Scandale chez Hockey Canada: Un mouvement granbyen à l’ampleur nationale

HOCKEY. Francois Lemay était loin de s’imaginer que son geste allait revêtir une ampleur nationale lorsqu’il a convaincu l’Association hockey jeunesse de Granby de suspendre les versements de fonds destinés à Hockey Canada.  

« Notre résolution était un message de protestation. Le silence à défaut d’être coupable est complice », commente le Granbyen d’adoption. «C’est vrai que nous sommes une association locale, mais ce n’est pas parce que ton pouvoir est petit que tu ne dois rien faire. »

Après l’annonce du gel du financement à Hockey Canada, M. Lemay avait profité de l’occasion pour publier une lettre ouverte dans les journaux et passer en entrevue au 98,5 avec Philippe Cantin. C’est à partir de ce moment que son téléphone se mit à sonner et que des médias de partout au pays l’ont sollicité pour des entrevues. « Ça l’a eu un impact dans ma vie que je n’aurais jamais pensé », confie François Lemay. « Ç’a été repris et ç’a été amplifié à juste titre. Je pense que ça a forcé certaines associations provinciales et territoriales à faire des réflexions. »

François Lemay nous confie s’être entretenu plusieurs fois avec Jocelyn Thibault et Claude Fortin (respectivement DG et président de Hockey Québec) pour leur expliquer sa vision et sa position à adopter. « J’ai été très fier et très content de voir que le Québec dirige un mouvement des provinces et des territoires pour mettre encore plus de pression sur Hockey Canada, mais je constate depuis quelques jours que le vieux discours revient », souligne le père de famille.   

Un système désuet 

Pour M. Lemay, il y a deux discours qui doivent cesser afin de changer la culture de Hockey Canada. Le premier est ce qu’il nomme le discours de dinosaures . « C’est épouvantable les propos qu’a tenus le président de Hockey Manitoba. Il insinuait que Hockey Canada n’avait pas à avertir le gouvernement pour chaque petit incident (en parlant du viol de la jeune fille) », dénonce François Lemay à titre d’exemple en mettant l’accent sur le mot petit. « C’est un vrai discours de dinosaures, ces gens n’ont plus rien à faire là. »

« L’autre discours qui ressort est qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Que ces gens-là (les dirigeants de Hockey Canada) ont une utilité et qu’il faut garder leur expertise », explique-t-il. « Quelle expertise ? même si tu enlèves les quatre dirigeants de Hockey Canada, la machine va continuer d’avancer. Il y a de l’expertise partout dans le pays, nous avons des hommes et des femmes qui travaillent à l’international dans le sport. Ce n’est pas de l’expertise qu’on manque, c’est du leadership. »

« Il y a de vieilles façons de faire dans le sport qui sont historiques qui n’ont pu lieu d’être dans le sport. Il y a la même chose dans la gymnastique et dans le sport. Ce qui arrive au hockey se reflète ailleurs. Si on est capable de changer le hockey en mieux, tout le reste va suivre », note M. Lemay.

Pour sa part, Hockey Canada semble entamer un pas timide vers cette voie. En effet, l’organisation cherche une ressource pour un poste de directeur ou directrice, sécurité dans le sport – maltraitance, harcèlement et mauvais traitements pour se pencher sur ce dossier. Nous apprenions récemment la démission de Michael Brind’Amour et l’arrivée d’une nouvelle présidente intérimaire du C. A, Andrea Skinner. Cependant, le PDG Scott Smith refuse de démissionner pour sa part.

« Tant mieux pour madame Skinner, mais j’ai une question pour elle : est-elle pour ou contre garder Scott Smith ? Est-ce qu’elle va nous dire qu’elle va faire du changement avec les gens qui sont sur place depuis 25 ans ? », s’interroge M. Lemay. « Peut-être que Scott Smith est compétent pour organiser des évènements internationaux, mais si on parle d’éthique, de morale, de rôle de leader de communauté et de donner l’exemple à la jeune élite sportive, alors là, il n’y est pas du tout. »

M. Lemay estime que la confiance en Hockey Canada ne sera renouvelée en partie que le jour où les dirigeants admettront qu’ils n’ont pas l’expertise pour aborder des sujets complexes comme les violences sexuelles, le développement moteur de l’enfant, le rôle du parent et les meilleurs encadrements pédagogiques. « Le jour où les dirigeants auront l’humilité de reconnaitre leurs faiblesses et d’aller chercher de l’expertise pour les aider. À ce moment, je dirai que les dinosaures ont peut-être évolué. »

Une culture à changer 

Directeur adjoint de l’école de l’Orée-des-Cantons et entraineur bénévole au hockey, François Lemay estime que le milieu du hockey doit impérativement s’inspirer du monde de l’éducation pour gérer ce genre de situation. « Personne n’accepterait que l’argent du chocolat vendu destiné aux sorties parascolaires soit utilisé pour acheter le silence d’une jeune victime d’actes criminels. »

De ce fait, M. Lemay stipule qu’une introspection collective doit être faite afin d’admettre que le hockey a eu des passe-droits depuis longtemps. « On est encore dans les années 50 dans notre gestion du hockey et du sport en général. Il faut un vrai modèle de gouvernance. Intégrer des gens avec des discours et des expériences différentes. »

Le changement de culture passe également par la formation des entraineurs et des parents. « Il faut s’asseoir avec les parents et leur présenter un vrai contrat moral, pas juste un papier de code de déontologie. Faisons des conférences, invitons des gens et des associations dans des forums de sport. Il faut impérativement se moderniser », lance-t-il à titre d’idée.

Finalement, M. Lemay souligne que pour se moderniser, il fallait d’abord bâtir l’environnement sportif sur le plaisir et non sur la compétition. « Une des meilleures choses que Hockey Québec a faites il y a trois ans, c’était d’enlever le classement chez les novices et de mettre ça demi-glace. Le fait d’être trop porté vers la compétition engendre de mauvaises réflexions. On veut gagner et donc on protège des joueurs qui ne méritent pas d’être protégés et ça amène des situations odieuses et inacceptables. »

« Il faut faire de quoi ! », lance-t-il aux autres associations de hockey régionales et provinciales. « Faites un geste, faites un coup d’éclat en faisant une conférence de presse en invitant vos parents et des joueurs. Posez un geste. On ne peut pas rester à ne rien faire. Il n’y a pas de petits gestes, il n’y a que de bons gestes ou rien. Les efforts qu’on doit mettre pour préserver l’intégrité de ce sport doivent être au niveau de l’effort physique qu’on y met à jouer », conclut l’entraineur.