Tragédie dans une garderie de Laval: François Legault attendu sur les lieux du drame

MONTRÉAL — Le premier ministre François Legault est attendu à Laval, jeudi matin, sur les lieux de la garderie où deux enfants ont été tués et six autres blessés lorsqu’un conducteur de la Société de transport de Laval (STL) a foncé avec son autobus dans l’immeuble abritant la Garderie éducative Ste-Rose, sur la rue Terrasse Dufferin.

M. Legault sera accompagné du ministre responsable de la région de Laval, Christopher Skeete, du maire de Laval, Stéphane Boyer, du directeur du Service de police de Laval (SPL), Pierre Brochet, ainsi que des chefs des trois partis d’opposition de l’Assemblée nationale.

Des citoyens du quartier Saint-Rose se sont rassemblés sur le parvis de l’église Sainte-Rose-de-Lima, mercredi soir, située un peu plus loin, afin d’y allumer des bougies et déposer des fleurs et des peluches, puis essayer de trouver un peu de réconfort face à cette tragédie.

Le drapeau de l’Hôtel de Ville de Laval était également en berne, en hommage aux petites victimes.

Le drapeau du Québec de la tour centrale de l’Assemblée nationale sera en berne toute la journée jeudi, en mémoire des jeunes victimes également.

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, s’est également entretenu avec le maire de Laval en soirée.

«Ce soir, je lui ai dit que notre gouvernement fera tout en son pouvoir pour aider les Lavallois. Nos pensées accompagnent toutes les personnes touchées par la tragédie survenue aujourd’hui. Nous sommes avec vous», a indiqué M. Trudeau dans un gazouillis peu avant 22 h 45.

L’autobus de la STL devait être remorqué aux alentours de 23 h 00 et le périmètre policier levé. L’endroit sera cependant surveillé par une firme de sécurité privée, soit le temps de sécuriser les lieux et de permettre aux divers experts en assurances de l’immeuble de faire leur travail.

Rappel des évènements

Deux enfants sont morts et six autres ont été blessés après qu’un conducteur de la Société de transport de Laval (STL) au volant d’un autobus a foncé dans une garderie, mercredi matin, dans le quartier Sainte-Rose.

Le suspect de 51 ans, Pierre Ny St-Amand, a été accusé de meurtres au premier degré. Il a comparu en visioconférence en fin d’après-midi mercredi, à partir une chambre d’hôpital. Il restera détenu et devra se présenter en cour le 17 février prochain.

Des documents judiciaires indiquent qu’il fait face à un total de neuf chefs d’accusation, dont deux pour meurtre prémédité, ainsi que tentative de meurtre, voies de fait graves et voies de fait causant des lésions corporelles. Les deux enfants ayant été tués n’avaient que quatre ans, et sont identifiés dans les documents uniquement par des initiales.

L’événement est survenu vers 8 h 30 sur la Terrasse Dufferin dans un immeuble abritant la Garderie éducative Ste-Rose.

Le Service de police de Laval (SPL) a confirmé en début d’après-midi que deux jeunes enfants étaient décédés, et que six autres avaient été transportés dans différents hôpitaux de Montréal et de Laval. La police n’a pas confirmé leur âge, mais a indiqué qu’ils étaient désormais «hors de danger».

Le Dr Marc Girard, directeur des services professionnels du CHU Sainte-Justine, a déclaré dans un point de presse que le centre hospitalier avait accueilli quatre enfants d’âge préscolaire au milieu de l’avant-midi, soit deux garçons et deux filles.

«Ils nous sont arrivés conscients, mais avec des traumatismes. Leur vie n’est pas mise en jeu au moment où on vous parle. (…) Nous comptons offrir les meilleurs soins à ces enfants pour qu’ils puissent récupérer rapidement et reprendre leur vie normale», a-t-il souligné, ajoutant que leur état psychologique serait évalué au cours des prochaines heures.

Les enfants sont âgés de 4 à 5 ans ; l’un d’entre eux a été admis aux soins intensifs et les autres sont actuellement en évaluation.

Aucun adulte n’a été blessé lors de l’événement, sauf une personne qui a été transportée à l’hôpital en raison d’un choc nerveux.

Le chef de la police de Laval, Pierre Brochet, a indiqué dans un point de presse tenu en après-midi que le suspect n’avait aucun antécédent judiciaire. Il n’a pas pu confirmer si l’homme entretenait un quelconque lien avec la garderie.

Le motif de son geste reste inconnu pour l’instant, et sera élucidé lors de l’enquête. L’affaire doit revenir devant le tribunal le 17 février.

Le voisinage du suspect sous le choc

Tard mercredi, une voiture de police était stationnée devant le domicile de Pierre Ny St-Amand dans une rue tranquille à environ 10 kilomètres du lieu de la tragédie.

Plusieurs voisins ont décrit le suspect comme un père calme et agréable de deux filles.

Un homme, Thanh-Ry Tran, a rapporté que sa famille se réunissait avec la famille du suspect plusieurs fois par an et que leurs femmes s’entraidaient parfois pour aller chercher ou déposer les enfants. Il a dit que le suspect n’avait jamais montré de signes de détresse.

Un autre voisin, Nader Abou-Said, a souligné qu’il échangeait des salutations agréables avec le suspect et qu’il le voyait souvent jouer avec ses filles dans la cour.

«Comment une personne qui a des enfants peut faire ça?», a-t-il dit

Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, la ministre responsable des garderies, Suzanne Roy, ainsi que le ministre responsable de la région de Laval, Christopher Skeete, se sont rendus sur place pour offrir leurs condoléances à la communauté lavalloise.

Lors d’un point de presse tenu en début d’après-midi, Mme Roy a affirmé que le ministère de la Famille avait eu une «très bonne collaboration» des services de garde de Laval et que tous les enfants seraient relocalisés dans des garderies avoisinantes dès le lendemain.

«Le ministère de la Famille va être là pour accompagner nos éducatrices, les parents et les enfants. (…) Les garderies sont dans un périmètre d’environ 5 km, donc c’est vraiment à proximité. Les parents vont rester dans le secteur et avoir des places attribuées», a-t-elle déclaré aux médias.

Le maire de Laval, Stéphane Boyer, a offert ses sympathies non seulement aux familles, mais aussi aux employés de la garderie et de la STL ainsi qu’au personnel d’urgence de la ville.

Le suspect maîtrisé par des passants

Hamdi Benchaabane, un voisin qui habite juste à côté de la garderie, a déclaré aux médias avoir maîtrisé le chauffeur de l’autobus après l’écrasement avec l’aide de trois parents.

«On a essayé de maîtriser le chauffeur ; il a ouvert la porte et il a enlevé ses vêtements, il était totalement nu. On n’a pas compris pourquoi il a fait ça. On a plongé sur lui, a-t-il raconté. (…) Il n’arrêtait pas de crier. On l’a frappé pour le maîtriser, et on l’a mis par terre. On a attendu les policiers qui sont venus lui mettre les menottes.»

Le témoin a ajouté que lui et les autres parents avaient ensuite retiré un enfant des débris de la garderie, qui n’était «pas gravement blessé». Ils en ont ensuite localisé un autre.

«Le premier, on l’a sorti, la deuxième on n’est pas arrivés à le faire. (…) On a entendu une fille qui était prise en dessous des débris. On n’a pas réussi, et les pompiers sont venus, alors ils nous ont demandé de sortir», a-t-il précisé.

Selon lui, le geste du chauffeur de l’autobus était intentionnel.

«Il était dans un autre état, dans un autre monde. Il allait à 30 ou 40 km/h, et il a foncé. (…) Sincèrement, selon ce que j’ai vu, ce n’est pas un accident. C’est fait exprès», a déclaré M. Benchaabane, ajoutant qu’environ une vingtaine d’enfants étaient dans la garderie lorsque l’autobus s’est encastré dans la garderie.

Alors qu’il sortait du périmètre de sécurité des policiers, un voisin d’une soixantaine d’années interpellé par La Presse Canadienne a aussi rapporté avoir contribué à la maîtrise du conducteur, qui était «hystérique».

Selon lui, trois hommes auraient contenu le chauffeur, et un quatrième les aurait aidés à le maîtriser jusqu’à l’arrivée des policiers. Le témoin, qui souhaitait garder l’anonymat, a indiqué que le chauffeur était nu et qu’il résistait à son arrestation.

Sa conjointe, Ginette Lamoureux, a indiqué qu’elle avait dû quitter les lieux, la scène étant «trop difficile».

«Les enfants criaient et pleuraient, ils étaient tous dans une salle. (…) Une maman est arrivée et s’est effondrée, la policière essayait de la calmer. Je suis sortie, je n’étais plus capable», a décrit Mme Lamoureux.

Jean-Pierre Rouleau, le porte-parole corporatif d’Urgences-santé, indiqué qu’Urgences-santé avait déployé 16 ressources sur les lieux, dont 9 véhicules ambulanciers.

Une cellule de crise a été mise en place à l’École du Parc, située près de la garderie, où des services d’urgence sociale et d’intervention communautaire pourront offrir le soutien nécessaire aux personnes touchées par la tragédie.

Un périmètre de sécurité a été érigé autour de la garderie, et des enfants ont été transportés dans une école voisine comportant aussi un périmètre de sécurité. Un hélicoptère de la Sûreté du Québec survole le secteur, qui est aussi couvert par une forte présence policière.

Une communauté endeuillée

Sous le choc, des résidents du quartier ont voulu rendre hommage aux enfants touchés par le drame. La garderie étant actuellement inaccessible en raison du périmètre de sécurité, plusieurs citoyens ont spontanément montré leur soutien en déposant des bouquets de fleurs sur le capot de véhicules de police.

Christiane Valiquette, voisine de la garderie et grand-mère de quatre jeunes enfants, est venue porter des fleurs pour honorer la mémoire des enfants décédés.

«On est des grands-parents de quatre petits-enfants (…), donc ça nous touche beaucoup. On habite dans le quartier, et pour nous c’est important de témoigner, de rendre hommage à ces enfants-là», a-t-elle expliqué à La Presse Canadienne.

La résidente a ajouté que «beaucoup de gens» allaient aussi venir déposer des fleurs au cours de la soirée.

Un père interrogé sur les lieux un peu plus tôt en journée semblait ébranlé après avoir récupéré sa petite fille, qui se porte bien.

«Si j’étais les parents d’autres enfants blessés, je ne sais pas ce que je ferais. Les malades, ils sont partout», a-t-il déclaré à La Presse Canadienne.

Diane Pilon, dont les deux petits-enfants ont été retrouvés sains et saufs, s’est dite soulagée de la tournure des événements.

«Tout a bien été. Les deux enfants vont bien, et on repart le reste de la journée du bon pied parce qu’ils n’ont rien. C’est toujours un peu traumatisant, on s’entend», a-t-elle expliqué en entrevue.

La grand-mère a récupéré ses deux petits âgés de 1 an et demi et de 5 ans, et a appelé les autres parents en attente à «rester forts».

Mercredi matin, le premier ministre François Legault s’est dit «ébranlé» par la nouvelle.

«Évidemment, mes pensées sont avec ces enfants, les parents de ces enfants, les employés de la garderie. (…) On va offrir aux parents toute l’aide qu’on est capables de leur donner», a-t-il déclaré aux médias.

En début de soirée, le premier ministre a indiqué sur son compte Twitter qu’il souhaitait que le drapeau du Québec de la tour centrale de l’Assemblée nationale soit mis en berne toute la journée jeudi, en mémoire des jeunes victimes.

Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a déclaré mercredi que tous les Canadiens soutenaient la communauté lavalloise, qui traverse un «moment terrible».

«Je ne peux pas imaginer ce que ces familles sont en train de vivre. (…) C’est le plus grand cauchemar imaginable pour n’importe quel parent. On va être là pendant les journées, les mois et les années de deuil qui vont suivre», a-t-il souligné.

Les députés fédéraux ont d’ailleurs observé une minute de silence à la Chambre des communes, avant le début de la période des questions. Les élus à l’Assemblée nationale du Québec se sont également recueillis en soutien aux victimes.

À Toronto, la direction de la Tour CN a annoncé qu’elle éteindrait l’éclairage de la tour pendant cinq minutes au début de chaque heure, mercredi soir, afin de souligner la mémoire des victimes de la tragédie.

— Avec des informations de Jacob Serebrin et Sidhartha Banerjee à Montréal.