Armes de poing: C-21 rate la cible, disent les policiers

OTTAWA — Le projet de loi C-21 sur le contrôle des armes à feu n’atteint pas directement la cible, bien qu’il représente un pas dans la bonne direction, ont affirmé jeudi des chefs de police devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale.

«Restreindre la propriété légitime d’armes de poing n’abordera pas de manière significative le vrai problème des armes de poing obtenues des États-Unis qui ont conduit à la tendance actuelle inquiétante de la violence armée qui est largement liée aux gangs, aux gangs de rue et aux groupes criminels organisés plus sophistiqués», a affirmé Evan Bray, le coprésident de la commission spéciale sur les armes à feu de l’Association canadienne des chefs de police.

Le chef Bray, dont le regroupement rassemble des chefs de police de l’ensemble du pays, a clairement affirmé que les propriétaires d’armes à feu légales ne sont généralement pas la source des problèmes à laquelle ils s’attaquent.

Le président de l’Association des directeurs de police du Québec, Pierre Brochet, qui représente 34 corps policiers de la province, dont la GRC, le SPVM, la SQ et l’ensemble des corps de police municipaux, a expliqué dans la même veine, en réponse à une question de la bloquiste Kristina Michaud, qu’investir davantage dans le trafic aux frontières est «de première importance (…) sinon on ne s’en sortira pas».

Les deux associations saluent le renforcement du contrôle des armes à feu afin d’en diminuer le nombre en circulation et appuient le projet de loi C-21. C’est une «avancée importante» qui nécessitera cependant «quelques générations» avant que les impacts réels ne puissent être observés, a reconnu le chef Brochet.

Le projet de loi C-21, déposé en mai dernier par le gouvernement de Justin Trudeau, vise à imposer un gel national sur l’achat, la vente, le transfert et l’importation des armes de poing. Le gel est entré en vigueur par voie réglementaire la semaine dernière et l’interdiction d’importation l’est depuis août. Le projet de loi C-21 prévoit aussi le retrait de permis d’armes à feu à des personnes qui commettent des actes de violence conjugale.

La législation cible essentiellement les propriétaires d’armes à feu acquises légalement qui ont suivi les règles, «plutôt que de viser les causes profondes de la violence armée», a pour sa part affirmé Brian Sauvé, le président de la Fédération de la police nationale, un syndicat représentant 20 000 employés de la GRC à travers le pays.

«En ne s’attaquant qu’à l’outil, vous échouez à vous en prendre au problème fondamental (…), car les criminels obtiennent illégalement des armes à feu aujourd’hui», a-t-il soutenu.

En réponse à une question d’un député conservateur, le chef syndical a dit soupçonner que des ressources dédiées à lutter contre la propriété illégale d’armes à feu seraient dirigées à retirer des armes aux propriétaires d’armes légales.

Le chef Bray a répété que les propriétaires d’armes à feu légales ne sont généralement pas le problème. Il serait d’ailleurs «un bon équilibre» d’ajouter au projet de loi des exemptions pour d’autres disciplines de tir que les tireurs olympiques, mais d’ajouter des exigences plus strictes pour démontrer qu’ils sont activement impliqués dans ce sport, a-t-il reconnu.

Les chefs de police avaient aussi quelques demandes pour les élus. Les deux associations souhaitent une modernisation de la loi pour s’attaquer aux «armes fantômes» qui sont en développement sur le marché, en rendant illégales certaines composantes d’armes à feu.

De même, il faut s’attaquer aux imitations d’armes et aux armes à air comprimé, a expliqué le chef Brochet, qui a dit que les policiers sont «régulièrement» confrontés à des situations où elles sont utilisées.

«C’est extrêmement risqué pour les policiers, a-t-il dit. Il y a aussi le risque que le policier fasse feu sur cette personne-là. Et ça a des impacts sur les victimes.»

Il a qualifié de «pas dans la bonne direction» toute mesure législative qui contrôlerait ce type d’arme.