Sommet des Nations unies: les continents de plastique cachent une réalité bien pire

MONTRÉAL — À l’aube d’un important sommet des Nations unies sur la pollution plastique qui débutera lundi à Paris, des chercheurs de l’UNESCO ont tenu une conférence de presse mercredi, pour discuter de l’ampleur du problème, mais aussi des solutions.

Le «7e continent», le «vortex de plastique», la «soupe de plastique» ou encore les «îles de plastique» sont des termes utilisés par les chercheurs et les médias pour qualifier les déchets plastiques qui s’accumulent en bancs dans les océans.

Mais ces quantités d’ordures, visibles dans tous les océans du monde, cachent une réalité bien pire.

«La majorité des déchets plastiques se retrouvent dans la colonne d’eau et dans le fond des océans, alors c’est seulement 15 % qui se retrouvent à la surface. Donc c’est vraiment une sorte d’iceberg, c’est une image, mais c’est vraiment le cas», a expliqué Julian Barbière, chef de la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO, lors d’une conférence de presse à Paris mercredi.

Cette conférence avait lieu en prévision de la deuxième session du Comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique, qui réunira à Paris, dès lundi, des représentants d’environ 160 États et près de 850 membres de la société civile.

Cette série de sommets a pour objectif que les pays s’entendent sur un «nouvel accord international ambitieux et juridiquement contraignant sur la pollution plastique».

Chaque année, près de 8,8 millions de tonnes de plastique finissent dans les océans et le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, soulignait récemment que c’est l’équivalent, chaque minute, «d’un camion-poubelle rempli de plastique qui se déverse dans l’océan».

«Il y a 70 % des déchets qui sont produits au niveau de la planète qui sont en plastique et environ 10 % de ces déchets finissent dans l’océan», a souligné Julian Barbière.

Le chef de la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO a expliqué que l’un des objectifs du sommet qui aura lieu à Paris est de développer «un cadre d’évaluation des risques» qui permettra aux États de mieux comprendre l’impact de ces déchets marins sur les animaux et les humains, «car on se rend compte de plus en plus, que ces pollutions plastiques sont des vecteurs pour agréger d’autres polluants, et peuvent transmettre ces polluants dans différents organismes, y compris auprès des animaux», et conséquemment, ces polluants se retrouvent dans la chaîne alimentaire.

Financer davantage la recherche

Selon l’UNESCO, les informations scientifiques sur l’ampleur des risques sanitaires et l’impact environnemental des particules de plastique dans l’eau douce et salée sont limitées, d’où l’importance de financer davantage la recherche.

«On doit faire une évaluation initiale des risques dans plusieurs régions du monde dans les années à venir et évidemment pour ça, on a besoin d’investissements et de financement. Et c’est aussi un de nos messages importants, c’est-à-dire que dans le cadre de ces négociations qui vont avoir lieu la semaine prochaine, il ne faut pas oublier la science», a expliqué Julian Barbière.

Fanny Douvère, cheffe du programme marin du patrimoine mondial de l’ UNESCO, a ajouté que «c’est un problème global qui a besoin d’une solution globale» et «qu’il faut que les États membres mettent en place des politiques concrètes, des lois concrètes, qui seront partout pareilles et la recherche est essentielle dans tout cela».

Elle a souligné qu’une «grande partie de la négociation a pour but d’arriver à des outils politiques concrets» pour «réduire à la source», et «le danger est que le traité reste trop vague et laisse place à l’interprétation» des différents pays.

Une multitude de plastiques différents 

L’une des difficultés des chercheurs, lorsqu’ils étudient les conséquences du plastique dans l’eau douce et les océans, est la quantité énorme de types de matière à analyser.

Les pneus des véhicules, le textile synthétique qui provient du lavage des vêtements, les emballages, les bouteilles et les équipements de pêche ne sont que quelques exemples d’une multitude de produits différents qui se décomposent en morceaux de plus en plus petits et forment des microplastiques.

La composition de ces particules peut varier considérablement, elles peuvent contenir des additifs chimiques ou des colorants différents, donc leur impact sur la santé et les écosystèmes varie également.

D’où l’importance de légiférer dans les industries qui fabriquent ces produits, encourager l’économie circulaire et mettre en place des politiques qui favoriseront des changements de comportements, selon les chercheurs de l’UNESCO.

Des négociations au Canada

Les représentants des pays qui se réuniront à Paris tenteront de trouver «des moyens pour encourager une production et une consommation durables des matières plastiques, de la conception des produits à la gestion écologiquement rationnelle des déchets, en recourant à des approches fondées sur l’utilisation rationnelle des ressources et l’économie circulaire», selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), qui a convoqué les États à ce sommet.

Dans un communiqué, le PNUE souligne qu’advenant un maintien du statu quo, la pollution de plastique dans les océans pourrait tripler d’ici 2040 et atteindre 29 millions de tonnes par année.

La session du Comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique qui s’ouvrira à Paris est la deuxième de cinq.

Il est prévu que les négociations se poursuivent au Kenya à l’automne, en avril 2024 au Canada, puis en Corée à l’automne 2024.