Protection de la jeunesse: la mère de garçons tués à Wendake demande 2 M$

MONTRÉAL — La mère de deux garçons décédés dont le père est accusé de les avoir tués réclame 2 millions $ au gouvernement du Québec, alléguant que les services de protection de la jeunesse ont laissé tomber sa famille.

Dans une lettre d’avocate datée de vendredi, Émilie Arsenault a accusé la Direction de la protection de la jeunesse de ne pas avoir agi malgré le fait que l’agence aurait été contactée à trois reprises avant le décès de ses enfants.

La lettre adressée au ministère de la Santé et au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale (Centre jeunesse de Québec) indique que l’agence provinciale avait été alertée par un employé de l’hôpital, la police et la mère, entre mai 2018 et janvier 2020.

Valérie Assouline, l’avocate représentant Mme Arsenault, affirme que les travailleurs de la protection de la jeunesse n’ont rendu visite à la famille à la maison après aucun des appels, ajoutant que le service de protection a décidé de fermer les dossiers impliquant la famille sans prendre d’autres mesures. Le système, dit-elle, doit être tenu responsable de ses échecs.

«Je ne pense pas que les enfants devraient payer de leur vie parce que le système ne fonctionnait pas», a-t-elle indiqué lundi lors d’un entretien téléphonique.

Les corps d’Olivier, 5 ans, et d’Alex, 2 ans, ont été retrouvés le 13 octobre 2020 dans une maison de Wendake, un territoire de la Première Nation huronne-wendat près de Québec.

Leur père, Michaël Chicoine, est accusé de deux chefs de meurtre au deuxième degré.

Les détails concernant ce qui a conduit aux appels à la protection de la jeunesse font l’objet d’un interdit de publication en raison du processus judiciaire en cours.

Dans la lettre, la mère a déclaré que «l’aveuglement volontaire de tout le système a coûté la vie à Olivier et Alex» et a causé un préjudice irréparable aux enfants et à leur mère.

Le ministère de la Santé a refusé de commenter lundi, citant le processus judiciaire en cours.

Me Assouline représente d’autres familles ayant vécu des circonstances similaires, dont la mère d’une fillette de sept ans de Granby, dont le décès en 2019 a déclenché un réexamen généralisé du système de protection de la jeunesse de la province. Une commission des droits de l’enfant et de la protection de la jeunesse a publié un rapport de 552 pages en mai dernier, affirmant que la mort de la jeune fille était un échec collectif de la société québécoise.

Me Assouline a souligné que le ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant, était «très conscient» des problèmes du système de protection de la jeunesse, mais n’a pas agi assez rapidement.

«Le manque de formation des assistants sociaux, a-t-elle précisé. (M. Carmant) était au courant des délais qui étaient déraisonnables. Il devait agir immédiatement.»

Me Assouline a ajouté que le système sous-estimait les allégations de violence entre partenaires intimes, le catégorisant souvent comme un «conflit parental» au lieu du facteur de risque qu’il est.

Elle a dit qu’elle reconnaissait que les 2 millions $ demandés par sa cliente étaient un chiffre plus élevé que ce qui est habituellement réclamé dans de tels cas, mais elle a indiqué qu’un jugement «exemplaire» était nécessaire pour garantir qu’une situation similaire ne se reproduise plus jamais. Mme Arsenault, a-t-elle ajouté, est bien consciente qu’aucune somme d’argent ne peut ramener ses enfants.

«Elle ne fait pas nécessairement (cela) pour une question d’argent, mais une question d’imputabilité, de s’assurer que quelqu’un est responsable de ne pas avoir protégé les enfants, a précisé Me Assouline. Parce qu’elle a essayé. Que pouvait-elle faire de plus ?»

Me Assouline a spécifié que si le gouvernement ne répond pas à la lettre de mise en demeure, la prochaine étape consiste à intenter une action en justice.