Parcs Canada annule un événement de camping à Montréal après des critiques

MONTRÉAL — La décision de Parcs Canada d’organiser une série d’événements baptisés «Initiation au camping» au cœur de Montréal fait face à des réactions négatives après que des groupes travaillant avec des personnes sans domicile ont indiqué qu’ils représentaient un double standard entre ceux qui ont des moyens financiers et ceux qui n’en ont pas.

Les événements programmés tout au long de l’été sont décrits comme une occasion d’apprendre les techniques de base du camping pour le prix de 108,75 $ par tente le long du canal Lachine, dans l’ouest de la ville.

Annie Archambault, qui travaille avec un organisme à but non lucratif qui aide les populations vulnérables de Montréal, dit que l’initiative ressemble à une mauvaise blague alors que les autorités de la ville démantèlent fréquemment les campements pour sans-abri érigés sur les terres publiques.

«J’ai ri de désespoir quand j’ai vu ça», mentionne Mme Archambault. Elle ajoute que Parcs Canada a manqué de sensibilité en envoyant le message que les espaces publics sont réservés aux personnes qui peuvent se les offrir.

«C’est insultant et ironique. Nous nous battons depuis des années contre le démantèlement des campements de sans-abri, mais la ville a une tolérance zéro, explique-t-elle. Si vous n’avez pas d’argent, vous ne pouvez pas (camper), mais pour 108,75 $, vous pouvez.»

Parcs Canada a publié une déclaration sur son site Web annulant le premier événement ce week-end sans fournir de raison, mais les mêmes événements prévus les 23 juillet, 13, 20 et 27 août sont toujours ouverts aux inscriptions.

Pour l’instant, Parcs Canada n’a pas répondu à une demande pour commenter la situation. 

Mme Archambault estime que les dates restantes devraient être annulées et le matériel de camping remis aux groupes qui travaillent avec des personnes sans domicile. 

«Ce n’est pas l’activité elle-même que nous dénonçons, mais son ironie et son emplacement», a spécifié Mme Archambault. 

«Pas une solution pour l’itinérance»

Une candidate au doctorat en santé communautaire à l’Université de Sherbrooke, Caroline Leblanc, qui étudie les personnes en situation d’itinérance, est d’accord avec Mme Archambault.

«C’est de mauvais goût», a déclaré Mme Leblanc en entrevue dimanche.

«En ce moment, il y a plusieurs personnes vivant dans la rue qui doivent faire face à la répression pour trouver un endroit où aller. C’est un double standard. On fait la promotion de Montréal comme une ville inclusive (…) une réflexion s’impose.»

Interrogée sur les critiques concernant l’activité de camping, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a expliqué la semaine dernière que la décision appartenait à Parcs Canada. Elle a également réitéré la position de longue date de la ville selon laquelle les campements ne sont pas une solution pour l’itinérance.

«C’est une question de dignité et de sécurité; nous continuerons à décourager les campements», a affirmé Mme Plante aux journalistes le 29 juin.

Pour Mme Leblanc, l’initiative de Parcs Canada ne fait que refléter un problème plus profond.

«La question n’est pas de savoir comment Parcs Canada aurait pu faire un meilleur travail, ils n’étaient probablement pas mal intentionnés. Il s’agit non seulement de la ville, mais aussi de la réponse d’urgence du gouvernement provincial face à la crise du logement et à l’augmentation du nombre de sans-abri», soulève Mme Leblanc. 

Environ 600 ménages se sont retrouvés sans logement après le déménagement du 1er juillet dans la province, selon un rapport publié samedi par le groupe québécois de défense du logement, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPPU). Environ 420 ménages locataires étaient sans logement au Québec à la même période l’an dernier.

«On voit un beau camping de 15 tentes sur le canal Lachine (…) pourquoi ne pouvons-nous pas faire ce genre de choses», se questionne Mme Leblanc.

Elle a souligné que le démantèlement des campements pour sans-abri est très éprouvant pour les personnes non logées, et a exhorté les responsables à trouver des solutions pour sécuriser l’espace public de Montréal pour tout le monde. 

«Personne ne veut mourir dans une tente, ils veulent de la stabilité», a-t-elle dit. 

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.