pendant les 18 premiers mois de la pandémie était vraiment spécifiquement associée à la COVID, ou s’il se passait quelque chose de plus large», a résumé l’auteure de l’étude, la professeure Kim McGrail de l’Université de la Colombie-Britannique.

À l’autre bout de l’échelle, le taux de mortalité associé à la COVID-19 a été le plus faible en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard.

Les données utilisées dans le cadre de cette étude proviennent de Santé Canada pour la période entre les mois de mars 2020 et d’octobre 2021, soit avant l’émergence du variant Omicron.

L’Ontario est la province où la mortalité excessive (à savoir, la différence entre le nombre de morts attendu et le nombre réel de décès) et les décès causés par la COVID-19 ont été les plus étroitement alignés. La mortalité excessive a été plus importante en Colombie-Britannique, en Alberta et en Saskatchewan qu’ailleurs au pays.

L’association précise entre la pandémie de coronavirus et la mortalité excessive est toutefois difficile à établir, préviennent les chercheurs. La Colombie-Britannique, par exemple, a été balayée par une canicule pendant l’été 2021, et la chaleur a fait grimper le nombre de décès.

En revanche, puisque les Canadiens étaient confinés chez eux, on a aussi noté pendant la pandémie une chute du nombre de décès causés par des accidents de la route et attribuables à la grippe.

«Et en plus, il y a des gens qui ont retardé leurs soins, qui ont évité d’aller à l’hôpital par crainte du virus, des chirurgies ont été repoussées, a dit la professeure McGrail. Toutes ces choses peuvent aussi être source de mortalité. C’est très difficile de discerner ce qui se serait passé sans la pandémie.»

La pandémie, a-t-on besoin de le rappeler, a fait des ravages dans les CHSLD du Québec. Des analystes ont fait valoir que cela a déformé le portrait de la mortalité excessive dans la province, puisque certains des aînés qui ont été emportés par le virus arrivaient de toute manière à la fin de leur vie.

Oui, il est possible que la COVID ait raccourci la vie de certains aînés de quelques jours, a admis la professeure McGrail, mais ce n’est probablement pas le cas de tous.

«Mais peut-être aussi qu’ils seraient morts seulement dans deux ou trois ans, a-t-elle souligné. Ce sont deux situations complètement différentes, et on ne doit pas les confondre.»

Cela étant dit, en analysant les tendances hebdomadaires de la mortalité associée à la COVID-19 au Québec et en Nouvelle-Écosse, les chercheurs ont constaté une mortalité excessive certaines semaines, mais une mortalité en deçà des attentes lors d’autres semaines, donc «il est possible que (la maladie) ait attrapé des gens qui arrivaient vraiment au bout de leur vie au Québec», a dit Mme McGrail.

La pandémie de COVID-19 est une tapisserie complexe d’éléments qui s’enchevêtrent et s’entremêlent, poursuit-elle, et il devient très difficile de discerner quel facteur est responsable de quoi, «mais c’est très important d’essayer de comprendre quand même».

Nous ne sommes pas à l’abri de l’émergence d’un nouveau variant ou d’une nouvelle crise sanitaire, rappelle la professeure McGrail, et les «variations entre provinces peuvent nous aider» à mieux comprendre l’expérience que nous venons de traverser.

«Il faut enregistrer beaucoup, beaucoup plus rapidement la mortalité totale, parce que clairement, c’est la mortalité totale qu’on doit suivre, a-t-elle dit. Il faut prendre le temps de comprendre quels facteurs y contribuent. Je pense vraiment que la seule manière d’avoir une réponse adéquate à l’avenir est de comprendre ce qui a bien fonctionné et ce qui a moins bien fonctionné.»