Obésité: mettre l’emphase sur le mode de vie plutôt que le poids

MONTRÉAL — On aurait avantage à miser sur une amélioration du mode de vie dans la lutte contre l’obésité, plutôt que de chercher à tout prix à atteindre une perte de poids, ont fait valoir des experts jeudi, lors du 89e congrès de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (ACFAS).

Le poids perdu, par exemple par le biais de régimes amaigrissants, pourra être rapidement repris, a-t-on rappelé. Ces régimes pourront même avoir un impact délétère sur la santé de ceux qui les adoptent, et qui après plusieurs cycles de gain et de perte de poids se retrouveront possiblement avec un poids plus élevé qu’au départ.

«On sait que ça n’a peut-être pas des effets très intéressants non plus sur la santé mentale, sur notre estime de soi, puis sur la relation qu’on a avec la nourriture ou avec notre corps», a ajouté le professeur Benoit Arsenault, du Groupe interdisciplinaire de recherche sur l’obésité de l’Université Laval.

L’American Heart Association a aussi rappelé, l’an dernier, que des études ont révélé qu’une perte de poids ne s’accompagnait pas d’une réduction des taux de maladies cardiovasculaires.

En revanche, une approche non centrée sur le poids qui vise l’amélioration de facteurs comme l’alimentation et l’activité physique pourra être plus porteuse d’avenir en ce qui concerne la santé du patient, ont fait valoir les conférenciers.

À cette fin, il pourrait être pertinent de redéfinir ce qui constitue une «alimentation saine», a souligné la chercheuse Simone Lemieux du Centre NUTRISS de l’Université Laval, puisqu’il s’agit pour le moment d’un concept un peu abstrait que plusieurs associent à la «restriction» et à la «modération».

Il faut faire preuve de prudence quand on parle de l’alimentation saine pour éviter d’entretenir l’idée que manger sainement est uniquement utile pour perdre du poids, a-t-elle dit.

«Il peut y avoir une espèce de chevauchement entre comment l’alimentation est définie et le fait d’être à la diète parce qu’il y a comme une intersection entre les deux, a expliqué Mme Lemieux. Souvent les gens (…) ont peut-être un peu l’impression d’être à la diète parce qu’ils ont un peu l’impression de se restreindre dans certains de leurs choix alimentaires.»

Tout ce qui fait maigrir n’est pas nécessairement bon pour la santé, a-t-elle ajouté, de la même manière que tout ce qui est bon pour la santé évitera nécessairement une prise de poids.

De multiples études ont témoigné d’une association étroite entre une hausse de l’activité physique et une réduction du risque d’événements cardiovasculaires, même chez les personnes qui présentent un surplus de poids.

«On dit aux gens de trouver une façon d’améliorer leur qualité nutritionnelle, d’augmenter leur votre niveau d’activité physique, de trouver une façon durable de le faire aussi», a dit le professeur Arsenault.

Peut-être que le poids diminuera, poursuit-il, peut-être qu’il restera stable, peut-être qu’il augmentera chez ceux qui feront beaucoup d’entraînement en résistance, «mais ce qu’on sait, c’est que cette approche-là va avoir des effets sur la santé cardiométabolique, sur la santé mentale, sur la relation qu’on a avec la nourriture, avec notre corps et sur notre estime de soi».

Problématique complexe

L’obésité est une problématique complexe qu’on ne peut résumer à un simple déséquilibre entre les calories consommées et les calories dépensées. Les rôles joués par l’environnement et la génétique, et souvent l’intersection entre les deux, semblent de plus en plus évidents.

Plus l’indice de masse corporelle augmente, plus l’influence des antécédents familiaux est importante. On estime que, dans le cas d’un patient excessivement obèse dont l’IMC est égal ou supérieur à 40, environ 80 % du poids corporel est un «trait héritable».

«C’est assez facile de dire que les facteurs génétiques n’ont pas de relation avec le poids quand tu es mince au départ», a laissé tomber le professeur Arsenault.

Les changements survenus dans notre environnement, comme la disponibilité instantanée d’aliments ultratransformés, y sont aussi pour quelque chose.

Une étude norvégienne publiée en 2019 a ainsi démontré que les gens qui avaient une prédisposition génétique à être minces en 1966-1969 étaient toujours minces en 2017-2019. Par contre, chez les individus qui avaient une prédisposition génétique à avoir un poids élevé, la prévalence de l’obésité était beaucoup plus importante.

«(Ça) montre que ce sont les changements dans notre environnement qui font en sorte que la prévalence de l’obésité est beaucoup plus élevée aujourd’hui qu’elle ne l’était», a dit M. Arsenault.