Aide financière: des organismes communautaires disent d’être toujours en attente

OTTAWA — Un an après l’aide financière promise par le gouvernement fédéral, des organismes communautaires disent ne pas encore avoir reçu un seul dollar.

Dans son budget présenté en 2021, le gouvernement fédéral disait prévoir un financement de 45 millions $ de dollars sur trois ans pour les organismes communautaires «qui contribuent à rendre les renseignements et les services de santé sexuelle et reproductive plus accessibles aux populations vulnérables».

Frédérique Chabot, directrice de la promotion de la santé chez Action Canada pour la santé et les droits sexuels, dit que son organisme a transmis une demande pour obtenir une partie de ces fonds.

«En ce qui concerne les annonces réelles, [le gouvernement] n’a pas encore décidé lesquels des organismes obtiendraient du financement», mentionne-t-elle.

Le premier ministre Justin Trudeau a indiqué la semaine dernière que son gouvernement envisageait de légiférer pour protéger le droit des femmes canadiennes à l’avortement après qu’une fuite a révélé que la Cour suprême des États−Unis comptait annuler le jugement historique «Roe contre Wade» sur le droit à l’avortement, en vigueur depuis près de 50 ans.

Le ministère de la Santé a la responsabilité d’administrer le fonds de 45 millions $. Le gouvernement prévoyait que 16 millions $ auraient été versés au début de 2022, selon le budget de 2021.

Une porte-parole du ministère, Charlaine Sleiman, signale que des ententes totalisant 15,2 millions $ ont été conclues avec neuf organismes. Elle n’a pas confirmé si l’argent leur avait été remis.

«Le financement sera fourni en accord avec les modalités des ententes», ajoute-t-elle.

Elle énumère les organismes avec qui des ententes ont été conclues: deux associations défendant l’accès à l’avortement, cinq organismes liés à la communauté LBGTQ et deux groupes pour la jeunesse. Deux des neuf associations ont présenté un projet mettant l’accès sur les peuples autochtones. Un financement de 9,7 millions $ est réservé pour des organisations établies au Québec.

La directrice générale de la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada, Joyce Arthur dit avoir entendu des organisations se plaindre des retards dans le financement.

«L’argent est là, sur les tablettes. Des documents ou des contrats doivent être signés. Ce retard est très frustrant», souligne-t-elle.

Jill Doctoroff, la directrice générale de la Fédération nationale de l’avortement, dit que son organisation attend toujours de recevoir une réponse du gouvernement fédéral à sa demande d’aide financière.

Malgré le retard, Mme Chabot salue la volonté du gouvernement de réaliser des investissements «sans précédent» dans la santé sexuelle et reproductive. Elle comprend qu’établir ce fonds peut nécessiter du temps.

«Le gouvernement a dû mettre en place le programme à partir de zéro. Qui sera responsable des subventions ? Comme l’argent sera-t-il distribué ? Comment vérifier l’utilisation ? dit-elle. Assurons-nous que cet investissement ne sera pas gaspillé. Il faut que cette aide du ministère de la Santé devienne récurrente.»

Mme Doctoroff juge qu’un financement sur trois ans n’est pas suffisant.

«Les enjeux liés à l’accès ne seront pas réglés en trois ans. Il faut un financement récurrent pour les gens ayant besoin d’un accès à l’avortement», dit-elle.

Selon Mme Arthur, il existe des inquiétudes que la période de trois ans se terminera sans que Santé Canada n’ait distribué l’ensemble de l’enveloppe budgétaire.

Une fois que le fonds sera à sec, les organisations qui auraient utilisé cet argent pour améliorer leurs services devront les réduire, ce qui menacerait les progrès accomplis, ajoute-t-elle.

Celles qui profitent de ces services subiront les conséquences de ces coupes.

«Elles se fient sur ces programmes, qui ont sauvé des vies. C’est comme si on vous coupait l’herbe sous le pied», souligne Mme Arthur.
———

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.